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« Pakalolo Screening » : l’ILM en quête du cannabis thérapeutique « idéal »

Le Pays a autorisé l’Institut Louis Malardé à se procurer du cannabis, via les saisies des autorités judiciaires, pour mener des analyses sur la production locale. Objectif : identifier des plants qui présentent un fort taux de CBD et un taux plus limité de THC, et ainsi aider à développer une filière légale de production de produits thérapeutiques à base de paka.  

L’ILM en « tête de pont » du cannabis thérapeutique local. L’institut Louis Malardé a obtenu, la semaine passée, une dérogation du Pays lui permettant d’entrer légalement en possession de Cannabis Sativa. Objectifs : améliorer la connaissance scientifique sur les variétés locales de paka, mais surtout avancer dans le développement d’une filière polynésienne de produits à base de cannabis thérapeutique. Le programme avait été développé à partir de 2018, et la demande d’autorisation avait été déposée en 2020. Le Covid est passé par là, mais il aura aussi fallu le temps de faire maturer le débat : « Les planètes se sont alignées, les gens sont en phase, explique aujourd’hui le directeur de l’ILM Hervé Varet. Il y a une vraie volonté du politique d’accompagner ce travail et d’aboutir ». Et vu la réglementation en vigueur sur les produits stupéfiants, seul le secteur de la recherche pouvait se placer « à la pointe » du développement de cette « filière économique et sociale ».

En charge du programme, baptisé “Porinetia Pakalolo Screening », Édouard Suhas, docteur en chimie bio-organique et responsable du laboratoire de recherche sur les substances naturelles et médicinales de l’ILM. La structure, longtemps portée par le Dr Isabelle Lechat, avait été mis en sommeil après son départ, il y a quelques années. Mais elle est en pleine renaissance : le laboratoire lance des recherches sur la filière hibiscus ou sur les plantes utilisées dans les ra’au tahiti, il peut compter sur du nouveau matériel et surtout sur une équipe renforcée depuis peu. Le paka devrait tout de même occuper une bonne partie de ses activités. Ce premier programme de « screening » consiste en un échantillonnage, le plus large possible, des plants de cannabis déjà présents au fenua.

Le Dr Édouard Suhas et le directeur de l’ILM, Hervé Varet.

Un paka qui défonce moins mais qui guérit plus

Aux termes de l’arrêté signé par le président Édouard Fritch le 30 mars, le paka analysé – 500 grammes par mois au maximum – devra provenir d’un « dealer » officiel. C’est auprès du procureur que l’ILM vient de déposer des demandes pour pouvoir travailler sur les saisies réalisées par le police et la gendarmerie. Les échantillons transmis feront l’objet d’une analyse génétique – qui permettra de tracer l’origine et la variété des plants, et pourquoi pas identifier des adaptations locales, comme celle qu’a connu la vanille tahitensis – mais c’est surtout sa composition qui sera scrutée par les chercheurs. Consommateurs et pakaculteurs du fenua ont l’habitude de vanter le fort taux de THC – le principal composé psychotrope du cannabis – de la production locale. « On va pouvoir le vérifier, mais ça n’est pas l’objectif, note Hervé Varet. L’objectif, c’est de travailler sur des plants qui ont de fortes teneurs en cannabidiol (le CBD, composé non psychotrope auquel sont prêtés certains effets thérapeutiques, ndr). Ce sont ceux-là qu’on voudra utiliser pour développer une filière en Polynésie ». L’Institut Malardé se met donc « en quête de la plante idéale » pour lancer la filière. « Ce qui nous intéresse c’est de trouver une plante la plus riche possible en CBD et la plus pauvre possible en THC », confirme le Dr Suhas. Autre critère important pour la réussite du paka thérapeutique made in fenua : l’adaptabilité de la plante au climat local.

Le biochimiste espère aussi que la justice pourra transmettre des renseignements sur les lieux des saisies des échantillons. « Est ce que le pakalolo de Huahine aura le même profil que celui qui a poussé dans les vallées de Tahiti ou sur le sol corallien des Tuamotu ? » s’interroge-t-il. Réponse dans le mois et années à venir.

Donner un cadre scientifique à la filière

Car si certains sont pressés de voir débarquer dans le commerce des huiles et autres produits à base de cannabis local, il faudra encore du temps avant que la filière ne puisse fleurir. Le temps de la recherche d’abord : en plus de ce programme de « screening », l’ILM a déposé des demandes pour un programme plus large de développement de la filière cannabidiol. Il s’agira cette fois de cultiver en laboratoire des plants pour pouvoir les qualifier scientifiquement, confirmer leur stabilité de leur profil phytochimique dans le temps, et de poser les bases de protocole qui permettront d’encadrer une filière. « On essaiera de donner aux planteurs des façons de faire pour obtenir le bon produit au final, reprend Édouard Suhas. Ce produit est ensuite décliné sous différentes formes, notamment des huiles de massages, et il faudra absolument qu’on soit capable de les qualifier de manière scientifique » afin qu’ils puissent être proposés au public en toute sécurité.

La démarche de l’institut s’inscrit donc résolument dans le temps long. Mais le Dr Suhas est optimiste sur le calendrier : « Comme on dit, si tout le monde se met dans la même pirogue et rame dans le même sens, on va plus vite, sourit-il. Ce type de dialogue, on ne l’aurait jamais eu il y a quelques années. Aujourd’hui, tout le monde a l’air de ramer dans le même sens, alors allons-y ! ».

Arrêté n° 248 PR du 30_03_2022 by CharlieRéné on Scribd

 

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