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Assises : mort suspecte d’un nourrisson

Premier jour du procès, ce mercredi, d’un couple soupçonné d’avoir maltraité leur bébé d’un an au point d’entraîner sa mort. Le procès se déroulera sur trois jours. Accusé de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le couple encourt une peine de 30 ans de réclusion criminelle.

Laurent*et Patricia* sont accusés de violences par ascendant ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur mineur de moins de 15 ans. La victime ? Leur bébé, Valentin*, âgé d’un an, qui serait décédé par suite des maltraitances qui lui auraient été infligées. Un enfant né avec des malformations : un bec de lièvre pour lequel il sera opéré trois fois, et un enfoncement de la boite crânienne.

Le 18 mars 2015 à 6h45, l’unité Police-secours est appelée pour intervenir dans un squat derrière le Maeva Beach de Punaauia. Un nourrisson est en arrêt cardiaque. Évacué en urgence au CHPF, il y décédera malgré les efforts du service de réanimation. Sur ces faits, la mère déclare qu’elle jouait avec lui quand soudainement il a eu du mal à respirer. Interrogée sur un bleu qui lui marbrait toute la surface de la joue, elle explique qu’il est tombé de son landau. Un landau qui n’en a que le nom, puisqu’il s’agissait d’un caddie de supermarché garni d’un matelas en mousse. Car le couple vit dans un total dénuement. Ils sont d’ailleurs suivis par les services sociaux.

L’autopsie révélera, outre « un traumatisme encéphalique sévère », de « multiples lésions traumatiques ». Les radios mettront en évidence de multiples séquelles de fractures notamment au niveau des bras et des jambes. Pour le médecin légiste, pas de doute, ces fractures sont évocatrices de mauvais traitements, le syndrome dit de « Silverman » ; quant au trauma encéphalique il serait typique du syndrome du « bébé secoué ». Le bleu au visage serait à l’origine de la mort du nourrisson. En outre, depuis sa naissance l’enfant n’aurait jamais été suivi par un médecin, ni vacciné. « Un enfant non désiré » selon le couple qui a déjà eu un enfant, confié aux parents de Patricia.

Une version confuse des faits

Les parents, 24 et 21 ans à l’époque des faits, sont alors placés en garde à vue, où ils vont livrer une version confuse. Leur vie conjugale était placée sous le signe de la violence quasi quotidienne, sur fond d’alcool et de paka.  Dans ces cas-là, Valentin faisait office de bouclier à Patricia. Elle indiquera que le nourrisson était déjà tombé, alors qu’ils étaient ivres tous les deux, et qu’il avait été atteint par des coups échangés entre eux. Quant à la fracture du fémur, elle était dû à une chute en poussette. Patricia reconnait toutefois avoir secoué le bébé à deux reprises dans un excès de colère envers son compagnon. Celui-ci reconnaîtra avoir tiré l’enfant par le bras alors qu’il était dans les bras de sa compagne, les faisant chuter tous les deux. Toutefois, il fait endosser le décès de l’enfant à Patricia.

Mis en examen et placés sous contrôle judiciaire une première fois avec obligation de ne pas rentrer en contact l’un avec l’autre, ils seront ensuite placés en détention provisoire car ils n’ont pas respecté les termes du contrôle judiciaire.

« On a privé mes parents et mes beaux-parents de leur petit-fils »

Interrogée sur les faits, Patricia déclare avoir « honte de moi, honte de mon concubin. Mon bébé n’a pas eu la vie. Je reconnais que je suis coupable. On a privé mes parents et mes beaux-parents de leur petit-fils. » Laurent de son côté assure regretter « ce qu’il s’est passé, je ne voulais pas que cela se termine comme ça, qu’il soit parti. Il me manque et il restera gravé dans mon cœur, dans mes pensées. » Il reconnait « je n’ai pas fait ça volontairement, je buvais beaucoup et je donnais des coups à ma compagne sans voir qu’ils touchaient mon fils. J’étais un homme dangereux, mais je n’étais pas conscient. »

Sur Valentin, sa mère confie qu’il n’était pas désiré. « On s’est questionné sur l’avortement, mais mes parents qui sont catholiques ne voulaient pas. Je ne me sentais pas capable de l’élever, il me fallait de l’aide. J’aimais cet enfant malgré tout, mais je n’étais pas sûr de pouvoir m’en occuper correctement. Je me sentais isolée. » Si sa sœur aînée a demandé à l’adopter, Laurent, lui, ne voulait pas.

Un après-midi consacré à cerner les personnalités des accusés

L’après midi a débuté par le témoignage de la sœur de Laurent. Celle-ci a fait état d’une enfance modeste, mais heureuse, bien qu’il arrivait parfois à leur père de battre leur mère quand il avait bu. Sur le couple qu’elle a accueilli quelque temps chez elle, elle reconnaît que les disputes étaient fréquentes. Concernant son frère, elle déclare qu’à chaque fois qu’elle corrigeait son fils, « des petites corrections, hein, des petites fessées », il intervenait en lui disant qu’il ne fallait pas taper les enfants.

Sur sa belle-sœur, « elle est assez brute, mais de là à faire ce qu’on lui reproche, je ne crois pas. » Elle indique aussi que lorsque Patricia « corrigeait leur premier enfant âgé de deux ans, Laurent n’aimait pas ça. » Elle avoue qu’elle ne porte pas trop sa belle-sœur dans son cœur, « je disais à mon frère qu’elle n’est pas un exemple pour les enfants, qu’elle est fainéante, menteuse et voleuse, et en plus elle tapait mon frère. »

Quant à Valentin, « j’avais remarqué que quand on l’asseyait, il ne tenait pas sa tête droite, et à chaque fois, il partait en arrière. Plusieurs fois je disais à mon frère qu’il fallait l’amener chez un spécialiste. » Elle relate aussi  qu’en prenant Valentin dans ses bras elle avait remarqué que le bébé avait mal. « J’ai dit à mon frère qu’il fallait l’emmener au docteur, et il m’a dit qu’il avait pris rendez-vous. Et un peu plus tard, le bébé a été emmené à l’hôpital où on lui a mis un plâtre à la jambe. »

« Un caractère de cochon »

C’est au tour de la sœur de Patricia de témoigner, une sœur avec laquelle elle n’a pas grandi. « Caractère de cochon », « veut toujours avoir raison », « agressive », « rebelle », « se fâche facilement », « tantôt gentille, tantôt méchante », voilà les mots utilisés pour décrire l’accusée. Précisant si cela était nécessaire, « je ne pourrais pas vivre avec elle. » Vivant pas loin du couple, elle dit les avoir aidés en donnant de l’argent à sa sœur, « mais comme elle allait jouer au jeu, j’ai préféré aller faire les courses moi-même pour qu’ils aient de quoi manger. » Elle indique aussi avoir déjà vu sa sœur taper Laurent, mais que celui-ci ne répondait pas aux coups. Interrogé sur ce qu’elle pensait des accusations portées contre le couple, elle dit ne pas penser que Laurent ait pu taper le bébé, « mais je pense que ma sœur en serait capable, mais pas au point de le maltraiter. Il se pourrait que pendant leur dispute elle le prenait pour se protéger, mais le maltraiter, non. »

Quant à la petite victime, qu’elle voulait adopter, entre deux sanglots elle dit, « c’était un amour, il avait une grosse tête et des malformations, mais je le voulais. »

Elle apporte un éclaircissement quant à la chute du bébé de la poussette. « Je n’étais pas loin avec ma sœur quand cela s’est passé. Mon beau-frère berçait le bébé et les deux se sont endormis. Tout d’un coup on a entendu le bébé pleurer, on est rentré dans la pièce et on l’a vu par terre. Mon beau frère ne l’avait pas sanglé, et comme Valentin gigotait beaucoup, il a dû tomber. »

Les débats se poursuivront demain avec les auditions d’un médecin spécialiste de l’évaluation médicale des ecchymoses dans les cas de maltraitance, ainsi que du médecin légiste qui a autopsié l’enfant.

* Prénoms d’emprunt

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