ACTUS LOCALESSOCIAL

Le cinglant rapport de la CTC sur la politique sociale du Pays

Radio1 s’est procuré le rapport d’observations définitives de la chambre territoriale des comptes sur le « contrôle des comptes et de la gestion de la collectivité de la Polynésie française au titre de la politique sociale pour les exercices 2016 et suivants ». Un rapport sévère dans lequel la CTC recommande une gouvernance, une organisation et une comptabilité plus rigoureuses, et un plus grand contrôle de la part des élus, notamment à travers une loi de financement de la protection sociale accompagnée d’un débat annuel distinct à l’assemblée pour encourager une « culture du résultat ».

Après la CPS, c’est au tour de la politique sociale de la Polynésie française de passer l’épreuve de l’examen par la Chambre territoriale des comptes. Santé, retraite, mais aussi action sociale (logement, solidarité, cohésion sociale, jeunesse et sport° sont inclus dans le périmètre de ce contrôle. Et la CTC n’est pas tendre : délais et mesurettes, malgré les annonces, laissent la population dans un état sanitaire inquiétant et les comptes sociaux au bord de l’asphyxie, même sous perfusion.

La CTC, qui constate que seules 2 des 8 recommandations de son rapport de 2018 ont été – partiellement – mises en œuvre, ironise : « Sans en mésestimer la difficulté, (la Polynésie) doit à la fois organiser l’action publique (autorité règlementaire) et maitriser la dépense (gestionnaire). Ces deux responsabilités particulières sont d’ailleurs la contrepartie de l’étendue de son autonomie institutionnelle. » 

Un système « éparpillé »

Les constats ne sont pas nouveaux – les dépenses de protection sociale, poussées par le vieillissement de la population, la précarité et les changements de style de vie, augmentent deux fois plus vite que le PIB et huit fois plus vite que la population – mais la chambre territoriale des comptes constate qu’ « aucun panorama statistique d’ensemble n’est dressé, seules des études ponctuelles sont produites. » Résultat : « la collectivité ne connaît pas le coût annuel total de la politique sociale en Polynésie française » ; car si le tout récent contrôle de la CPS a forcé la Caisse à fournir un budget consolidé entre les régimes sociaux – qui montre une dépense sociale par habitant de 447 211 Fcfp en 2019 – ce chiffre n’est pas complet puisque plusieurs dispositifs à visée sociale sont financés et mis en œuvre par d’autres organismes.

La « multiplicité d’outils », par exemple l’existence de 4 fonds spéciaux, et un « foisonnement de dispositifs », ont une autre conséquence délétère : ils noient les travailleurs sociaux dans « une gestion administrative particulièrement chronophage » et les éloigne de leur mission première : « La complexité de l’aide sociale telle qu’elle est organisée a ainsi éloigné la collectivité des publics fragiles », juge la chambre territoriale des comptes.

Cette organisation déjà complexe a été rendue encore moins pratique : « la politique sociale est depuis fin 2020 éparpillée entre trois ministères ».  Un éparpillement qui a provoqué, pour l’équipe de contrôle de la CTC, « des difficultés récurrentes pour obtenir des réponses précises et fiables » et qui n’est pas de nature à résorber les retards en matière de politique sociale, malgré quelques efforts comme la création de l’Agence de régulation sanitaire et sociale (Arass) en 2017. Le Schéma d’organisation sanitaire 2016-2021 (SOS), conçu à la demande de l’État en contrepartie de son soutien financier au RSPF, est critiqué pour avoir inscrit « un nombre d’actions foisonnant, au surplus dans un délai contraint (…) sans tenir compte suffisamment, une nouvelle fois, de ses capacités. » Une nouvelle mouture du SOS devrait être présentée à l’assemblée en décembre de cette année.

Un droit sanitaire et social ni à jour, ni codifié 

Comme pour l’élaboration des schémas directeurs – ceux qui sont faits à coup de contrats de consultants ne sont pas suivis, ou leur portée révisée en cours de route, d’autres font toujours défaut – la collectivité s’abrite derrière des moyens internes qu’elle estime elle-même insuffisants, « alors qu’il s’agit de ses missions premières. » L’une des conséquences, c’est le retrait de la partie sociale et médico-sociale du texte relatif à l’organisation sanitaire et sociale adopté le 28 novembre 2019 : « Une partie des dispositions manquantes se font toujours attendre, et chaque interlocuteur de la collectivité consulté au cours de l’instruction renvoie la responsabilité de cette inertie à l’autre ». Autre conséquence, pas de dispositif unifié de suivi statistique de l’état sanitaire et social, qui « suppose la mise en réseau intégré d’outils informatiques dans les services du Pays le CHPF et la CPS », nécessaire notamment à la réelle mise en œuvre de la télémédecine, « toujours en phase expérimentale alors que ce projet est annoncé depuis près de 20 années ».

Prévention et dépendance, deux sujets graves laissés pour compte

La chambre territoriale constate que le schéma de prévention 2019-2022 a été décliné pas « pas moins de six schémas directeurs et programmes » mais que la fiscalité comportementale n’est jamais réellement entrée en vigueur : la taxe sur le sucre avait été édulcorée sous la pression des industriels locaux, et jamais étendue aux produits trop gras et trop salés.

Au-delà du constat sur le vieillissement de la population, « l’absence de choix politiques clairs concernant la prise en charge des personnes âgées dépendantes empêche l‘émergence en Polynésie française d’une véritable filière gérontologique. » Résultat : « faiblesse des investissements, cadre réglementaire des structures d’accueil incomplet qui profitent, pour certaines d’entre elles, de vides juridiques et de défauts de contrôles, et manque de cohérence entre pensions de retraites et minimum vieillesse. »

Dans tous les aspects de la politique sociale, le rythme de production des équipements ou de leur rénovation est « bien en-dessous des prévisions affichées dans les budgets d’investissements de la collectivité » qui, « en ne mobilisant pas les moyens adéquats s’est elle-même placée face a une multitude de situations urgentes. (…) sur cet aspect elle doit d’ailleurs améliorer la transparence de l’information budgétaire qu’elle publie, en veillant à faire apparaitre dans ses rapports de performance les taux de réalisation, donnée anormalement absente à ce jour ».

C’est pourquoi la chambre territoriale des comptes recommande au Pays de ne pas abuser de la procédure d’urgence qui tient le Cesec à l’écart, et d’élaborer chaque année, à l’instar de la métropole, une loi de financement de la protection sociale qui soit soumise à l’assemblée de la Polynésie au cours d’un débat budgétaire distinct, adossé à un rapport de performance.

Les recommandations de la CTC

  1. Insérer à partir du rapport annuel de performance 2023 l’équivalent d’une présentation comptable par terminaison, afin d’offrir aux élus les outils de comparaison pluriannuelle entre les projets affichés et les réalisations (montants, calendrier, et causes des retards éventuels).
  2. Codifler à partir de 2022 le droit de la santé et de l’action sociale.
  3. Présenter à l’assemblée de la Polynésie française l’équivalent d’une loi de financement de protection sociale des 2023.
  4. Désigner dans tous les documents stratégiques, pour chaque action envisagée, un chef de file politique et un cadre responsable à partir de 2023.
  5. Accompagner le projet de Ioi de financement de la protection sociale d’une étude socio-économique dont l’objet est d’évaluer a priori l’impact et la faisabilité des réformes à partir de 2023.
  6. Prévoir un débat annuel distinct a l’assemblée de la Polynésie française sur la trajectoire des dépenses sociales et sa soutenabilité à cinq ans à partir de 2023.
  7. Installer, en lien avec les outils de la CPS, un observatoire partagé des dépenses sanitaires et sociales charge de fournir une information documentée dans le cadre d’une politique de données ouvertes à partir de 2023.
  8. Intégrer dans les rapports annuels de performance de véritables indicateurs de performance des 2023.

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