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4 ans ferme pour l’agresseur sexuel rattrapé par son passé

C’est une affaire sordide qui a occupé le tribunal ce mardi matin. Celle d’un homme qui s’est livré à des attouchements sur des jeunes filles mineures, dont une seule a osé déposer plainte dix ans après les faits. Il a été condamné à une peine de cinq ans de prison dont un de sursis.

Émile Zola, Victor Hugo et même Charles Perrault, s’ils nous étaient contemporains, se seraient surement inspirés de l’affaire qui a été exposée ce mardi au tribunal. Celle d’une gamine maltraitée, tout juste bonne à s’occuper des tâches ménagères et le soir venu, agressée sexuellement par un membre de la famille qui l’accueillait. Mais elle n’a pas été la seule à faire l’objet d’assauts sexuels. Au moins trois autres enfants ont subi le même sort. Un mélange de Cosette, de Cendrillon, mâtiné de Germinal pour la misère sociale.

Emma* a 23 ans lorsqu’elle se présente à la gendarmerie, en 2015, pour déposer plainte pour des agressions sexuelles. Des agressions qui se sont déroulées en 2005, alors qu’elle n’avait que treize ans. Son agresseur, c’est le tane de sa cousine, Manu*, qui était alors âgé de 25 ans. Avant ces faits, Emma vivait avec sa mère qui était sourde ; son père étant incarcéré, l’une de ses tantes décide alors de récupérer l’enfant. Chez sa tante, ils sont nombreux à y vivre, plus d’une dizaine. Parmi les occupants, des enfants, mais aussi Manu qui se révélera être un prédateur sexuel.

À la gendarmerie, Emma raconte le calvaire qu’elle a subi. Elle explique que le tane de sa cousine venait plusieurs fois la nuit, alors qu’elle dormait dans la cuisine, pour la déshabiller et se livrait à des attouchements. « Il mettait ses doigts dans mon sexe, et plusieurs fois il a tenté de me pénétrer avec son sexe, ça rentrait un peu, mais à chaque fois je le repoussais. »

Elle dénonce les faits à sa tante qui ferme les yeux

Si elle a dénoncé plusieurs fois les faits à sa tante, celle-ci ne l’écoutait pas, préférant accorder du crédit au compagnon de sa fille qui était le seul à ramener de l’argent dans le foyer. Emma était donc renvoyée à ses tâches ménagères avec perte et fracas. Que l’on ne se méprenne pas, ce n’est par affection pour la petite Emma que sa tante l’a recueillie, mais plutôt pour avoir sous la main, une quasi orpheline corvéable à merci, que l’on peut maltraiter quand le ménage est mal fait.

Les gendarmes décident d’interroger la famille et parmi les témoignages recueillis, dont la plupart se résument à « il ne s’est rien passé, c’est des mensonges », un seul vient confirmer les déclarations d’Emma. C’est celui de Vaiana* qui raconte qu’alors elle était âgée de sept ans et qu’elle regardait des dessins animés, Manu s’est assis à coté d’elle a couvert ses genoux avec une couverture et lui aurait aussi prodigué des attouchements.

Ces faits ont perduré jusqu’à ses douze ans. Il a tenté aussi de la pénétrer, se couchant nu sur elle, une nuit, mais sa compagne l’aurait surpris. Vaiana, traumatisée, n’a pas voulu déposer plainte et revivre ces moments pénibles au tribunal. Il aurait aussi abusé d’autre gamines, selon certains témoignages, mais là, pareil, aucune plainte n’a été déposée. D’autant que durant l’instruction deux d’entre elles sont décédées.

Placé en garde à vue, Manu déclare alors que c’est Emma qui l’aguichait, « qui est active », qu’elle se déshabillait et s’allongeait nue sur son lit et que lui ne résistait pas à la tentation. Quant aux autres filles, « je ne m’en rappelle plus. »

Il accuse sa victime de mentir

À la barre, Manu, 40 ans, semble se demander ce qu’il fait là. À l’écoute des faits qui lui sont reprochés, il accuse Emma de mentir. « Elle a menti, j’ai fait une fois l’amour avec elle quand elle avait 12 ou 13 ans, et c’est elle qui venait me chercher. » Il répète, comme pour se persuader, « c’est elle qui venait me chercher. »

« La différence d’âge ne vous a pas gênée ? », lui demande la juge, « eh madame, je regrette » lui répond l’accusé d’une voix et d’un ton où perce la misère intellectuelle.

Concernant les autres mineures qui ont fait les frais de ses « avances » avant l’arrivée d’Emma dans la maison, il nie les avoir touchées. Quand la juge lui dit que sa propre femme, séparée depuis, l’avait surpris nu sur sa petite sœur, là aussi, « je ne m’en rappelle pas. »

Pour autant, selon des témoignages de ses amis, il lui était arrivé, alors qu’il était saoul, de se vanter à de maintes reprises d’avoir couché avec plusieurs gamines. Car Manu est un grand buveur, il lui faut ses trois bouteilles de vodka pour passer un bon week-end.

La juge détaille alors les portraits psychologiques de ses victimes. « craintives, vulnérables, traumatisées, troubles psycho-affectifs etc.. Tous les symptômes d’un traumatisme sexuel », assure la juge qui demande à l’accusé, « cela vous évoque quoi tout cela ? »

Manu ne comprend pas la question, « vous en pensez quoi ? » insiste-t-elle. « J’sais pas comment il faut répondre », « Vous n’en pensez rien ? » Manu ne répond pas.

Un accusé intolérant à la frustration

Son portrait psychologique a été brossé et il s’avère qu’il ne souffre pas de « pathologie mentale, ni de psychose, ni de trouble de la personnalité. » Bien que d’une « intelligence normale, il n’éprouve pas d’empathie envers ses victimes et il est intolérant à la frustration. » Portrait classique et habituel des prédateurs sexuels.

À son casier, une dizaine de condamnations, la plupart pour des violences et des conduites en état d’ivresse. Sur son enfance, il aurait fugué à l’âge de sept ans où il se serait embarqué sur une goélette en direction des Tuamotu, et là-bas il aurait travaillé pour des perliculteurs qui l’auraient exploité. Puis il aurait été placé dans un foyer. La justice n’a pu vérifier ses dires, car Manu aurait entretemps changé de nom. Seule sa sœur a confirmé qu’il avait bien fait une fugue, mais a démenti ses affirmations comme quoi il était un enfant battu. « C’est faux, c’était le chouchou de mes parents. »

Cinq ans de prison requis

Pour le procureur de la République, « ce dossier est assez effrayant. On a toute l’œuvre de Zola, l’alcoolisme, la promiscuité générationnelle et la misère affective et matérielle ! Emma s’occupe de sa mère et elle tombe entre les mains de sa tante, qui profite de l’incarcération du père, pour qu’elle fasse la Cendrillon, et elle se fait frapper quand les tâches ne sont pas faites. » Il poursuit, « sur les faits, il a tenté de pénétrer Emma, et elle est constante dans ses déclarations, quant à Vaiana, il met la main dans sa culotte puis a tenté de la pénétrer et c’est sa compagne qui est intervenue. » Considérant que l’accusé à une personnalité « peu reluisante, qu’il ne fait pas preuve de remords et qu’il se comporte comme un prédateur sexuel et un tyran domestique », il requiert à son encontre une peine de cinq ans de prison dont un de sursis avec un suivi psy, un mandat de dépôt et son inscription au fichier des délinquants sexuels.

La défense s’étonne de l’absence des parties civiles et aussi de celle de la tante sur le banc des accusés car, « au courant de tout ce qui se passait, mais qui n’a rien dit. » Concernant son client, elle n’est pas très inspirée, et on se met à sa place: « il a reconnu les faits, et il sait que ce n’est pas bien. Il est immature et c’est ce qui a conduit à son comportement (…) son vrai problème, c’est l’alcool et c’est cela qu’il faut soigner avant tout. Je demande que vous rameniez à de plus justes proportions sa peine. » Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur et Manu est reparti sous escorte, menottes aux poignets.

 *Prénom d’emprunt

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1 Commentaire

  1. simone grand
    23 septembre 2020 à 8h20 — Répondre

    Merci M. le Procureur de vous démarquer ainsi des habituelles accusations contre la culture et ou nature polynésienne. Accusations qui, en général interdisaient toute possibilité de soins et d’amélioration. En évoquant Victor Hugo, Zola et Charles Perrault, vous signalez là qu’il s’agit de dérives graves de comportements humains et non de fatalités génétiques dues à une origine raciale. Merci M. le Procureur, car en parlant ainsi, vous ouvrez la porte aux soins et restituez à de nombreuses personnes une estime de soi jusqu’ici piétinée.

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