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Électricité : la TEP prête à prendre ses responsabilités, affirme Hervé Dubost-Martin

La société de transport d’énergie électrique en Polynésie reprendra cette nuit la conduite de son réseau, jusque là assurée par EDT-Engie. Une étape de plus dans une montée en puissance voulue par le Pays. Mais avant de devenir « l’acteur de référence » de l’électricité à Tahiti, il faudra aussi prendre la responsabilité du « dispatching » en 2022. Des négociations sont à prévoir, explique le nouveau PDG de la TEP.

Ce lundi soir, à minuit, la TEP prendra pleinement les manettes du réseau de transport d’électricité à Tahiti. « Son » réseau de transport, mais dont la conduite était jusque là sous-traitée à EDT-Engie. Elle sera désormais assurée par le Bureau de conduite central (BCC) construit par la TEP à quelques dizaines de mètres de la centrale de la Punaruu. À l’intérieur, les chargés de conduite veilleront au bon fonctionnement de 300 km de lignes à haute et moyenne tension, pour la plupart enterrées, et pourront contrôler à distance plusieurs dizaines de postes électriques pour s’assurer que le courant passe bien entre les moyens de production et les usagers. Les équipes changent donc, mais la transition devrait être invisible. « Cette passation de responsabilité, la TEP s’y prépare activement depuis plus de deux ans », précise le PDG de la société d’économie mixte, Hervé Dubost-Martin. Un audit mené en août par des experts de Réseau de transport électrique français, RTE, a montré que la TEP était « prête » et « compétente » pour assumer ces fonctions, assure le dirigeant.

Un « chef d’orchestre » en devenir

Créée voilà 35 ans pour moderniser le réseau de Tahiti, alors en plein boom de l’hydroélectricité, la TEP a longtemps sous-traité ses missions de gestion et d’exploitation à EDT. Un partenariat qui faisait sens : la filiale d’Engie, désormais actionnaire de référence de Marama Nui, est déjà aux manettes pour l’essentiel de la production électrique, et contrôle le bout de la chaîne avec son activité de distribution aux particuliers. Les élus ont pourtant voulu, au travers du schéma de transition énergétique et du code de l’Énergie, contester à la société privée cette hégémonie dans le paysage électrique, en renforçant considérablement les missions de son opérateur public, destiné à devenir « l’acteur de référence » sur le réseau.

Ainsi, la TEP a repris la maintenance du réseau de transport en 2019, puis son exploitation en juin dernier… La conduite est un pas de plus. « Ce à quoi le Pays veut qu’on se prépare, c’est à des systèmes électriques plus complexes, avec plus d’acteurs, de producteurs d’énergies », reprend Hervé Dubost-Martin, ancien directeur d’EDT (de 2008 à 2015) nommé par le Pays au sein du conseil d’administration de la TEP en mai, puis élu P-Dg en juin dernier. Il a été demandé à la TEP de réinternaliser ses missions pour prendre plus de poids dans le réseau et pour être l’opérateur de référence auprès des différents producteurs d’énergie renouvelables ». En clair un « chef d’orchestre » public pour favoriser la concurrence dans le secteur de l’énergie et pourquoi pas accélérer la transition énergétique.

La prochaine levée de baguette aura lieu le 1er janvier 2022 quand la TEP deviendra officiellement le « responsable d’équilibre » de ce réseau. Un acteur qui, d’après le Code de l’énergie « décide, en temps réel et en fonction des aléas d’exploitation, de l’utilisation effective » des moyens de production, peut « demander le démarrage ou le découplage d’une ou plusieurs unités de production » ou « procéder au délestage d’une partie du réseau électrique ». La TEP a-t-elle les compétences et l’expérience nécessaire pour mettre en cohérence la production et la consommation ? Chez EDT, dont les « dispatcheurs » très spécialisés gèrent pour l’instant cette mission à la centrale Martin, certains en doutent. Et craignent que la mauvaise gestion des incidents sur le réseau entraine la multiplication des pannes de courant.

La TEP veut contrôler le dispatching, mais pas l’opérer

Sauf que la TEP, ne semble pas avoir l’intention de reprendre cette fameuse mission de « dispatching ». En tout cas pas de façon opérationnelle. « Ce qui est demandé à la TEP, ça n’est pas forcément de réaliser avec ses propres personnels ses propres opérations, explique son P-Dg. C’est d’assurer la supervision du système, de l’orienter, de contrôler son efficacité pour la garantie de service, et aussi son impartialité dans la gestion des différents producteurs ». Une interprétation de la loi dans laquelle certains pourrait voire un aveu d’incapacité, et qui n’a pas encore été discutée avec EDT-Engie. Faute de réponse à des propositions de rendez-vous, assure-t-on du côté de la TEP. « Il faudra quoiqu’il arrive qu’il y ait des négociations tripartites », reprend Hervé Dubost-Martin, qui n’exclut pas la possibilité que le Pays « adapte » la règlementation en vigueur d’ici la date fatidique, dans 13 mois. « Nous sommes tous face aux mêmes enjeux et nous avons la même responsabilité face aux usagers », pointe le responsable.

La montée en puissance de la TEP devrait quoiqu’il arrive s’opérer à certaines conditions. La première est légale : la société d’économie mixte locale est détenue majoritairement par le Pays (51%). Mais elle compte aussi, parmi ses actionnaires, la Socredo, l’AFD… Et EDT, à 39%. Pour pouvoir revendiquer une « neutralité » face aux autres acteurs privés – plusieurs groupes attendent impatiemment le lancement d’appel à projets dans le renouvelable par le Pays – ces parts doivent être transférées. « C’est un dossier qui aurait pu avancer en 2020 si la situation n’avait pas été si complexe », note Hervé Dubost-Martin. En d’autres termes : rien n’est pour l’instant acté. Le Pays devrait racheter les parts à la filiale d’Engie et en revendre une partie pour conserver le statut mixte de la société. L’autre règle est moins clairement établie, mais l’ancien dirigeant d’EDT prend soin de la rappeler : la TEP ne « s’impliquera pas directement dans des activités concurrentielles de production », afin, encore une fois, de garder sa légitimité face aux acteurs privés.

Dans cette évolution, la TEP s’est étoffée, passant d’une quinzaine à 36 salariés en moins de trois ans. Elle s’est aussi entourée en signant avec RTE, référence française mais aussi européenne des réseaux électriques, une convention d’assistance le mois dernier. « Elle permettra à TEP de bénéficier de l’expertise de RTE pour maitriser dans la durée le système électrique de Tahiti, et anticiper les investissements nécessaires à la transition énergétique », explique la société d’économie mixte.

2,1 milliards de francs d’investissement en 2021

En parallèle de ces évolutions, la TEP garde sa mission première de « concevoir, construire et livrer les artères du transport électrique à Tahiti ». Le chantier de bouclage d’une boucle Nord de 90 000V est toujours en cours et devrait s’achever au troisième trimestre 2022. La société investit en outre sur le réseau existant dont certaines portions sont jugées délabrées. « Fatiguée », nuance Hervé Dubost-Martin. « La TEP a 35 ans, c’est à peu près la durée de vie moyenne des infrastructures électriques, il est normal qu’on aie une grosse activité de renouvellement », précise le dirigeant. Au total, la société va investir 2,5 milliards de francs l’année prochaine, et encore 1,5 milliard en 2022. Beaucoup pour un budget annuel d’environ 1,3 milliard de francs, mais pour la direction, cet effort reste supportable sans hausse de la redevance TEP sur les factures d’électricité.

 

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