ACTUS LOCALESJUSTICE Des videurs qui se serrent les coudes Pascal Bastianaggi 2024-04-25 25 Avr 2024 Pascal Bastianaggi © FB Morrison's Café C’est une altercation entre des videurs et un client d’une boite de nuit qui a retenu une bonne partie de la matinée l’attention du tribunal correctionnel ce jeudi. Une affaire plutôt alambiquée et confuse où alcool et coups de poings ont occasionné 45 et 90 jours d’ITT pour les deux victimes dont l’une était aussi un des prévenus. Ils sont trois à la barre. Le client à la fois auteur de coups et victime, un videur occasionnel qui comparait comme prévenu, et le chef des videurs présent en tant que victime. Les faits remontent à quatre ans. Interrogé en premier, le client, skipper de profession, raconte qu’alors qu’il venait de pénétrer dans l’enceinte de l’établissement Le Morrison’s, il aperçoit un couple qui se dispute. Dans un état avancé, il s’interpose, reçoit un coup de poing, dont il ignore qui en est l’auteur, et qui lui éclate l’arcade sourcilière. Avant de se fait sortir manu militari par un des videurs. Une fois dehors, il veut retourner dans la boite pour retrouver celui qui l’a frappé. Mais il se heurte alors au chef de la sécurité qui gère l’entrée des clients et n’a pas le temps de s’occuper de son cas. Le skipper se fait repousser violemment, il tombe en arrière, se relève et assène un coup de poing au responsable. Celui-ci tombe KO et se fracture la cheville. S’ensuit une mêlée où le client est ceinturé par les autres vigiles, accourus à la rescousse de leur chef. Mais alors qu’il est maîtrisé et qu’il ne présente plus de danger immédiat, un des vigiles arrive par derrière et lui envoie un violent coup à la tempe qui lui percera le tympan. Résultat, 90 jours d’ITT pour lui et 45 jours pour le chef des videurs. « Il serait bon que les videurs de l’établissement suivent une formation de physionomiste pour les dealers » Ce responsable, ancien fonctionnaire de police en métropole, se présente au juge comme « physionomiste ». « Votre rôle, si j’ai bien compris, est de détecter à l’entrée quel client est susceptible de mettre le bazar dans la boite et éventuellement de lui en interdire l’accès. » « Oui » assure l’ex-policier. Le magistrat prend le temps de la réflexion et lui suggère alors qu’il « serait bon que les videurs de l’établissement suivent une formation de physionomiste pour les dealers parce que j’ai beaucoup de clients qui fréquentent le Morrisson’s. » Sa version est sensiblement la même que celle du skipper, à la différence qu’il ne sait pas ce qu’il s’est passé à l’intérieur de l’établissement vu qu’il filtrait l’entrée, et que ce n’est qu’après avoir repoussé le skipper et lui avoir tourné le dos qu’il a senti « une violente douleur à la cheville ». « Et quand je me suis baissé pour la regarder j’ai reçu un coup qui m’a mis k-o », dit-il. L’autre mis en cause, homme à tout faire au sein du Morrisson’s et aussi videur occasionnel car il est du genre balèze, tient une tout autre version de l’histoire. Selon lui le skipper aurait mis une « main aux fesses » à une habituée du lieu et que c’est pour cela qu’il l’aurait mis dehors. Une version que nie farouchement l’accusé. Et le juge a tendance à le croire car le videur a livré trois versions différentes aux autorités judiciaires lors de ses auditions. « Vous savez, quand on ment, il faut avoir une bonne mémoire » assène le juge au videur qui baisse la tête, penaud. Il semblerait que ce soit lui l’auteur du coup qui a percé le tympan du skipper. Des versions divergentes S’il n’y avait eu que deux versions différentes pour expliquer l’origine de la rixe, l’affaire aurait pu être rapidement réglée, mais des versions il y en a presque autant que de videurs employés dans la boite de nuit. « Vous êtes combien de videurs dans la boite » demande le juge au responsable qui a du mal à tous les nommer. « Une douzaine mais je ne les connais pas tous » explique-t-il. De fait, seuls quatre vigiles sont employés par le Morrisson’s. Les autres sont envoyés par des sociétés prestataires extérieures. Si les témoignages des videurs employés par l’établissement de nuit pointent tous le skipper comme unique coupable, aucun ne donne toutefois la même version de l’histoire. Curieusement c’est le témoignage d’un des vigiles prestataires qui diffère de la version du groupe. Selon lui, le skipper aurait été frappé dans l’établissement par l’homme avec qui la femme se disputait et c’est après qu’il aurait été sorti du lieu. Un videur qui a été « renvoyé car il était pas du tout professionnel » explique le chef videur au juge qui soupçonne que l’auteur du premier coup de poing est un copain des videurs. « C’est sûr que lorsque l’on est copain avec les vigiles et qu’on déclenche une bagarre, on ne craint pas grand-chose. » « Vous n’avez pas arrêté de nous mentir et de vous moquer du tribunal. » Après avoir pris un quart d’heure pour délibérer et on imagine calmer son mal de tête, le juge a décidé de condamner le skipper à deux mois de prison avec un sursis probatoire de deux ans et un TIG de 117 heures et indemniser la victime, le chef des videurs. Quant au videur occasionnel celui-ci a été condamné à 4 mois avec sursis, 117 heures de TIG et d’indemniser la victime en l’occurrence le skipper. Mais celui-ci a eu le droit en bonus à une explication du juge : « Vous vous demandez sûrement pourquoi vous avez pris plus que l’autre prévenu. Et bien vous n’avez pas arrêté de nous mentir et de vous moquer du tribunal. » Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)