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Victime de violences conjugales, elle se fait l’avocate de son bourreau

Pia, un homme de 26 ans, a été condamné ce lundi en comparution immédiate à 6 mois de prison dont 2 avec sursis pour avoir commis des violences sur sa conjointe le week-end dernier à Toahotu. La consommation d’alcool est à l’origine des coups portés mais aussi de ses trous de mémoire. Malgré cela, il a pu compter sur le soutien de son épouse aimante et simplement soucieuse de le voir signer à la croix bleue. 

Quatorze lésions. Des bleus sur le visage, la mâchoire et la nuque et un symptôme plus rarement constaté au tribunal : une entorse du cou.  Pour autant, Amélia* est venue à l’audience protégée par une minerve pour défendre Pia, son compagnon, auteur des coups qui lui valent ses blessures. « Il a un bon fond. Il a juste un problème d’alcool et de violence. Sans alcool, il prend le temps de discuter et même si on se chamaille, il n’y a pas de violence. » Amélia a beau bien connaitre celui avec qui elle est mariée depuis 5 ans, elle n’a pas pu empêcher un nouvel accès de violence le week-end passé.

Pia a lui aussi conscience de ses difficultés avec la boisson. Il n’en avait pas bu une seule goutte depuis le début d’année.  Mais le week-end dernier, satisfait d’avoir terminé la dalle de leur maison, il souhaite fêter cela. Madame rechigne mais tout travail mérite salaire, et Pia obtient finalement satisfaction. La journée et la fête se poursuivent chez des amis à Vairao jusqu’à ce que Amélia reconnaisse les symptômes annonciateurs du drame à venir. « Quand je vois qu’il serre les dents et les poings, je sais qu’il est temps de l’isoler pour le protéger de lui-même et des autres », a expliqué la jeune femme aux gendarmes. Le couple rentre donc à la maison avec leur enfant de 6 ans. Femme de ménage en journée et serveuse le soir, elle doit partir travailler.

Lorsqu’elle revient, un membre de la famille a récupéré l’enfant en entendant les gros bruits venant de la maison. Amélia comprend en entrant dans leur foyer. Pia est allongé sur un matelas et la maison est sens dessus dessous, comme si elle avait été cambriolée. Les portes sont défoncées et le ventilateur est littéralement broyé. Quand il se réveille, Pia fait le même constat et accuse Amélia d’être à l’origine de tout ce remue-ménage. Ni une ni deux, il lui assène un coup de poing au visage. La jeune femme tente de se défendre avec sa ceinture mais se retrouve au sol. Pia la maintient par terre en lui tirant le genou vers l’arrière et en s’asseyant sur son cou. Il restera ainsi une demi-heure avant de baisser sa garde, permettant à Amélia de prendre la fuite pour appeler les gendarmes.

Violent et possessif

Interpellé puis entendu, Pia illustre le deuxième symptôme que provoque sa consommation d’alcool : la perte de mémoire. Il avait oublié avoir tout détruit dans sa maison, il ne se rappelle pas non plus avoir tapé sa bien-aimée. « Je ne l’ai pas frappée, c’est elle qui m’a donné des coups de ceinture. » Une mémoire sélective pour la présidente du tribunal correctionnel « Vous vous rappelez de ses coups à elle mais pas de l’avoir tapée ? » Devant l’étendue des dégâts sur sa conjointe, attestée par un certificat médical, il admet « Je ne sais pas comment elle s’est fait cela. Mais si c’est vrai ce qu’elle dit, je m’en excuse sincèrement. » À la barre, la jeune femme explique que ce n’est pas le premier épisode de violence. En 2018, elle avait porté plainte pour des coups. Pia refusait qu’elle se présente à l’élection de meilleure danseuse du Heiva  : « Il ne voulait pas que j’expose mon corps aux yeux du monde entier »,  a-t-elle expliqué en notant qu’il devenait de plus en plus violent et de plus en plus possessif. « J’ai encore espoir qu’il change », dit-elle à la présidente avant que son avocat prenne le relais pour défendre lui aussi le prévenu. « Ma victime est très équilibrée. Ce qu’elle veut c’est qu’il signe à le croix bleue. Leur seule difficulté, c’est l’alcool. »

Pas de mandat de dépôt pour préserver son emploi

« Encore une nouvelle affaire de violences conjugales » s’apitoie le procureur Hervé Leroy, effaré par le certificat médical de la victime. « Que dire ? Peut-être citer du Ferré et du Aragon ? La femme est l’avenir de l’homme »,  récite-t-il avant d’improviser « La femme porte l’homme pendant 9 mois et le supporte ensuite toute sa vie alors il faut mieux qu’il soit gentillet. La seule façon de toucher une femme c’est avec une rose, mais une de Picardie, sans épine, car les roses porcelaines locales, ça peut faire mal. » Il requiert 8 mois de prison dont 4 avec sursis.

L’avocate de Pia souligne la sincérité de son client. «Il ne conteste pas les faits, il ne s’en rappelle plus. Il n’avait pas un taux si important mais avec l’alcool il perd la notion de la réalité, il perd son contrôle. Le taux si faible de 0,55 ml d’alcool par litre d’air expiré et ce que cela a provoqué chez lui démontre qu’il ne boit pas tous les jours. »

Au final, Pia écope de 6 mois de prison dont 2 avec sursis, et l’obligation de suivre des soins contre son addiction. Il est charpentier sur un chantier naval, quittant le domicile à 2 heures du matin pour n’y revenir qu’à 19 heures le soir ; les juges ont suivi le procureur qui ne voulait pas mettre en péril son activité professionnelle et n’ont pas décerné de mandat de dépôt.

*prénom d’emprunt

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