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Justice : le président de l’USM plaide pour davantage de magistrats polynésiens

©CP/Radio1

Ludovic Friat était l’Invité de la rédaction de Radio1 mercredi. Le nouveau président de l’Union syndicale des magistrats, majoritaire en métropole comme au fenua, est venu prendre la mesure des problèmes au sein du palais de justice de Papeete. Ils seront en partie réglés par la future « cité judiciaire ». Il souhaite que davantage d’Océaniens accèdent aux métiers de la justice mais, qu’il s’agisse de magistrats ou des greffiers, il estime qu’il doivent accepter l’éloignement pour leur première expérience ou pour leur formation, afin de « sortir de leur zone de confort » et « se frotter à d’autres réalités. »

Ludovic Friat a été élu en novembre dernier président de l’Union syndicale des magistrats, premier syndicat de la profession en France, et au fenua. Il achève une tournée dans le Pacifique, qui l’a conduit en Nouvelle-Calédonie où il a grandi et exercé plus de 20 ans, et à Wallis-et-Futuna.  Le nouveau président de l’USM vient donc « voir les collègues, constater de moi-même quelle est la réalité de leurs conditions de travail et, on ne va pas se le cacher, sur Papeete ça a été compliqué et délicat ces dernières années, donc c’est également pour voir comment les choses ont évolué », dit-il.

« Si je suis là, c’est aussi par rapport à un épisode qui a été douloureux et délicat », dit-il en référence aux dissonances au sein du palais de justice qui avaient fait l’objet d’un article dans Le Monde. Les missions d’inspections réalisées par la Chancellerie ont fait apparaître, dit Ludovic Friat, que « au niveau de la cour d’appel, chacun n’était pas resté dans son couloir de nage, et que le procureur général avait parfois empiété sur les prérogatives du premier président ou du siège. » L’organisation même de la juridiction – la mutualisation des moyens entre tribunal de première instance et cour d’appel  –  l’expose parfois à des conflits internes, puisque qu’il s’agit d’une « dyarchie », mais Ludovic Friat indique que cette organisation est justement appelée à être bientôt modernisée, notamment grâce à la future « cité judiciaire » où chacune des cours aura ses propres locaux et ses propres budgets.

Sur le récent rapport de la contrôleuse des lieux de privations de liberté, qui soulignait à la fois la surpopulation carcérale et le faible taux d’aménagement des peines dès le prononcé de la décision, le président de l’USM estime que « la Polynésie a sans doute un retard sur certains outils d’aménagement des peines » – semi-liberté, bracelets électroniques, TIG auprès d’associations par exemple. « Plus que la sévérité de la peine, ce qui est important c’est que les gens sachent que s’ils sont condamnés, la peine sera effective et effectuée. »

Quel avenir pour la cour d’assises en Polynésie ?

La France s’apprête à généraliser les « cours criminelles départementales » en remplacement des cours d’assises, sans jury populaire mais avec cinq magistrats au lieu de trois. La Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ont demandé à maintenir leurs cours d’assises. De manière générale, l’USM estime que « ce n’est pas raisonnable de les avoir généralisées en l’état actuel des effectifs de magistrats. » L’USM soutient la demande des territoires du Pacifique, pour mieux « raccrocher les populations locales à la justice. »

Les décisions de justice sont souvent mal comprises, mais Ludovic Friat souligne que « nos concitoyens aiment bien réagir sur un mode simpliste, blanc ou noir ». Il rappelle qu’une décision prend en compte les faits, mais aussi la conscience qu’a le prévenu d’avoir commis un délit ou un crime, et le risque de récidive, « et puis il faut aussi répondre à l’émotion des victimes » ; « ce qui est important, c’est que tout le monde ait le sentiment d’avoir été écouté et entendu. »

Oui à davantage de magistrats polynésiens : « la justice doit ressembler au pays dans lequel elle est rendue »

Le tribunal de Papeete ne compte qu’un procureur originaire du fenua, et les étudiants polynésiens en droit semblent rebutés par le parcours requis – concours pour accéder à l’école nationale de la magistrature, et peu de chances d’être nommé ici en début de carrière. Ludovic Friat estime que « la justice doit ressembler au pays dans lequel elle est rendue », et donc mêler magistrats locaux et métropolitains. Un projet de loi pourrait faciliter l’accès des jeunes ultramarins à la magistrature. Même s’il est important pour un magistrat de « sortir de sa zone de confort », dit-il,  « ceux qui font l’effort de partir en métropole pour leur formation initiale ou pour se perfectionner doivent être assurés de pouvoir revenir ».

Le même projet de loi vise également à permettre à des professionnels du droit – avocats, directeurs de greffe, juristes assistants – de devenir magistrats. L’Union syndicale des magistrats dénonce le manque d’effectifs  – la France compte un peu moins de 9 000 magistrats et le syndicat estime qu’il en faudrait 5 000 de plus. Le gouvernement central en a promis 1 500 de plus sur le quinquennat. Mais à Papeete, la Chancellerie considère que les postes « sont pourvus normalement » et pour le syndicaliste, les conditions de travail « ne sont pas mauvaises « .

Si un précédent Garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, avait parlé d’une « justice en voie de clochardisation », à propos du manque de moyens matériels, Ludovic Friat reconnaît que les budgets ont augmenté et que la situation des tribunaux « s’améliore petit à petit », mais il craint « qu’une bonne partie de ces moyens financiers aille à la pénitentiaire et à la construction de nouvelles places de prison. Il faut que ce soit un effort pérenne et qu’on sorte de la politique du stop and go. » Mais tout n’est pas encore réglé entre l’USM et Éric Dupont-Moretti, contre qui le syndicat a déposé plainte pour prise illégale d’intérêt après que le ministre ait  « poursuivi sous l’angle disciplinaire des magistrats avec lesquels il avait eu des problèmes lorsqu’il était avocat. C’est un mélange des genres qu’on n’a pas pu laisser passer », au nom de l’indépendance de la justice, premier objectif de l’USM dont le président assure qu’elle est apolitique et se fait un devoir de « parler avec tout le monde. »

Greffiers : assurer la titularisation des greffiers polynésiens, mais pas aux dépens de leur formation

Sur le sujet des greffiers, qui dénonçaient le fait qu’aucun concours n’avait été organisé pendant huit ans, et demandaient à ce que soit réduit leur temps de formation en métropole en augmentant la durée de leur stage au tribunal de Papeete, Ludovic Friat pense que c’est possible, mais peut-être pas totalement souhaitable : « Il faut aller se frotter à d’autres réalités. »

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