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Thomas Pesquet : « Évidemment que j’ai peur au décollage »

Avant son départ de Polynésie, Thomas Pesquet a répondu à quelques questions sur ses vacances au fenua, ses craintes et espoirs environnementaux, son rapport au public ou encore les prochaines étapes du programme spatial. Un discours avant tout orienté vers la jeunesse qu’il encourage à viser haut : « Si tu dis ton rêve à quelqu’un et qu’il ne trouve pas ça ridicule, c’est que ton rêve n’est pas assez grand ».

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Même quand il s’assoit un petit quart d’heure pour répondre aux questions des médias, la foule l’entoure, l’observe, l’attend. Une notoriété à laquelle Thomas Pesquet, plus de six ans après son premier voyage dans l’espace, s’est fait tant bien que mal : « C’est toujours une surprise de voir ce que ça génère, c’est bien, mais ça complique un peu tout, on est obligé d’avoir une organisation au cordeau ». De l’école de la Mission samedi matin au grand Théâtre puis à Moorea, avant son départ ce dimanche, l’organisation rappelle en effet autant les visites présidentielles que les apparitions de stars de la chanson. Et pourtant, ce détour public en fin de vacances aux Tuamotu, ça n’est « pas quelque chose qu’on m’a demandé de faire », pas plus, d’ailleurs que les nombreuses publications sur les réseaux sociaux depuis la station spatiale ou entre les missions. « L’agence spatiale est contente qu’on en parle, bien sûr, mais ce sont des choses qui se passent dans le temps libre, le soir, le dimanche », explique-t-il, notant que d’autres collègues astronautes « ne le font pas ».

Lui tient à garder le lien avec le public, à utiliser sa popularité pour faire entendre un message sur la science ou sur l’environnement. Il tient aussi à aller à la rencontre, physique cette fois, de ce public de temps à autre. « On est des animaux assez basiques, on a dépassé notre condition, mais il y a plein de choses qui nous parle que lorsqu’on peut les toucher, les voir, précise-t-il. C’est une chose de voir un documentaire sur un lancement de fusée, s’est est une autre de le voir en vrai, avec ses sens, avec ce que ça provoque. C’est la même chose : parler aux gens de très loin via les réseaux sociaux, c’est quelque chose mais les rencontrer en vrai, c’est pas le même effet ».

Garder les pieds sur terre

Pour l’ancien commandant de l’ISS, c’est aussi une façon de garder les pieds sur terre. « Astronaute, c’est un métier où il y a souvent un effet tour d’ivoire, où les gens se disent qu’on n’a jamais mal, jamais peur, alors que c’est pas vrai du tout, reprend-il. On est des gens normaux avec tout ce que ça implique ». Normal, le quadragénaire, qui cumule presque 400 jours dans l’espace, plus qu’aucun autre Européen ? « Les gens demandent si j’avais peur au décollage, évidemment que j’avais peur, on s’assied sur une bombe, il faudrait être fou pour pas avoir peur ».

Ainsi répondre à l’invitation de la Mission, c’était « une belle histoire », même si le spationaute regrette de ne pas avoir pu « parler à tous les élèves » – « quand il y en a 800 tu peux pas avoir une conversation avec tout le monde, c’est un peu mon malheur » – et surtout ne pas avoir pu voir tous les projets menés par les élèves en rapport avec l’espace. « Ils ont bien travaillé, c’est clair », note-t-il.

S’autoriser à rêver, et à cheminer

« Bien travailler à l’école », le conseil est revenu plusieurs fois sur scène pour celui qui, à 6 ans, rêvait déjà à l’espace, mais en parlait peu pour éviter les moqueries.  » J’avais ça dans un coin de ma tête mais quelque part, on s’interdit les rêves. Ma grand-mère disait ‘tu feras bien comme tout le monde’, cette phrase là elle m’a marqué. Cela me passionnait mais je n’avais aucune idée de comment y arriver, comment me relier à ça, explique cet enfant de la campagne normande, né dans une famille d’enseignants « qui n’a rien à voir avec l’aérospatial ». Je n’avais aucune idée de comment arriver à ce but et c’est aussi ce que j’essaie d’expliquer aux enfants : il n’y a jamais de ligne droite, c’est petit à petit. Il faut se lancer dans un truc, travailler à l’école, passer un concours, rencontrer les gens, faire un stage. Je n’en avais pas conscience lorsque j’étais petit mais la route n’est jamais toute débroussaillée devant soi, cela n’existe pas ». Bref, « Si tu dis ton rêve à quelqu’un et qu’il trouve pas ça ridicule, c’est que ton rêve est pas assez grand quelque part » sourit le spationaute, qui, quand il parle en public se dit que « peut-être qu’il y a là le ou la future astronaute, peut être que c’est aujourd’hui que ça commence ».

Aux enfants, il tient à faire part, aussi de ses craintes et espoirs du côté de l’environnement. D’un côté le voyage spatial fait « ressentir par soi même la ‘finitude’ de la Terre », la limitation des ressource et l’absence de « plan B ». De l’autre, séjourner dans la station spatiale, un « château dans le ciel à Star Wars » construit par plusieurs nations qui ont collaboré « pour les bonnes raison », c’est aussi une source d’optimisme : « Si on arrive à faire ça, je pense pas qu’il y ait de problème trop grands pour qu’on ne puisse les résoudre ».

Apataki ou Toau pour « déconnecter »

De la Polynésie, qu’il a plusieurs fois photographiée depuis l’ISS, Thomas Pesquet connaissait la carte postale. « C’est magnifique, mais ça n’a pas été une surprise ». La « gentillesse des gens, l’accueil, le contact facile », ça en a été une lors de ses vacances, sur lesquelles il ne s’étend pas mais qui l’ont visiblement mené à Rangiroa, Apataki ou Toau, atoll rattaché à Fakarava et accessible uniquement en bateau. Et pourtant, difficile pour le spationaute de déconnecter complètement : « c’est un bon problème, c’est pas grave, mais prendre deux semaines de déconnexion, je peux pas, j’y arrive pas. Là ça a été vraiment compliqué jusqu’au dernier moment mais ça a fait du bien, explique le Normand. Après j’ai fait de la plongée, pour moi c’est aussi le boulot, parce qu’on s’entraine en piscine, donc tu déconnectes jamais complètement. Mais le truc bien, c’est qu’il n’y a pas de réseau là bas ! »

Retour à la très connectée réalité, donc, pour Thomas Pesquet, qui, d’interviews en exercices, continue à 44 ans d’affirmer sa volonté de rester un acteur de la conquête spatiale. Même s’il n’affiche pas d’autres ambitions que de « participer », il le sait : des places sont à prendre dans le programme ambitieux de la Nasa, mené conjointement avec l’Esa (l’agence spatiale européénne, à laquelle Thomas Pesquet est rattaché) et l’agence spatiale japonaise et canadienne. Le cap ? « Retourner vers la Lune de manière plus durable, pour établir une présence plus permanente, en utilisant les ressources in situ, comme on le fait en Antarctique, explique-t-il. Faire de la recherche scientifique, faire des découvertes qui vont bénéficier à la terre, mais aussi nous apprendre à aller vers Mars ».

La Lune comme étape avant Mars

Pour lui comme pour les responsables des programmes spatiaux, la planète rouge, c’est « le but ultime, la seule chose intéressante à notre portée ». « C’est là qu’on peut en apprendre beaucoup sur les origines de la vie et sur ce qui peut se passer. On sait que Mars a perdu son atmosphère et son eau liquide et ce sont des questions qui nous parlent en ce moment. C’est quoi l’histoire qui s’est déroulé sur Mars ? On veut répondre à ces questions là, insiste l’ingénieur. Donc le cheminement, c’est ça, c’est la Lune pour ensuite aller vers Mars. Et la bonne nouvelle, c’est qu’on y retourne : les Américains, les Japonais, les Canadiens et nous, les Européens, on s’est mis d’accord pour participer comme on le fait sur la station, de manière collégiale, chacun apportant ses spécialités, pour retourner vers la Lune ».

Le programme, de ce côté là, va s’accélérer dans les prochains mois. Le premier vol Artemis (nom de mission successeur à Apollo), inhabité, a eu lieu en fin d’année dernière, un deuxième, habité, mais sans alunissage, aura lieu d’ici l’année prochaine, pour un retour sur la Lune prévu en 2025, 53 ans après le dernier homme qui l’a foulé. Une quatrième mission, prévue en 2027, doit permettre l’installation d’une toute première station orbitale lunaire. « Les Européens devraient avoir le droit au chapitre, précise Thomas Pesquet. Sur 4 lancements, on devrait avoir 3 Européens ». En fera-t-il partie ? Difficile à dire, mais le programme a de quoi empiéter sur de futurs projets de vacances.

 

 

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