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La Polynésie a perdu cinq années de croissance en un an

L’ISPF a publié ce jeudi une première estimation des pertes de PIB subies par la Polynésie en 2020. Après 7 années de croissance, la crise covid, « plus forte et plus soudaine que celle de 2008 », aurait engendré une récession de l’ordre de 10%, estime l’institut. Soit peu ou prou la croissance accumulée depuis 2015.

L’ISPF préfère avertir dès les premières lignes de l’étude : cette prévision de PIB « sera révisée dans la prochaine publication des comptes rapides » en juillet prochain. C’est d’ailleurs généralement en milieu d’année que les premières estimations de produit intérieur brut sont mises sur la table, les mesures définitives étant publiées au moins trois ans plus tard. Mais alors qu’un brouillard pèse depuis plusieurs mois sur les conséquences économiques de la crise, cette première étude sur l’année 2020, toute « précoce » qu’elle soit, était très attendue. Si le Pays s’est longtemps basé sur des prévisions « théoriques » assez catastrophiques (jusqu’à -20%), l’Institut de la statistique estime finalement à 10% la perte de PIB subie par la Polynésie l’année passée. La perte de PIB serait de l’ordre de 75 milliards de francs… soit l’équivalent de la croissance acquise depuis 2015. Les raisons, elles, sont connues depuis longtemps. Confinement d’avril, mise à l’arrêt de certaines activités, fermeture des frontières jusqu’en juillet, et donc « chocs négatifs d’offre et de demande »… Contrairement à la crise de 2008, la récession n’a pas été engendrée par un « dysfonctionnement de l’économie ou du système financier » mais par les mesures sanitaires prises pour protéger les populations mondiales de l’épidémie de covid.

La panne du transport aérien pèse sur la croissance

Dans le détail, l’ISPF estime que la moitié des pertes de PIB proviennent, de façon directe ou indirecte, des difficultés de la branche transport, et l’aérien en particulier. L’impossibilité d’acheminer des touristes vers la Polynésie ou, à l’intérieur, vers ses îles, a donc engendré, confinement ou pas, l’essentiel des difficultés économiques. La réouverture partielle du ciel le 15 juillet a permis de retrouver environ 40% du flux touristique de 2019 mais aussi « d’offrir quelques débouchés pour les exportations qui n’ont plus accès à l’Asie ». « Malheureusement, la situation sanitaire va se dégrader en Polynésie française à la fin du 3e trimestre, tout comme dans l’Hexagone, poussant les autorités à prendre de nouvelles mesures restrictives », note l’institut. De quoi « freiner » la reprise : +7% de PIB entre le deuxième et le troisième trimestre, mais seulement +1% entre ce troisième trimestre et le dernier trimestre de l’année.

Les aides ont fonctionné… mais pour combien de temps ?

Difficile de mesurer l’impact des aides du Pays (12 milliards pour le revenu de solidarité, le Diese, le Deseti ou les abandons fiscaux) et de l’État (60 milliards de PGE et de Fonds de solidarité, et 60 milliards de refinancement des banques locales) sur l’activité. En revanche, elles ont effectivement aidé à limiter la casse du côté de l’emploi, analyse l’ISPF. La contraction du PIB « s’est traduite par un recul des heures travaillées de l’ordre de 6 à 7 % » mais les pertes d’emplois salariés (postes non renouvelés ou licenciements) sont presque deux fois moins importantes en fin d’année : – 3,5 % d’emplois salariés, soit – 2 300 personnes. Reste à savoir si ces pertes d’emplois n’ont pas été simplement reportées à 2021. Et l’institut s’interroge de la même façon sur les mesures de soutien aux entreprises qui ont « sans aucun doute écarté, au moins à court terme, une crise de liquidités et de trésorerie », mais dont « l’arrêt va poser la question de la capacité de ces entreprises à faire face aux reports d’échéances ».

Incertitudes sur 2021

Investissement en berne (-5 à 7% malgré l’inertie des investissements dans le BTP), consommation des ménages en baisse, là encore de « 5 à 7% », fréquentation touristique en chute libre (-70%), de même que les exportations de perles et de poisson… Tous les moteurs de l’économie sont à l’arrêt. Seul le recul des importations (-10%) sur un an atténue la contraction du PIB. L’épargne accumulée par les ménages (12 milliards de francs pendant le confinement) n’a pas permis, comme espéré, de faire repartir le commerce, dont l’activité se contracte « d’au moins 4% sur l’année ». L’ISPF s’inquiète au passage des finances publiques, dont les dépenses de crise sont importantes et dont les recettes fiscales ont chuté (en 2021, l’impôt sur les sociétés et les transactions v va encore baisser, mais la TVA devrait rebondir). « L’enjeu pour 2021 sera d’être capable pour le Pays de soutenir la relance de l’économie, écrit l’institut, qui relève par exemples, que les dépenses du service de la dette vont progresser de 33 % (soit 3 milliards en plus) cette année. Des arbitrages stratégiques entre dépenses de fonctionnement, d’investissement ou de subvention seront donc nécessaires ». Plus largement, les spécialistes affichent leurs « incertitudes » quant à l’activité économique en 2021, face à des entreprises « fragilisées » et des collectivités qui doivent encore prouver leur capacité à « proposer une politique contracyclique »… Et surtout face à une crise sanitaire qui n’en finit plus de surprendre.

 

 

 

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