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Colloque « La terre en Polynésie » : sortie d’indivision ou gestion communautaire ?

Colloque « La terre en Polynésie » ©MB/Radio1

Un colloque sur la question foncière en Polynésie s’est tenu à l’UPF les jeudi 23 et vendredi 24 septembre, à l’issue de près de deux ans de préparation par Sandrine Sana-Chaillé de Néré, professeur de droit privé à l’UPF. Il a été l’occasion d’aborder les moyens de sortir de l’indivision dans un premier temps. La deuxième journée était tournée vers une conception positive de l’indivision, autrement appelée « gestion communautaire » lorsqu’elle est organisée. Outre l’intervention de juristes, notaires ou avocats, l’intervention de spécialistes des sciences humaines a été nécessaire pour aborder le cœur de la question : le passage des modes de gestion traditionnels de la terre à un mode de gestion moderne dans les différents pays du Pacifique comme en Europe. 

Devant la complexité de la question foncière en Polynésie, la professeur de droit privé Sandrine Sana-Chaillé de Néré a réunis des représentants de tous les domaines concernés pour deux journées d’échange qui se sont avérées particulièrement sereines et constructives. Des personnalités d’horizons très variés sont intervenues, et il semble que chacun en soit sorti plus riche. Est-il nécessaire ou non que le droit soit adapté au contexte polynésien et dans quelle mesure ? Comment répondre au besoin de conciliation sur la question de la terre en Polynésie ? Les réponses sont multiples et dépendent du contexte qui varie d’une île à l’autre.

Sortir de l’indivision si on le souhaite

Comme l’explique le député Moetai Brotherson, invité du colloque « la première journée était portée sur la sortie d’indivision, sujet qui touche quasiment toutes les familles polynésiennes ». Cette situation où le partage des terres entre les héritiers n’a pas été fait, souvent sur plusieurs générations. « C’est parfois si compliqué, que la solution reste de partir s’installer ailleurs » résume le ministre de la culture Heremoana Maamaatuaiahutapu à l’ouverture du colloque. Le Pays et l’Etat ont amorcé une réponse à cette problématique avec la création du tribunal foncier en 2017 et avec divers dispositifs visant à faciliter la sortie d’indivision. C’est une façon d’arriver à pouvoir occuper une terre si l’on voit l’indivision comme un problème. Il faut alors être en mesure d’établir les liens de filiation à l’aide de l’arbre généalogique, puis selon la taille du bien foncier l’intérêt de partager le bien varie. Dans son rapport de synthèse qui clôture le colloque, le professeur Michel Grimaldi cite trois moyens qui ont été évoqués au cours de la première journée : « l’adaptation de la loi successorale, le recours à la prescription acquisitive à l’usucapion et enfin la revendication ». 

Des modèles de gestion communautaire des terres qui s’organisent 

Si la propriété foncière telle qu’elle est conçue dans le Code civil est individuelle, il existe des systèmes de gestion communautaire sans propriété individuelle de la terre qui fonctionnent, dans d’autres pays mais aussi en France. L’exemple de la Nouvelle-Calédonie a été présenté, avec l’accord de Nouméa qui permet que les terres dites coutumières soient gérées et régies par le droit coutumier kanak, au sein même de la République française. Au sein de l’Hexagone, sans s’éloigner tant que ça on retrouve l’exemple de systèmes de gestion communautaire en Savoie, qui ont été exposés par Jean-François Joye. Ce sont des systèmes qui fonctionnent et qui n’ont pas toujours nécessité de modification du Code civil, mais plutôt une organisation des communautés elles-mêmes. En Polynésie, deux exemples ont été présentés : celui de l’île de Rapa dont Roti Make d’Assignies, présidente de l’association Oparo Paruru ia Rapa, a expliqué les convictions. Cette communauté est opposée à l’établissement d’un cadastre sur l’île. Au lieu que des titres de propriété ne soient attribués, c’est le toohitu qui gère l’occupation des terres en concertation. Leur statut n’est pas encore reconnu juridiquement, même si le président du Pays a exprimé sont soutien lors d’une visite sur l’île en 2019, c’est pourtant un système qui fonctionne. Autre situation en Polynésie, celle du regroupement de familles Fenua Ora, constitué de 50 associations familiales et de 150 adhérents individuels. Les décisions sont prises de manière collégiale, dans cette structure non hiérarchisée. « On revient à discuter dans la famille, et on structure en fonction du nombre de souches qu’elle contient » explique Nelly Tumahai qui a représenté Fenua ora durant le colloque. « Certes, cela demande du temps et des valeurs humaines, de cœur » concède-t-elle :  « lorsque la famille est grande et que la terre est ce qu’elle est, la satisfaction de tous être sur la terre  n’est pas au rendez-vous ». Pour ce collectif, le code civil a trouvé ses limites ici : la sortie d’indivision n’est pas toujours la meilleure solution.

Comme l’a indiqué l’organisatrice de l’événement, Sandrine Sana-Chaillé de Néré, en ouverture du colloque « on ne peut faire du bon droit sans connaître les gens », « c’est un outil et non une fin ». Reporté trois fois pour des raisons liées au Covid, c’était le premier colloque de cette ampleur organisé en Polynésie. C’est donc une grande joie que toutes les parties prenantes ont exprimé. Il est possible de visionner l’événement sur la page Youtube de l’UPF et dans quelques mois, les actes du colloque seront disponibles en librairie.

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