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Covid : huit mois de consommation d’oxygène en seulement trois semaines

Essentiel dans la prise en charge des malades du Covid, l’oxygène a été consommé par centaines de milliers de litres ces dernières semaines au fenua. Si le CHPF a ses propres moyens de production, c’est la société Gazpac qui a importé, sous forme liquide, et mis en bouteille tout le gaz consommé dans les cliniques, hôpitaux annexes, ou les transports médicalisés.

Un camion de bouteilles vides qui revient des cliniques, une livraison en préparation pour Uturoa, une citerne tout juste débarquée de Nouvelle-Calédonie… Sur le site de stockage et de conditionnement de Gazpac Tahiti, à Tipaerui, le trafic est continu ce mercredi matin. L’activité a pourtant progressivement baissé ces derniers jours, après avoir atteint un pic fin août. Comme celle des hôpitaux. Il faut dire que la société est le seul distributeur de gaz industriel et médical de Polynésie. Et parmi ses produits – azote, CO2, argon, hydrogène, hélium, air comprimé… – figure bien sûr l’oxygène, vital pour les patients atteints du Covid. Certains malades sont alimentés à raison de 60 litres par minute et dans des cas très graves, « un patient en réanimation peut consommer jusqu’à 12 grandes bouteilles en 24 heures » comme l’explique la directrice générale de Gazpac, Myriam Balme. Ces bouteilles de près d’1m50, qui contiennent chacune 10 000 litres de gaz pressurisé, la société en fournit aux cliniques, aux hôpitaux périphériques, ou, dans des plus petits formats, aux pompiers, ambulances, ou prestataire de soins… Seul le CHPF dispose de ses propres moyens de production. Mais même le Taaone a commandé davantage de bouteilles pendant cette crise, pour certaines salles temporaires ou pour assurer le transports des malades.

Une vague anticipée

« À partir du weekend du 15 août, la demande a explosé, reprend Myriam Balme, pharmacienne de formation. Les équipes ont été extrêmement sollicitées et ont travaillé à des cadences infernales pour répondre aux besoins qui ont été multipliés par 13″. Certains établissements, comme Moorea ou Uturoa, ont vu leur consommation multipliée par plus de 20. En trois semaines, Gazpac a distribué l’équivalent de 8 mois de consommation d’oxygène en Polynésie.

Face à cette demande explosive il a fallu s’organiser. Les équipes ont été renforcées, bien sûr, l’entreprise a doublé voire triplé sa plage horaire d’activité, n’a « pas fermé un jour » depuis le début de la crise et importé plus de 2 000 bouteilles depuis l’Europe ou la Nouvelle-Calédonie. Le Pays a tout de même dû venir en renfort, fin août, vu les difficultés du prestataire à assurer lui-même le flot de livraisons vers les établissements de santé. L’effort a aussi porté sur la logistique, compliquée puisque Gazpac, groupe racheté à Air Liquide par des investisseurs calédoniens, dispose d’une usine de production de gaz à Nouméa mais pas à Tahiti. L’oxygène est importé sous forme liquide, conservé dans des « isotanks » à -182°C et continuellement importé du Caillou, de Nouvelle-Zélande ou d’Asie. La direction se félicite aujourd’hui d’une anticipation qui paie : la flotte « d’isotanks » a été constituée avant la vague épidémique et « prépositionnés », avec l’aide de la direction de la Santé et de l’Arass, auprès des différents sites de production. Surtout, dès le premier semestre 2020, et en prévision de besoins générés par la pandémie, une nouvelle cuve a été installée à Tipaerui. « On a doublé notre volume de stockage sur site, reprend Myriam Balme. Aujourd’hui on a plus de 50 000 litres d’oxygène liquide stocké sur site, c’est l’équivalent de 16 piscines olympiques d’oxygène gazeux ».

S’ajoute les stocks « mobiles » d’oxygène conservés sous forme liquide dans les isotanks, à Tahiti ou ailleurs. L’une de ces cuves a d’ailleurs été positionnée à Raiatea, le 30 août, en convention avec le Pays, et en prévention d’un manque de bouteilles ou d’un afflux supplémentaire de patients. Difficile à utiliser sur place, elle n’a heureusement jamais dû être sollicitée.

Le Taaone compte sur sa propre production

Si le pic d’activité n’est pas encore entièrement passé, Gazpac parle déjà des projets qu’elle lui a inspirée : la société aimerait rééquiper son site tahitien en moyens de production d’oxygène liquide. De quoi « gagner en autonomie », en réactivité, et « faciliter la logistique » assure l’entreprise. « Ça nous permettrait d’anticiper au mieux de prochaines épidémies si malheureusement nous y sommes confrontés », pointe la responsable.

Pas d’information, en revanche, sur les tarifs de facturation de cet oxygène. Un élément pourtant capital pour la politique de santé. En 2013, le CHPF, plus gros consommateur du Pays, avait estimé que les prix pratiqués par Air Liquide – distributeur local avant le rachat de son antenne par Gazpac – étaient trop élevés, et avait donc choisi de s’équiper en moyens de production d’oxygène. Des machines qui ont été rentabilisés en moins de deux ans, dont la capacité a été revue à la hausse depuis l’installation au Taaone et que personne, au centre hospitalier ne semble aujourd’hui regretter. Même au plus fort de la crise, le CHPF n’a pas consommé plus que ce qu’il peut produire, environ 4 000 litres d’oxygène par minute. À l’hôpital, on estime que l’absence de capacités propres auraient pu coûter très cher pendant cette vague.

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