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Économie : « Le retour à la réalité va être difficile »

Pour le professeur d’économie Florent Venayre, la sortie de crise sanitaire va être aussi, pour la Polynésie, l’heure du retour à une dure réalité économique. Inflation galopante, dette accrue, réformes structurelles à terminer… Une chose est claire : l’horizon économique est encombré pour le fenua. Et la TVA sociale, qui doit s’appliquer le 1er avril, ne va pas aider.

Quelles perspectives économiques pour le fenua ? Question difficile dans ce contexte international troublé. Courant février, le professeur de sciences économiques Florent Venayre mettait toutefois le doigt sur une certitude : « le retour à la réalité va être difficile » pour la Polynésie. Car les deux ans de crise Covid ont été marqués par une longue série de mesures exceptionnelles de soutien à l’emploi, à l’activité, aux entreprises, aux compagnies aériennes et aux patentés. « Tout ça a été fait sous perfusion, et la question c’est de savoir ce qui se passe au moment où on retire la perfusion », souligne-t-il.

Pas question de pointer du doigt les mesures de soutien nationales et locales. « C’était absolument nécessaire », relève le spécialiste, pour qui « la casse sociale et entrepreneuriale » aurait été « beaucoup plus importante que ce qu’on a connu ». Il suffit de s’intéresser aux chiffres du tourisme, indicateur traditionnel de l’état de santé de l’économie polynésienne, pour s’en rendre compte. La crise de 2008 avait vu le fenua perdre environ 70 000 touristes, avec les conséquences longues et profondes sur le tissu économique que l’on connait. En 2020, ce sont plus de 160 000 touristes qui avaient été perdus et le rebond de 2021 (82 000 arrivées, contre 77 000 en 2020 et 236 000 en 2019) avait été minime.

Travailler au plus tôt sur la réduction de la dette

Aujourd’hui l’économiste s’inquiète, bien sûr, sur la solidité de la reprise et sur la réouverture des hôtels fermés pendant la crise. Il estime aussi que c’est du côté des comptes publics que la crise Covid a laissé des traces. Avec 64,4 milliards de francs de solde cumulé, les deux emprunts contractés par le Pays auprès d’agences de l’État – qui garantit le prêt – ont permis de « sauver les meubles » mais pas de « déclencher des investissements structurants qui sont porteurs de créations de richesse et d’emploi pour plus tard ». « C’est le genre de dette que les économistes n’aiment pas trop, parce que ça alourdit la pression fiscale sur les générations ultérieures sans apporter à ces générations de bénéfices sur le long terme, explique le professeur. « Je le répète : c’était nécessaire de le faire maintenant, mais quand on aura réussi à relancer la croissance, il faudra travailler à la réduction de cette dette pour qu’elle ne pèse pas à long terme sur les générations suivantes ».

L’autre élément qui obscurcit l’horizon économique du fenua, c’est bien sûr l’inflation. Si l’ISPF n’a toujours pas publié l’indice des prix des premiers mois de l’année, il a déjà augmenté de 1,7 points en 2021 (+3,9 pour les produits alimentaires) et la pression sur les prix est plus que jamais palpable pour les consommateurs. Ce sont avant tout des facteurs extérieurs qui alimentent cette inflation, phénomène aujourd’hui mondial : demande boostée par les milliards injectées pendant la crise Covid et la reprise économique internationale, offre limitée par les difficultés du fret maritime et de la production dans certains pays comme la Chine, hausse des cours des matières premières, des matériaux de construction, et bien sûr des carburants… L’invasion russe en Ukraine n’a fait que rajouter à ces tensions. Difficile, donc de contrôler localement ces mécanismes mais pour Florent Venayre, certains facteurs endogènes ne vont pas adier.

La « TVA sociale » va créer des tensions dans le monde de l’entreprise

La hausse de la CST, actée en décembre, ou du salaire minimum, pousse bien sûr à la hausse, mais c’est surtout l’ex « TVA sociale », rebaptisée Contribution pour la solidarité, et prévue pour une application au 1er avril qui interroge. Du fait de son fonctionnement sans déduction, contrairement à une TVA, elle risque de créer des hausses de prix bien supérieures à son taux de 1,5%. « C’est une taxe qui va se faire payer d’entreprise en entreprise, à tous les niveaux de la chaîne de valeur », rappelle l’économiste. De l’importateur au distributeur, en passant par les autres intermédiaires, « on va avoir des répercussions de 2, 3, 4 fois 1,5% », rappelle-t-il. La taxe, qui épargne les PPN, va en revanche toucher tous les intrants des entreprises, que ce soit les matières premières ou les prestations locales, dans tous les secteurs. En plus des difficultés d’applications prévisibles, « cela peut créer des tensions dans les négociations de prix entre les entreprises locales, continue le spécialiste. Ça risque de rebattre les cartes assez sérieusement. »

Là encore, la mesure est présentée comme « nécessaire » pour assurer le sauvetage des comptes sociaux qui sont effectivement dans le rouge. Mais pour l’économiste, sans baisses des dépenses, pas d’avenir du côté de la protection sociale. « C’est un sujet complexe, et je n’essaie pas de faire du Yakafocon, précise-t-il. Mais en tout état de cause, si on n’arrive pas à trouver des maitrises de dépense, il va falloir abonder chaque année un peu plus les recettes, parce que les dépenses, elles, continuent de glisser d’année en année ».

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1 Commentaire

  1. marouo
    11 mars 2022 à 9h16 — Répondre

    Venant d’un homme qui gagne plus d’un million par mois c’est facile de dire il faut travailler à la réduction de la dette, mais d’abord si la croissance repart, il faudra aider les ménages à retrouver un niveau de vie convenable, les aider à accéder à un logement, à rembourser leur prêts et à trouver du travail. Une fois cela acquis le pays pourra affecter plus de crédit au remboursement de la dette, mais là on est en TREES LOIN ! et d’ailleurs, on a pas d’autre économiste que ce monsieur sur le territoire ? où sont les polynésiens ?

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