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Encadrement des prix : Yvonnick Raffin répond à Florent Venayre

Le professeur d’économie avait dénoncé les « risques » que présentait la loi sur l’encadrement des prix, votée le 7 juillet à l’assemblée. Le ministre des Finances lui répond dans une lettre, assurant que ce texte clarifie et encadre les pouvoirs du gouvernement plus qu’il ne les élargis et qu’il n’aboutira pas à une limitation de la concurrence en Polynésie. Il reproche à l’universitaire d’abandonner « l’objectivité scientifique » pour entrer dans le « débat politique ».

Lire aussi : Pour Florent Venayre, la loi sur l’encadrement des prix « ne va pas régler le problème » de l’inflation

Dans une interview à Radio1 diffusée le 6 juillet, le professeur d’économie de l’UPF Florent Venayre critiquait sans détour le projet de loi sur l’encadrement des prix, voté le lendemain à l’assemblée. Auteur, quelques semaines plus tôt, d’une publication universitaire sur le sujet, il s’inquiétait, comme certains membres du Cesec avant lui, que cette loi ouvre des failles trop importantes dans le principe de liberté tarifaire et s’interrogeait sur son efficacité réelle. L’universitaire, critiquant aussi les dispositifs de PPN et PGC en ce qu’ils ne permettent pas de cibler les aides publiques sur les classes les plus modestes, estimait qu’en cette période d’inflation, il était plus judicieux de renforcer les mécanismes de concurrence que de conférer davantage de pouvoir de contrôle au gouvernement. Le ministre des Finances et de l’Économie, Yvonnick Raffin a tenu à répondre à l’économiste dans une lettre de trois page au ton incisif diffusée ce samedi (et reproduite en intégralité ci-dessous). Il assure que les critiques de l’universitaire relève « à son grand étonnement » d’une « méconnaissance à la fois des dispositions en vigueur jusqu’ici et du projet présenté au vote des élus ». Et regrette que Florent Venayre « s’érige en juge public » et « abandonne l’objectivité scientifique » pour entrer dans le « débat politique ».

Une concurrence sauvegardée, assure le ministre

Le ministre, qui avait eu l’occasion de défense son action sur Radio1 la semaine dernière, commence par expliquer que cette nouvelle loi du pays n’est « qu’une transposition du mécanisme d’encadrement des prix qui existait » déjà. Plutôt qu’une extension des pouvoirs de l’exécutif, il estime que les précisions apportées par le texte permettent de mieux « encadrer les pouvoirs du conseil des ministres, et « le contrôle de l’administration ». Sur le fond, et à propos de la limitation de la concurrence dénoncée par l’économiste, Yvonnick Raffin rappelle que l’encadrement ne permet pas à l’exécutif de fixer des prix, mais seulement des « prix maximaux ». De quoi sauvegarder, selon lui « la concurrence entre détaillants » qui peuvent proposer des produits moins chers, par exemple en renégociant leurs approvisionnements. Quant à l’encadrement des marges, déjà appliquées aux PPN, elle permet pour le responsable de « maintenir des gammes de produits élargies ainsi que la concurrence inter-marques ».

Une question de « redistribution »

Reste à savoir si ces encadrements sont efficaces. Le ministre des Finances rappelle qu’il s’agit avant tout de « permettre aux Polynésiens les moins aisés d’accéder aux prix les plus bas possible où qu’ils se trouvent sur le territoire », « même là où la concurrence peine à s’exercer ». « Cela s’appelle la redistribution » écrit-il, accusant au passage l’universitaire d’être « éloigné de ces préoccupations ». À titre d’exemple, il explique que l’émargement des produits d’hygiène féminine dans la liste des PPN fera baisser, entre la suppression de la TVA, de la TVA sociale, et des réductions de marge, d’environ 50% les prix en magasin. À voir si cette estimation se vérifie dans les semaines à venir, quand le gouvernement aura mis à jour la liste des produits de première nécessité.

Enfin, Yvonnick Raffin balaie aussi les craintes quant à la tentation du gouvernement de trop administrer l’économie. La liste des PPN, note-t-il par exemple, n’a été modifiée que 8 fois depuis 2018, dont 4 pour y intégrer des produits de lutte contre le Covid. Quant aux mesures d’encadrement temporaire (6 mois non renouvelables), elle ne viseraient qu’à « tenir compte de la situation particulière de la Polynésie française qui, dans des conditions de crise, doit faire face à des situations de pénurie ne permettant plus d’évaluer une hausse excessive de prix, faute de produits mis à la vente ». Une situation qui se serait déjà présentée ces deux dernières années.

Le ministre des Finances donne toutefois raison au professeur d’économie sur la nécessité de réduire les niveaux de dépenses publiques, notamment en matière de protection sociale. « Ce sera le travail du Conseil d’administration de la Protection sociale, installé le 8 juillet dans sa nouvelle configuration, et du Comité stratégique de la protection sociales universelle qui sera installé prochainement ».

Florent Venayre « maintient » son analyse
Dans une courte réponse envoyée à Radio1, le professeur d’économie se dit à son tour « surpris » par la réaction « tout à fait singulière » du ministre. « Si chaque analyse qui déplaît à un gouvernement dans le monde devait donner lieu à une lettre de trois pages, on n’ose imaginer l’impact environnemental et démocratique », écrit-il. Sur le fond, l’universitaire « maintient bien entendu son analyse, économique et non politique, même si le ministre tente de la caricaturer ». « La redistribution est bien entendu très importante, particulièrement en Polynésie, mais le système des PPN et des PGC n’est pas efficace de ce point de vue, car tout le monde bénéficie des prix encadrés même ceux dont les revenus ne le nécessitent pas, explique-t-il. Cela fait d’ailleurs très longtemps que mes collègues économistes et moi-même l’écrivons ». Il invite ceux qui s’intéressent au sujet à lire son commentaire complet de la loi du pays, disponible sur la plateforme Hal.Enfin, Florent Venayre tient à répondre au ministre sur son analyse sur les effets de la « Contribution pour la solidarité ». Dans une autre interview à Radio1, publiée début mars, l’économiste s’inquiétait des conséquences inflationnistes de la taxe – « on va avoir des répercussions de 2, 3, 4 fois 1,5% », estimait-il, avant que ce taux ne soit réduit à 1% – et Yvonnick Raffin note avec satisfaction que les chiffres de l’inflation pour les mois d’avril et mai obligent l’universitaire à adopter une position plus « modérée ». L’économiste n’a toutefois pas abandonné ses critiques sur cette « Contribution pour la solidarité » : « L’inflation est très largement le fait d’événements extérieurs à la Polynésie pour lesquels le gouvernement ne peut être mis en cause, mais il est certain que la taxe CPS vient entretenir le phénomène, ce qui est regrettable, soutient le professeur. Et ce alors même qu’elle ne semblait finalement pas indispensable à la survie de la PSG puisque d’autres crédits semblent avoir été trouvés, notamment pour le soutien aux hydrocarbures ».

Lettre Yvonnick Raffin à Florent Venayre by CharlieRéné on Scribd

 

 

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1 Commentaire

  1. Tohivea
    11 juillet 2022 à 8h24 — Répondre

    Vieux débat entre économie libérale totale et économie encadrée. le gouvernement joue la carte du pragmatisme pour éviter une fronde sociale possiblement explosive. Il a raison. Pour le moment.

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