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Sept ans de résidence pour voter : Darmanin met les pieds dans le plat à Nouméa

Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer est en déplacement en Nouvelle-Calédonie avec son ministre délégué Jean-François Carenco. Les discussions sont depuis de longs mois au point mort pour trouver une suite à l’accord de Nouméa et aux trois référendums. Le ministre a déjà fait des propositions, notamment sur un point chaud du débat : le dégel du corps électoral provincial. En clair : qui pourra voter en 2024 ?

Une visite pour « voir plus loin », pour Gérald Darmanin. En Nouvelle-Calédonie depuis deux jours avec Jean-François Carenco, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer s’est fixé pour mission de débloquer les discussions entre indépendantistes et loyalistes, au point mort depuis le troisième référendum de fin 2021. Boycotté par les premiers et remporté par les seconds – comme les deux premières consultations – le scrutin qui devait mettre un terme à l’Accord de Nouméa n’a pas donné la visibilité espérée au Caillou où les deux camps, sur les questions institutionnelles en tout cas, ne se parlent plus directement. Les pro-Kanaky cherchent en effet depuis de longs mois d’obtenir de Paris des engagements sur le trajet vers la pleine souveraineté plutôt que d’engager des trilatérales avec les partisans du maintien dans la France. Ces derniers estiment au contraire que la marche vers l’émancipation doit être stoppée net, et que les métropolitains arrivés ces 20 dernières années sur le Caillou doivent être mieux intégrés parmi les citoyens calédoniens.

Être arrivé avant 1998 pour pouvoir voter

Gérald Darmanin a donc commencé par tirer un bilan des 25 ans d’accord – 35 en comptant les accords de Matignon-Oudinot  -, avant de lancer le dialogue sur les compétences de l’État, de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, que beaucoup aimeraient revoir pour plus de lisibilité. Il s’agit aussi de parler de l’exercice futur du droit à l’autodétermination puisque l’Accord de Nouméa n’a jamais prévu l’extinction de ce droit, quel que soit le nombre de « non » successifs aux référendums. Mais à plus court terme, c’est un autre débat qui fait brûler le torchon entre les « partenaires » calédoniens : le corps électoral provincial. Il s’agit en clair de savoir qui va voter pour élire les membres du Congrès – l’assemblée territoriale du Caillou – qui doit être renouvelé dès l’année prochaine. Alors que l’accord prévoyait un corps électoral « glissant » – mais pas détaillé – pour ces élections, le FLNKS avait obtenu de Jacques Chirac et de son gouvernement de 2007 une loi constitutionnelle qui l’a « gelé » temporairement afin de préparer plus sereinement les référendums. Concrètement, ne peuvent depuis voter aux provinciales – l’équivalent des territoriales au fenua – que les résidents installés avant 1998 sur le Caillou ou les natifs devenus majeurs depuis.


Compétences régalienne et futurs référendums

Une règle que les loyalistes contestent depuis de longues années, pointant vers les « 40 000 résidents » – principalement des métropolitains installés après 2018, le chiffre étant régulièrement débattu – qui seraient privés de voix dans la politique locale. Côté indépendantiste, on a toujours fait de l’aboutissement du processus de décolonisation un préalable à cette réouverture du corps électoral qui gonflera sans aucun doute le camp adverse. Dans ce débat au long cours, Gérald Darmanin a déjà affiché sa position : l’État dégèlera, consensus ou pas, avant les prochaines élections. Dans un courrier envoyé aux responsables politiques en amont de sa visite fin mai, il propose d’ouvrir le corps aux « personnes installées durablement en Nouvelle-Calédonie, avec une durée de résidence qui pourrait être de sept ans ». Ce qu’il a confirmé à son arrivée, précisant à nos confrères de Nouvelle-Calédonie la 1ere que ces 7 ans étaient un « point de départ » des discussions. Il est à noter qu’en Polynésie l’idée de conditionner le vote aux territoriales à un certain nombre d’années de résidence intéresse non seulement les indépendantistes du Tavini, mais aussi les autonomistes, puisque le Tapura avait évoqué ce sujet avec sa proposition de « citoyenneté polynésienne » avant les élections législatives de l’année passée.

3 ans de résidence et pas de transfert pour les loyalistes

Gérald Darmanin, qui veut poser les bases d’un accord ambitieux pour l’avenir du Caillou, évoque aussi la possibilité de « partager ou transférer » certaines compétences régaliennes et de fixer à « une ou deux générations » la prochaine consultation possible sur l’indépendance. Des propositions qui n’ont pourtant pas été chaudement accueillies par les leaders indépendantistes, notamment sur la durée de résidence et le délai d’exercice du droit à l’autonomie. Des contre-propositions auraient été formulées mais pas publiquement détaillées, indique Nouvelle-Calédonie la 1ere, et le FLNKS a insisté sur « l’identité kanak et la citoyenneté calédonienne « . Les partisans de la Calédonie française, reçus à part par le ministe, tirent, là encore sans surprise, dans l’autre sens. Les Loyalistes proposaient 3 ans de résidence pour pouvoir voter, ne semblent pas favorable au transfert de compétences régaliennes, et s’opposent globalement à « la poursuite de l’émancipation » vu les résultats des référendums. Si Calédonie Ensemble, groupe non-indépendantiste minoritaire, partage la position de Gérald Darmanin, l’accord avec les indépendantistes semble toujours lointain.

 

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