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Gambie: sous pression pour céder le pouvoir, Jammeh va contester les résultats électoraux en justice

Banjul (Gambie) (AFP) – Sous intenses pressions internationales pour céder le pouvoir, le chef de l’Etat gambien sortant Yahya Jammeh va contester en justice les résultats de l’élection présidentielle accordant la victoire à l’opposant Adama Barrow, a annoncé son parti.

La situation était calme dimanche à Banjul, quadrillée par les forces de sécurité depuis la déclaration télévisée de M. Jammeh vendredi soir revenant sur la reconnaissance de sa défaite au scrutin du 1er décembre et réclamant un nouveau vote.

Des militaires creusaient des tranchées à l’abri de sacs de sable à travers la capitale de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, mais la population – musulmane à 90% – vaquait à ses occupations, en ce jour de célébration de la naissance du prophète de l’islam, ont constaté des correspondants de l’AFP.

Le brusque revirement de Yahya Jammeh, gouvernant le pays d’une main de fer depuis 22 ans, a suscité une vague de condamnations de la communauté internationale, qui l’a pressé de reconnaître sa défaite et de céder le pouvoir au président élu, y compris par une déclaration du Conseil de sécurité samedi.

Peu après, le parti au pouvoir, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), a annoncé qu’il allait contester les résultats devant la Cour suprême, compétente en matière de litiges électoraux.

La déclaration télévisée du président sortant « était un prélude au recours que l’APRC est en train de préparer devant la Cour suprême contre une décision frauduleuse de l’IEC » (Commission électorale indépendante), selon un communiqué du parti. 

La saisine de la Cour doit intervenir dans les dix jours suivant la proclamation des résultats, mais le 12 décembre étant chômé en raison de la fête de dimanche, ce recours ne devrait être déposé que mardi, selon des juristes.

Par ailleurs, la Cour suprême n’étant pas au complet, plusieurs juges devront être nommés avant qu’elle ne puisse statuer.

Le Sénégal, unique voisin de la Gambie et premier pays – avant les Etats-Unis – à avoir condamné le revirement de Yahya Jammeh, avec lequel il entretient des relations difficiles, a réitéré son appel au calme.

« En Gambie, j’en appelle au respect du choix du peuple ami et souverain, dans la paix et le dialogue », a écrit le président sénégalais Macky Sall sur twitter.

– Population désabusée –

Au nom de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), dont elle est la présidente en exercice, Ellen Johnson Sirleaf, chef de l’Etat du Liberia, a estimé que ce revirement était « inacceptable et menaçait la paix non seulement en Gambie, mais dans tout la sous-région d’Afrique de l’Ouest ».

Selon un communiqué officiel, Mme Sirleaf a « également adressé un message personnel au président Jammeh pour lui demander d’accepter les résultats de l’élection ».

Dans sa déclaration vendredi, M. Jammeh a assuré que « l’intervention de puissances étrangères ne changerait rien », prévenant qu’il ne tolérerait aucune protestation dans les rues.

Beaucoup d’habitants de Banjul semblaient abattus face à l’absence d’une perspective de sortie de crise, en pleine saison touristique, une des principales sources de revenus du pays. 

Certains s’interrogeaient sur l’opportunité de manifester, compte tenu des risques encourus, d’autres appelant même de leurs vœux une intervention internationale. 

« Les gens ont peur qu’il nous tue si nous descendons dans la rue », a affirmé Assan Njie, un coursier.

Un homme d’affaires, Ibrahim Sisay, a exprimé sa frustration. « Nous avons un nouveau président », a-t-il souligné. « Il (Jammeh) est là depuis 22 ans, ça suffit », a-t-il ajouté, estimant que toute intervention extérieure, « même des Japonais! » serait accueillie avec soulagement par les Gambiens. 

Une mission de la Cédéao était prévue ces derniers jours à Banjul, mais le président gambien s’est opposé à sa venue, selon le ministre sénégalais des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye.

Adama Barrow a appelé samedi M. Jammeh à accepter sa défaite, rejetant sa demande de nouveau scrutin, et a invité ses propres partisans au calme, soulignant que le président n’avait pas le pouvoir constitutionnel de convoquer un nouveau scrutin.

« Tout comme j’ai loyalement accepté les résultats, en croyant que la Commission électorale était indépendante, honnête et fiable, je les rejette dans leur totalité », a affirmé M. Jammeh vendredi, dénonçant des « erreurs inacceptables » de la part des autorités électorales.

 marble for presidential election in a polling station, in Banjul on December 01, 2016.The first of some 880,000 Le président gambien sortant Yahya Jammeh (C) à la sortie du bureau de vote le 1er décembre 2016 à Banjul. © AFP

© AFP/Archives MARCO LONGARI
marble for presidential election in a polling station, in Banjul on December 01, 2016.The first of some 880,000 Le président gambien sortant Yahya Jammeh (C) à la sortie du bureau de vote le 1er décembre 2016 à Banjul

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