ACTUS LOCALES

À l’Assemblée nationale, on ne dit plus « métropole »

À l’occasion du débat sur la loi de programmation militaire, les députés ont voté pour remplacer le terme « métropole », dénoncé par la gauche et le centre pour ses relents coloniaux par celui d’Hexagone. Le gouvernement central soutient même l’idée de faire sortir le mot « métropole », pourtant régulièrement utilisé par les officiels du fenua, de tous les textes administratifs français.

Faut-il arrêter de parler de « métropole » ? En tout cas, l’Assemblée nationale a décidé de se l’interdire, et étonnamment, c’est dans le cadre de l’étude de la loi de programmation militaire, mercredi, qu’a émergé le débat. On trouve dans le projet de texte plusieurs utilisations du terme, notamment pour décrire, dans l’exposé des motifs la « défense de notre métropole et de nos outre‑mer, qui repose sur la dissuasion nucléaire ». Un libellé qui a fait bondir sur les bancs de la Nupes et notamment un député de la France insoumise du Bas-Rhin, Emmanuel Fernandes, qui a estimé que le terme métropole faisait appel à un « champ lexical » daté, à « une époque coloniale révolue ». Comme le relève le Huffpost, les députés de gauche ont aussi fustigé l’emploi du possessif « nos outremers », même si en l’occurrence, il était aussi appliqué à la métropole elle-même.

Unanimité pour « l’Hexagone » au Palais Bourbon

Des réflexions qu’on avait déjà pu entendre par le passé dans l’enceinte du Palais Bourbon, sans qu’il y ait de conséquences particulières sur la rédaction des textes ou la tenue des débats. Mais cette fois, elles ont eu de l’écho, en particulier du côté d’un député de Guadeloupe, Olivier Serva, membre du groupe centriste Liot, qui est revenu à la charge un peu plus tard. Rappelant la définition du Petit Robert du mot « métropole » – « un territoire d’un État considéré par rapport à ses colonies, aux territoires extérieurs » – il a demandé « solennellement » au gouvernement ainsi qu’à tous les rédacteurs de texte, côté exécutif comme législatif, de sortir définitivement le terme de leur vocabulaire. Une demande appuyée par la date de ce mercredi 23 mai, journée nationale de la reconnaissance des victimes de l’esclavage colonial.

Alors comment désigner la France sans les – et pas « ses » – territoires d’outre-mer ? Et bien par le terme « Hexagone », considéré comme « plus neutre, plus géométrique » et qui a déjà commencé à prendre davantage de place dans les écrits politiques et médiatiques. Un amendement a même été déposé dans ce sens, toujours dans le cadre de cette importante loi de programmation militaire, et contrairement aux initiatives précédentes en la matière, l’initiative a reçu un soutien unanime des membres de l’assemblée encore présents dans l’hémicycle dans cette longue soirée de débat parisien.

La « Métropole » encore largement utilisée par le Pays, l’administration ou les tribunaux

Parmi eux, beaucoup des représentants de la majorité LREM, ce qui laisse pense que l’amendement pourrait être maintenu dans la suite des débats. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu, qui était jusqu’à l’année passée ministre des Outre-mer, a même appuyé la nécessité de changer l’usage « administratif » en la matière. Quelques médias – réunionnais notamment – ont dans la foulée annoncé qu’ils remplaceraient eux aussi le terme métropole par Hexagone dans leurs colonnes. Il faut noter que le terme de métropole est encore largement utilisé par l’administration du Pays en Polynésie. Pas plus tard que le 15 mai dernier, l’arrêté définissant les attributions de la nouvelle vice-présidente Eliane Tevahitua, cite par exemple « les relations avec les associations d’étudiants de Polynésie française en métropole ». Un texte signé par le président Moetai Brotherson. Au fenua comme à Paris, le terme apparaît aussi très fréquemment dans les décisions des tribunaux.

Les « outre-mer » aussi rebaptisés ?

La question du lexique entourant les outre-mer a été de nombreuses fois soulevé par le passé, notamment par des intellectuels réunionnais ou antillais, soucieux d’éliminer les traces de colonialisme et sentiment d’infériorité dans les relations des îles avec l’Hexagone. Récemment, certains prêtaient même à l’actuel ministre délégué en charge des Outre-mer, Jean-François Carenco, l’envie de rebaptiser les outre-mer eux-mêmes, à l’aide de termes comme « Archipel France » ou « France Océane ». Le ministre avait démenti tout projet ou discussion formelle sur ce sujet. Mais l’initiative de l’Assemblée nationale, si elle était confirmée lors des débats au Sénat, chambre généralement plus conservatrice, pourrait relancer le débat. 

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