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Jusqu’à 150 tests par jour : comment l’Institut Malardé s’est organisé pour le « dépistage massif »


Avec plus de 1 500 analyses menées depuis le début de la crise, l’Institut Louis Malardé est au centre de la stratégie de lutte du Pays contre l’épidémie de coronavirus. Négociations avec les fournisseurs, recherches sur les procédés de dépistage, nouvelle organisation et veille scientifique… Hervé Varet explique que l’établissement s’est entièrement « recentré » sur le Covid-19 et sur l’effort de test. Un effort qui, pour le directeur de l’ILM, devra se poursuivre, même après la fin du confinement.

En comptant les quelques 140 tests effectués lundi, l’ILM dépasse les 700 analyses liées au coronavirus en tout juste une semaine. Il avait fallu plus d’un mois et demi, en début d’épidémie, pour atteindre cette quantité de personnes dépistées. Une « montée en puissance », qui traduit la volonté des autorités de connaitre la cartographie réelle de la maladie au fenua avant de prendre des décisions sur le confinement. Mais ce « dépistage massif » a surtout été rendu possible par une mobilisation inédite de l’institut Louis Malardé. « Dès le début de l’épidémie » l’établissement a concentré une bonne partie de ses compétences sur le Covid-19, explique son directeur Hervé Varet. Et a retravaillé son organisation, des protocoles de sécurisation des patients aux techniques d’analyse en laboratoire.

Et le drive de Paofai (lire ci-dessous) n’est pas encore au bout de ses capacités. Longtemps, la Polynésie pouvait s’inquiéter du stock de matériel disponible pour mener les tests de dépistage.  À entendre le responsable de l’établissement, ça n’est plus le cas : « On a largement la capacité de réaliser 150 tests par jour », explique-t-il. D’abord parce que certains équipements ont été, à force d’insistance auprès des fournisseurs, stockés en quantités suffisantes au fenua. C’est notamment le cas des tests PCR, qui servent, en bout de chaîne, à amplifier et donc repérer les traces génétiques du Covid-19. L’ILM en aurait sécurisé plus de 10 000. Mais surtout, les équipes de l’Institut ont travaillé pour contourner les ruptures de stock mondiales qui touchent le matériel de prélèvement et d’extraction du génome du virus, les deux premières étapes du dépistage.

Dépistage : de la recherche en interne pour contourner les ruptures de stocks mondiales
Ainsi l’établissement a récemment commencé à utiliser un nouveau type d’écouvillons, ces longs coton-tiges permettant d’aller prélever des cellules dans le nez et la gorge. Ceux qui sont normalement utilisés dans le cadre du dépistage du Covid-19 sont de plus en plus introuvables au niveau mondial. En doublant certains tests de dépistage, pour vérifier la cohérence de leurs résultats, l’ILM peut garantir que son nouveau matériel, encore disponible chez plusieurs fournisseurs était tout aussi fiable. De même, ses équipes terminent la qualification d’un nouveau « liquide de transport », préparé sur place, et qui sert à conserver momentanément les cellules prélevées.

S’adapter au contexte mondial et s’en inspirer : L’institut peut aussi compter sur ses partenariats en métropole et les retours d’expériences internationaux pour valider de nouvelles techniques. Par exemple sur l’extraction du matériel génétique. Les réactifs utilisés par les machines dont disposent l’ILM et la plupart des laboratoires sont de plus en plus difficiles à trouver. Que cela ne tienne : l’établissement polynésien a mis sur pied et fait valider un processus d’extraction « à la main », sans perte de fiabilité. « On a utilisé tous nos moyens pour être effectivement serein » dans cet effort de dépistage, explique Hervé Varet.

« On va forcément retrouver des cas positifs »

Avec deux cas positifs sur 760 tests ces 9 derniers jours, l’épidémie semble avoir été largement endiguée au fenua. Et pourtant, le dépistage « massif » doit encore s’accélérer, pointe le directeur de l’ILM, nommé en mars 2018. L’idée : identifier les cas positifs, probablement asymptomatiques, qui ont pour le moment échappé au radar des autorités sanitaires. Et mener des enquêtes autour d’eux pour s’assurer que le virus ne circule plus. Pour Hervé Varet, l’idéal serait de mener « 2 000 à 3 000 tests » dans les jours qui restent avant le déconfinement. « On va forcément retrouver des cas positifs, et je l’espère », insiste le directeur, qui s’attend à voir passer le décompte de 56 cas à « une soixantaine, voire un peu plus ».

Des capacités de dépistage pour accompagner le déconfinement en mai et juin

Quelle que soit l’évolution de l’épidémie, l’ILM devrait garder un rôle stratégique dans les prochaines semaines : « Il faudra gérer le déconfinement, reprend Hervé Varet, et ça veut dire encore des tests ». Si ce sont bien les autorités – Pays comme État – qui fixent les règles de circulation en Polynésie, l’ILM se tient prêt à répondre à leurs demandes. La reprise progressive du trafic entre Tahiti et les archipels pourrait par exemple se faire, dans un premier temps, sous condition de test négatif. Comme, d’ailleurs, les échanges avec l’extérieur du fenua. « À un moment donné il faudra bien rouvrir les frontières », note le directeur.

L’Institut, en tout cas, prévoit de continuer à travailler sur le Covid-19 pendant encore plusieurs mois. Si son laboratoire de recherche en virologie n’a pas, en soi, les capacités de travailler sur un vaccin ou un « remède », il entretient, depuis les premiers jours de la crise, des liens avec la communauté scientifique mondiale et effectue une veille de l’évolution de la recherche mondiale.

 

 

Au drive de Paofai, les « préleveurs » cherchent le « geste parfait »

Des blouses, des masques, et des pipettes. La rue du 5 mars 1797 à Paofai a pris des allures de laboratoire à ciel ouvert depuis quelques semaines. C’est là que l’Institut Louis Malardé a installé son « drive » de dépistage, qui permet d’effectuer les prélèvements nécessaires au tests du Covid-19 sans sortir de voiture. D’autres tests sont menés au CHPF ou par les équipes mobiles du bureau de veille sanitaire. Mais le « drive » concentre l’essentiel des prélèvements. Un modèle utilisé dans de nombreux pays du monde, mais qu’il a fallu adapter. « Les autres activités de l’Institut continuent, et il était inimaginable d’avoir des cas suspects ou contacts qui restent dans une salle d’attente avec des personnes en attente d’autres analyses », explique ainsi Guillaume, un des membres de l’équipe de six infirmiers libéraux recrutés par l’ILM pour effectuer les prélèvements. Il rappelle au passage que le circuit qui amène les patients jusqu’au drive passe nécessairement par les médecins et les autorités sanitaires du Pays.

Un stand de récolte d’informations, un stand de prélèvement, dans la voiture, ou, si les personnes testées préfèrent, sur une chaise à l’extérieur. L’ensemble de la chaîne ne prend guère plus de 10 minutes. Mais pas question d’agir dans la précipitation. Le passage de l’écouvillon au fond du nez et de la gorge est un « geste technique » dont la précision pèse sur la fiabilité du dépistage. Et qui peut être douloureux s’il est mal effectué. Aucune inquiétude, rassure Guillaume : après plusieurs centaines de prélèvements, les infirmiers s’approchent du « geste parfait ». Et, derrière leur équipement de protection, ils prennent garde à chacun de leurs mouvements pour éviter tout risque de contamination des personnes testées… Ou d’eux même. « On est parmi les plus exposés, mais aussi parmi les plus protégés », assure le professionnel, qui reconnait une « pression constante ».

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