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ADT : un déficit attendu de 700 millions fin 2020

©CP/Radio1

Avec des prévisions de chiffre d’affaires en baisse de près de 60% sur l’année 2020, Aéroport de Tahiti traverse une mauvaise passe financière certaine, mais reste confiant et mise sur la reprise du trafic aérien international, principal moteur de son activité. L’entreprise a fait jouer tous les leviers proposés par les banques, le Pays et l’État pour aborder la fin de 2020 et 2021. Quant à la remise en jeu de la concession de Tahiti-Faa’a, qu’on entrevoyait enfin pour 2022, elle sera encore repoussée par les effets de la crise sanitaire.

« C’est la première fois que je vis ça, et pourtant j’ai quelques heures de vol », disait ce matin Jean-Michel Ratron, le directeur général d’Aéroport de Tahiti, qui tenait une conférence de presse pour tirer le bilan de la crise du covid-19 et dessiner les perspectives des prochains mois.

Les quatre aéroports gérés par ADT ont perdu 98% de leur trafic durant la période de confinement. Depuis la reprise partielle des vols vers les îles le 22 mai dernier l’activité culmine à 15% de ce qu’elle était l’an dernier à la même période. Mais les intentions affichées des compagnies internationales, dont aucune n’abandonne la destination, sont un motif d’espérance.

Compte tenu des incertitudes restant à lever sur les ouvertures des aéroports des pays tiers, sur la santé financière des opérateurs et sur la reprise de la demande touristique, ADT prévoit « un trafic total 2020 en chute pour Tahiti-Faa’a de l’ordre de -58% pour l’international et -57% pour le domestique, soit un déficit de 415 000 passagers au départ par rapport à 2019. » Les pertes de trafic seront du même ordre à Bora Bora, Raiatea et Rangiroa. Et les pertes de chiffre d’affaires d’ADT, qui avoisinait les 4 milliards de Fcfp en 2019, seront du même ordre. « C’est en-dessous de tout ce qu’on a vécu depuis le début de la concession il y a 10 ans, dit le directeur général, on mettra des années à s’en remettre. »

Les « fondamentaux restent solides »

Le déficit attendu à la fin de l’année 2020 se situera, dit-il, entre 600 et 700 millions de Fcfp. Aéroport de Tahiti a fait jouer tous les leviers possibles. « La trésorerie est très fragilisée, elle sera en négatif cette année et probablement l’année prochaine également. » Mais « ses fondamentaux restent solides » et elle est préservée par le Prêt garanti par l’État et l’accompagnement des banques qui lui permettent un découvert jusqu’à fin 2021, « un soutien comparable à celui des compagnies aériennes » ainsi que des reports d’échéances d’emprunts. ADT a également bénéficié des reports de cotisations sociales et d’impôts proposés par le Pays.

Déjà obligée de limiter ses investissements à ses fonds propres ces dernières années en raison de la remise en jeu de la concession attendue depuis 2010 (lire encadré), Aéroport de Tahiti a encore du réduire la voilure. Pour l’instant, seuls sont en route la rénovation du salon d’honneur qui sera achevée « fin août, début septembre », les études pour la rénovation de la salle d’embarquement domestique, et l’appel d’offres pour 6 lots de restauration, pour lequel les retours sont attendus à la fin du mois.

Le salon d’honneur sera entièrement refait et inauguré fin août, début septembre. ©CP/Radio1

« Globalement on a maintenu les investissements de sécurité et de sûreté, tout ce qui concerne le maintien en conditions opérationnelles de l’aéroport. On a retravaillé sur les charges, notamment les charges de fonctionnement, tout ce qui est sous-traité. Et puis on a travaillé sur les -20% de temps de travail (…) » expliquait Jean-Michel Ratron.

Toutefois, précise-t-il, « il ne faudrait pas qu’il y ait un autre confinement massif en Europe et aux États-Unis, là on serait sur un tout autre scénario. »

Une « bourse d’activités » pour les personnels dont l’activité a complètement stoppé

ADT a été innovant en matière d’emploi et tout a été mis en œuvre pour éviter un plan social. Pendant le confinement, tous les salariés ont accepté de prendre 5 jours de congés « de solidarité », et l’entreprise a « massivement » favorisé le télétravail. Deux accords ont été signés avec les 5 organisations syndicales au terme d’un « dialogue social très constructif » salué par Jean-Michel Ratron. Le premier, datant du 28 mai dernier, formalise une réduction du temps de travail de 20% pendant 6 mois à compter du 1er juin pour tous les employés. Pour limiter la perte de salaire, ADT a sollicité et obtenu le bénéfice de la Convention de soutien à l’emploi.

Un second accord a été conclu le 11 juin sur la modulation du temps de travail et la création d’une « bourse d’activités » : pour garantir les 80% d’activité à tous, y compris ceux qui n’avaient plus rien à faire – comme par exemple les hôtesses du salon d’honneur – la bourse d’activités les a orientés vers des tâches habituellement confiées à des sous-traitants.

Ainsi, ce sont des employés d’ADT qui ont confectionné leurs masques en tissu, ou qui ont procédé à l’embellissement de l’espace fumeur en zone internationale. Un dispositif « très bien accueilli par l’ensemble des salariés, ils se sentent utiles, » dit le directeur général.

Remise en jeu de la concession de Tahiti -Faa’a : encore un report

Après l’annulation par la justice, en 2010, de la concession attribuée à Egis (qui détient 49% d’Aéroport de Tahiti), un appel à concurrence avait finalement été relancé en novembre dernier. La présélection des candidats devait se tenir en mars, et un cahier des charges précis – sa rédaction a longtemps été le motif invoqué pour expliquer le retard de cette procédure – devait leur être transmis. Pour mémoire, les candidats alignés étaient Egis, Vinci Aéroports, Edeis, et un consortium privé mené par la CCISM. Le choix final était prévu pour courant 2021 et la passation de la concession pour début 2022 au plus tôt. La crise du covid-19 porte un nouveau coup à ce calendrier.

Quant à la concession des aéroports de Raiatea, Rangiroa et Bora Bora – dont la rétrocession au Pays par l’État a été reportée d’avril à octobre, là encore pour cause de covid-19 – elle ne changera rien pour le moment : ADT en conservera la gestion pour deux ans. Ensuite ce sera au Pays d’attribuer la concession à un opérateur, après avoir écrit la délégation de service public correspondante. Le concessionnaire de Tahiti-Faa’a pourrait bien être également le futur concessionnaire des trois aéroports des îles : pour Jean-Michel Ratron, ces trois entités ne sont pas rentables toutes seules.

 

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