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Immobilier : les frais d’achat multipliés par dix pour les résidents de moins de 10 ans

L’assemblée a adopté ce mardi matin, à l’unanimité, une loi du Pays visant à « défendre le patrimoine foncier » du fenua contre la spéculation des « non-résidents ». Elle prévoit une majoration de 1000% des droits de vente pour les acquéreurs qui ne justifient pas de 10 ans de résidence. De quoi faire doubler les prix de l’immobilier pour ces personnes. Les vendeurs impliqués dans de telles transactions, eux, subiront une augmentation de 50% de la taxe sur les plus-values immobilières.

53 voix pour, sur 53 représentants présents. L’assemblée de la Polynésie française a adopté ce mardi matin, à l’unanimité, un projet de loi du Pays venant modifier la fiscalité des mutations en matière immobilière. Il s’agit pour le gouvernement de réagir à l’augmentation continue des prix du foncier et du logement en Polynésie. Pas de données chiffrées, mais une certitude avancée par le Pays : cette augmentation est « notamment le fruit d’une spéculation immobilière par des investissements de personnes non-résidentes en Polynésie française ». Pour y mettre un frein, la loi, qui n’avait fait que très peu de bruit avant son adoption, vient augmenter les taxes payées lors des acquisitions de bien par des personnes qui ne peuvent pas justifier d’au moins 10 ans de résidence en Polynésie. Et cette augmentation est lourde : +1000% pour les droits d’enregistrement et de publicité, qui oscillent habituellement entre 9 et 11% du prix de vente. Ce qui veut dire que les personnes qui tombent sous le coup de la loi devront payer 13,5 millions de francs de taxes au lieu de 1,3 million pour un terrain acheté 15 millions. Et pour une villa de luxe à 115 millions de francs, la fiscalité passera de 12 à 123 millions de francs.

Le vendeur est aussi concerné par cette limitation : qu’il soit résident, ou non, il devra s’acquitter d’un impôt sur les plus-values majoré de 50% si il décide de vendre à un acquéreur tombant sous le coup de la loi. Une mesure qui se cumule avec l’augmentation de la taxe sur les plus-values votée en décembre : pour une vente à un non-résident moins de 5 ans après l’achat, la plus-value sera donc taxée… à 75%. Et pas question d’essayer de contourner le dispositif grâce à des sociétés immobilières : les personnes morales sont aussi concernées à partir du moment où elles ne sont pas domiciliées en Polynésie ou qu’elles sont « contrôlées par des personnes qui ne justifient pas des durées précitées ». Les cessions de ces sociétés sont d’ailleurs elles aussi concernées, avec une majoration de 2000% des droits d’enregistrement si l’acquéreur n’a pas une décennie de résidence.

Pour Tepuaraurii Teriitahi, la présidente du groupe Tapura à l’assemblée, face à « l’inflation des prix de l’immobilier » et « à l’intérêt » des « investisseurs étrangers », « il fallait mettre le paquet » :

Exception pour les « grands projets » de plus de 5 milliards

La loi n’exclut pas formellement les natifs, mention qui lui vaudrait une censure inévitable du Conseil d’État. Mais rien n’indique dans la loi que ces 10 ans de résidence doivent être effectués d’un seul tenant ou directement avant l’achat, ce qui semble protéger les Polynésiens ayant vécu un temps en métropole ou à l’étranger. La loi en plus que les périodes passées en dehors de la Polynésie pour « accomplir le service national, suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales, ne sont pas une cause d’interruption ou de suspension du délai. D’autre part, les non-résident pouvant justifier de 10 ans de mariage ou 5 ans de Pacs avec un personne justifiant d’une résidence suffisante passent eux aussi entre les mailles du filet.

Autre exception importante : cette majoration de 1000% de s’applique pas « lorsque le bien acquis est destiné à accueillir un grand projet économique, industriel ou touristique » et dont l’investissement global dépasse les 5 milliards de francs. L’acquéreur devra tout de même s’engager à ne pas revendre le bien ou à en changer la destination pendant 30 ans, faute de quoi la majoration pourra lui être réclamée.

En attendant le Conseil d’État

Difficile pour l’instant de savoir dans quelle mesure cette loi va peser sur le marché immobilier. D’autant que, des notaires aux agents immobiliers en passant par les experts fonciers, la plupart des professionnels du secteur disent n’avoir pas été consultés, ni même informés de cette loi. Certains précisent tout de même que les transactions qui concernent des « non-résidents » ne sont pas légion, et que l’impact sur les prix de l’immobilier, qui ont effectivement flambé ces cinq dernières années, devrait quoiqu’il arrive être modéré. D’autres s’interrogent sur la validité de la loi face aux principes fondamentaux du droit. « Ça parait évident qu’il va y avoir des recours », souffle un juriste. Une possibilité à laquelle semble s’être préparée le Tapura : « on a surtout voulu faire passer un message », explique Tepuraurii Teriitahi. « on a essayé de verrouiller au maximum, maintenant on va attendre la décision de la justice »

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6 Commentaires

  1. Huguet
    27 avril 2022 à 8h13 — Répondre

    Pas sur que ce soit tres efficace … ce seront la Polynesiens qui vont speculer….

  2. tohivea
    27 avril 2022 à 10h26 — Répondre

    C’est radical et ça pique un peu…Mais ce coup de frein est bienvenu. Attendons les recours contre ce signal fort

  3. Etre Kapable
    27 avril 2022 à 17h52 — Répondre

    c’est illégal … Vous allez créer des taudis tout simplement.

  4. Etre Kapable
    27 avril 2022 à 18h04 — Répondre

    Je suis né à Tahiti mais je vis à l’étranger, j’ai une terre aux marquises.
    Tu me dis que je vais devoir payer la moitié de sa valeur pour pouvoir en disposer à ma guise ?
    Deux fois en plus, l’acheteur et le vendeur. Je comprends pas, c’est pour protéger qui ?
    Wake up, je suis tahitien de naissance man. Tu veux que te dise les conséquences cervelle de crevette ?
    L’immobiliier va s’effonder, t’a même pas consulter les pros. Des amateurs qui vont faire de l’île un bidonville . Voilà ce que je crois et on va pas se laisser faire.

  5. Bozo
    29 avril 2022 à 7h52 — Répondre

    C’est une loi complètement stupide!
    Le gouvernement veut faire croire que par cette mesure, le peuple polynésien va pouvoir acheter des biens immobiliers, mais il est clair que la majorité des polynésiens ne pourront pas plus acheter car les prix ne baisseront pas. Par contre, les polynésiens riches et il y en a, pourront se remplir les poches en toute légalité y compris les membres qui ont voté à l’unanimité cette loi. Il ne faut être dupe de cette mesure car les riches investisseurs pourront se permettre d’acheter même au double du prix. C’est une catastrophe pour l’économie Polynésienne car après le COVID, la guerre en Ukraine et Poutine, maintenant il y a Édouard Fritch et son gouvernement!

  6. Morgan
    20 mai 2022 à 23h34 — Répondre

    Bien triste, on reviens vivre a Tahiti définitivement fin de cette année si tout vas bien. On veux voler le terrain de personne, monter notre petit commerce et notre maison.

    Il fallait réserver ce traitement au grand groupe qui achète et pourrissent le littoral, avec leurs complexes hôteliers qui finissent abandonné 10 ans plus tard.

    Décision inutile du parlement, je rappelle que le solde migratoire des métros est négatif de 1700 personnes.
    J’espère de tout mon cœur que le conseil d’état retoquera cette loi. Au moins pour ne pas inclure les français.

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