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Le « Polynesian Kingdom of Atooi » perd la guerre de l’eau à Bora Bora

L’ambassadrice du « Polynesian Kingdom of Atooi » ainsi que deux futurs « Royal Atooi Marshals » étaient convoqués ce mardi devant le tribunal républicain de Papeete pour intimidation envers un chargé de mission de service public, entrave à la circulation et détérioration de bien public. Ils avaient, à Bora Bora, empêché des agents de la société Polynésienne des eaux de couper l’approvisionnement en eau à de mauvais payeurs. Ils ont été condamnés à des peines allant de trois à six mois de prison avec sursis.

Ce n’est pas tous les jours que l’on voit une ambassadrice comparaître à la barre du tribunal. Ce n’est pas tous les jours, non plus, qu’une ambassadrice, accompagnée de ses propres forces de l’ordre, intervienne pour empêcher que l’on coupe l’eau à des familles. Peut-être dans le royaume d’Ubu mais sûrement pas dans une république. Et c’est suite à ces événements que Vaihere T. « ambassadrice de cette organisation internationale, au statut diplomatique », comparaissait à la barre.

Les faits sont simples : le 10 février, alors que les agents de la Polynésienne des eaux intervenaient pour fermer l’eau à des familles en défaut de paiement, quelle ne fut pas leur surprise de voir débarquer Vaihere T. accompagnée de ses deux futurs marshalls, Tautu T. et Taitapu T. et d’une quinzaine de sympathisants pour les empêcher de mener à bien leur mission. L’arrivée d’eau étant déjà coupée, ils empêchent les agents de rejoindre leur véhicule et de partir tant que l’alimentation n’est pas rétablie. Ce qu’ils refusent de faire malgré des intimidations et quelques noms d’oiseaux. Un SUV appartenant à Tautu T. bloquant leur véhicule, les agents quittent à pied les lieux, laissant leur matériel sur place. Les sujets du Polynesian Kingdom of Atooi en profitent alors pour effectuer un branchement sauvage et détériorer le compteur d’eau.

Le 20 février, les forces du Polynesian Kingdom of Atooi étaient de nouveau appelées pour le même type d’intervention. Cette fois, Vaihere T. est absente et ce sont ses marshals qui prennent les choses en main. Ils arrivent alors que les agents sont en train de creuser la tranchée pour atteindre la vanne d’alimentation. Là aussi, insultes, intimidations et menaces avec une arme car Taitapu T. s’empare de la barre à mine d’un employé et la jette sur lui alors que l’agent était dans la tranchée.

« Je possède un statut diplomatique, nos démarches sont diplomatiques. »

Ce mardi matin, Vaihere T., plaque diplomatique et insigne de marshal féderal autour du cou, expose d’une voix claire et intelligible sa version des faits. « On a envoyé des courriers diplomatiques à l’État, au Pays et aussi à la SPE, mais nous n’avons pas eu de réponse (…) nous avons voulu les rencontrer plusieurs fois pour mettre en place une convention avec nous. » Pour l’ambassadrice, l’eau que fournit la Polynésienne des eaux « est de l’eau empoisonnée. C’est de l’eau osmosée et les osmoseurs sont sur nos terres, et nous avons la preuve que ce sont nos terres. (…) Je possède un statut diplomatique, nos démarches sont diplomatiques, on veut mettre en place une convention avec la SPE, on ne veut pas passer devant un tribunal.» Quant aux intimidations sur les agents de la SPE, « il n’y a pas eu de violences, nos statuts l’interdisent. Ils ont dû avoir peur car on était plusieurs. »

Le juge l’interrompt. « Vous critiquez la qualité de l’eau mais cela ne vous empêche pas de faire un branchement sauvage », « c’était de la première nécessité, dans la famille à qui on a coupé l’eau, il y avait une personne âgée et handicapée » justifie-t-elle.

Père céleste, propriétaire de l’eau

Le procureur intervient. « Qui est propriétaire de cette eau ? » « C’est le père céleste. » Brève hésitation du procureur, décontenancé par la réponse, qui marque un temps avant de poursuivre. « Rien ne vous empêche d’installer des citernes pour récupérer l’eau de pluie, qui elle, vient de père céleste, pour fournir de l’eau gratuite à ces familles. »

Pour la partie civile, « si les revendications de terres sont respectables, ce qui n’est pas respectable c’est de dire que l’on est une organisation au-dessus de la mairie pour faire stopper les coupures d’eau. La SPE fournit de l’eau à la population et ils font payer la population. C’est normal. Ce n’est pas parce que l’on fait partie d’une secte ou d’une organisation qu’on ne doit pas payer l’eau, la détourner et casser des compteurs (…) Vous n’avez aucune légitimité. » L’avocat propose de calculer le manque à gagner de la Polynésienne des eaux, et de renvoyer à plus tard les intérêts civils. Par contre pour les agents victimes d’intimidations, il réclame une somme de 180 000 Fcfp.

« Il y a un bug dans votre raisonnement »

Le procureur quant à lui reconnait que l’eau a toujours été un problème à Bora Bora, cependant, « quand on accepte d’être raccordé à un réseau, on sait qu’on doit payer, d’autant qu’on ne coupe l’eau comme cela du jour au lendemain. Il y a des échéanciers de proposés, qui ont tous été refusés. » Il poursuit : « le problème avec votre association c’est que les gens sont persuadés que s’ils y adhèrent, ils n’auront pas à payer l’eau, vous irez les soutenir, et c’est là où ça bug. On s’appuie sur des considérations culturelles où il y a un amalgame et des confusions de toutes sortes pour ne pas payer l’eau. » Et d’interpeller l’ambassadrice : « Pourquoi ne pas faire comme les taata Tahiti pour les problèmes de terre, aller au tribunal foncier ? Ça met moins d’une année pour être tranché. Si vous ne faites pas cela, personne n’ira négocier avec vous. » Pour lui, les infractions sont caractérisées, « ce que vous avez fait s’appelle en droit français, un acte d’intimidation et d’entrave. Il faut que tu le comprennes. »

Ainsi pour Vaihere T. il requiert 6 mois de prison avec sursis, contre Taitapu T. 8 mois avec sursis et pour Tautu T. 6 mois avec sursis, avec confiscation de son véhicule qui a servi à bloquer la route aux agents de la Polynésienne des eaux.

Au tour de l’ambassadrice de s’exprimer. « Sur les réquisitions, je demande notre relaxe. Je souhaite dire que nous ne négligeons pas la loi française, nous sommes une organisation reconnue par l’ONU. Nous ne sommes pas des pakumotu ou autres ! »

Après délibérations, le tribunal a condamné Vaihere T. à 5 mois de prison avec sursis, Taitapu T. à 6 mois avec sursis, quant à Tautu T. 3 mois avec sursis et la restitution de son véhicule.

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