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Plage de Temae : le Pays veut en savoir plus sur le projet Wane avant de trancher

Pour la Fédération Tahei auti ia Moorea, la rencontre avec Moetai Brotherson et Eliane Tevahitua a jeté le chaud et le froid. Le gouvernement a confirmé avoir lancé une procédure pour exercer ses droits sur l’emprise réservée de 3 hectares qui borde la grande plage de Temae. Ce qui constituerait une victoire pour les militants associatifs. Mais pour l’exécutif, il n’est pas question de passer à l’acte avant d’avoir étudié les contre-propositions du groupe Wane, propriétaire du domaine où il porte un important projet hôtelier. Projet « qui se défend », précise la vice-présidente.

Des précisions, mais pas de décision sur la plage de Temae. Mercredi dernier, les représentants de la Fédération Tahei Auti ia Moorea étaient reçus par le président Moetai Brotherson et la vice-présidente Eliane Tevahitua. Un deuxième rendez-vous après une première entrevue en juillet 2023 et quelques échanges de courriers dans l’intervalle. Pour la Fédération, qui est aussi engagée dans des procédures judiciaires au sujet de la route d’accès au motu Temae et l’avenir de la terre Paetou, l’objectif n’a pas changé : garantir l’accès et la jouissance publique des 550 mètres de cette grande plage, très fréquentée même si elle est bordée, jusqu’aux limites de l’eau, par un domaine privé.

En octobre dernier, suite à une discussion sur le sujet en conseil des ministres, le propriétaire de ce domaine, le groupe Wane qui l’a racheté en 2021 au cheikh Enany, a été informé par le Pays de son souhait d’exercer ses droits sur « l’emprise réservée » inscrite depuis 2013 au PGA de Moorea. Une bonne nouvelle pour la fédération, pour qui l’acquisition publique de ces trois hectares de foncier côtier – couvrant une bande de 50 mètres de large dans la cocoteraie – est la « seule garantie à la pérennisation de la plage publique de Temae ».

L’emprise réservée « toujours d’actualité », mais pas un passage obligé

Sauf que l’action du gouvernement n’a pour l’instant pas été plus loin qu’une simple lettre d’information au propriétaire, qui a signifié, en réponse, son opposition au projet d’acquisition. Il faut dire que l’aménagement d’un « jardin public » tout le long de la plage – comme le prévoit le PGA actuel – aurait de quoi à remettre en cause les projets hôteliers du groupe Wane, à commencer par l’extension du Sofitel et potentiellement le lancement d’un nouvel établissement haut-de-gamme à Moorea. Le promoteur préfère rester discret, publiquement, sur ce dossier des plus polémiques, mais les échanges avec les autorités ont bien été relancés ces dernières semaines. Le groupe a même formulé des « contre-propositions » à l’acquisition publique de la zone réservée, qui permettrait selon lui de mener un développement hôtelier en même temps qu’un aménagement publique de la plage… sur une partie de sa longueur.

C’est ce que confirme Eliane Tevahitua, qui se félicite de la rencontre avec la fédération Tahei ‘auti ia Moorea de la semaine dernière, mais indique que les positions de « toutes les parties » doivent être prises en compte. « Ce rendez-vous a été l’occasion de les rencontrer de manière à entendre leurs doléances, mais il est évident qu’on va aussi rencontrer le promoteur qui envisage un projet hôtelier, expliquait mardi la vice-présidente, en charge notamment de l’Environnement et du Foncier. On va entendre sa version des choses, le projet qu’il veut mettre en place. Et c’est en fonction de toutes ces données que le gouvernement se positionnera. »

L’acquisition de l’emprise réservée serait donc, d’après la vice-présidente, « toujours d’actualité », mais visiblement pas un passage obligé. Le groupe Wane aurait notamment proposé la « mise à disposition » – et pas le don, qui avait un temps été évoqué – d’une partie de son domaine à la collectivité, pour permettre à la mairie de Moorea ou au Pays de lancer des aménagements publics.

Les projets compatibles de la mairie et du groupe Wane 

Car la mairie est elle aussi très active dans ce dossier. Dans le cadre d’un projet de révision de son PGA, ses responsables ont présenté en novembre un projet de réaménagement de la plage de Temae. Parc public, nouvelle route d’accès le long de l’aéroport, fare pote’e, parking, équipements sportifs, vente de fruits et légumes et sanitaire… « L’emprise réservée » serait élargie côté terre, mais raccourcie pour ne couvrir que 200 des 550 mètres de plage. Le plan implique en outre d’obtenir une cession ou une mise à disposition de terrains du groupe Wane. C’était déjà dans cette optique que le gouvernement Fritch avait proposé le rachat de 18 hectares du domaine pour 2,2 milliards de francs… Après un tollé en début d’année 2023, le nouvel exécutif avait annulé le projet de transaction quelques semaines après son arrivée au pouvoir.

Le plan de la mairie a été ouvertement rejeté par la fédération d’associations après sa présentation en novembre. Les militants y voient des coûts inconsidérés pour la collectivité – pour la construction d’une route de 12 mètres de large dans une zone marécageuse – et l’abandon d’une majeure partie de la plage actuelle au développement privé. « Pour nous, la mairie défend les intérêts du groupe Wane », résume Alain Bonno. Les intérêts, aussi, du développement économique et de l’emploi dans la zone, rétorqueraient les défenseurs du projet. Mais l’argument est balayé par le président de l’Association des habitants de Temae et porte-parole de la Fédération Tahei Auti ia Moorea. « Cette plage, économiquement, génère déjà des emplois, ne serait-ce qu’avec tous les gens qui viennent à Moorea qui mettent de l’argent dans les navettes maritimes, dans les locations de véhicules, les AirBnB de la place, les restaurants, les magasins, les activités, détaille-t-il.  Le fait de concentrer cette plage à une seule personne, forcément, tous les autres acteurs économiques de l’île vont en pâtir. »

Alain Bonno, comme les autres responsables de la Fédération, se dit prêt à débattre publiquement du projet, avec le propriétaire, la mairie et le Pays. Mais pour l’instant c’est en cercle plus restreint que le gouvernement veut travailler sa décision. À la vice-présidence, où on rappelle les grandes ambitions affichées par l’exécutif sur le développement touristique, on explique qu’une rencontre avec le groupe Wane va être programmée dans les semaines à venir. « Ses projets se défendent également » à Temae, pointe Eliane Tevahitua.

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1 Commentaire

  1. Titus
    23 février 2024 à 10h56 — Répondre

    Lorsque le groupe Wan a acheté le terrain de Temae, il savait qu’il y avait une emprise réservée de trois hectares. Est-ce si difficile de respecter la volonté générale exprimée par le plan général d’aménagement ?

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