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L’OPH à la recherche d’un nouveau souffle

©CP/Radio1

Rencontre avec le directeur général de l’OPH, aux manettes depuis 2017. Les grandes ambitions du Pays en matière de réorganisation de l’opérateur historique, de collaboration avec le secteur privé et d’harmonisation avec la planification urbaine sont longues à mettre en place, mais la production de logements augmente tout de même, dit Moana Blanchard. Reste à trouver des modes de financement qui ne reposent pas uniquement sur des subventions du Pays.

Difficile pour le « Plan 3 000 logements » 2018-2020 – dont les dates originelles, 2017-2019, avaient « glissé » pour couvrir une période plus productive – de remplir ses objectifs. Objectifs ambitieux, puisque le parc locatif actuel de l’OPH est de 3 000 logements. Pour rappel, 3 800 demandes sont actuellement en instance à l’Office, dont 90% sur l’île de Tahiti.

« Il y a une orientation à la hausse de nos activités, dit le directeur de l’OPH Moana Blanchard. Si on reste en-dessous de 100 par an, il y aura 30 ans d’attente compte tenu de la demande. » Cette année, l’OPH parvient à livrer 100 logements en habitat groupé, soit un tiers de plus que la moyenne des 20 dernières années. 300 logements en habitat collectif ont été mis en chantier, pour une douzaine d’opérations et un coût de 10 milliards de Fcfp. Parallèlement, le total de fare OPH (habitat dispersé) livrés cette année atteindra les 500. Les aides en matériaux continuent d’avoisiner 1 200 livraisons annuelles.

Le point bloquant, dit Moana Blanchard, c’est encore et toujours le foncier. L’OPH dispose certes d’un portefeuille de terrains, dont certains sont issus du domaine public de la Polynésie française, comme par exemple les 50 hectares du domaine Amoe de Mahina, ou les 50 hectares du domaine Bonnefin à Faa’a. Aux Tuamotu et aux Marquises, l’OPH dispose actuellement d’environ 130 parcelles en viabilisation qui pourront accueillir des fare. Mais ce n’est pas suffisant : « Si je n’achète pas de terrains aujourd’hui, dans trois ans, je n’en ai plus. Il est temps de pouvoir trouver les moyens financiers (…) pour chercher le foncier (…) et une stabilité dans le financement de ces opérations », dit-il.

La restructuration du secteur de l’habitat se dessine

Annoncée par le ministre du Logement, Jean-Christophe Bouissou, la restructuration de l’OPH et du secteur de l’habitat de façon plus large, ne se voit pour l’instant pas à l’œil nu. « Pour nous, on l’entend comme une amélioration de l’efficacité de notre outil ; ce qui demande effectivement une mise en ordre chez nous, c’est vrai. Par exemple nous sommes actuellement en train d’élaborer notre comptabilité analytique (une demande récurrente de la chambre territoriale des comptes, ndlr) pour avoir une vision la plus claire possible sur les coûts que nous exposons pour réaliser nos métiers », dit Moana Blanchard. Donc l’OPH est effectivement dédié à sa qualité de constructeur de logements dits sociaux. » L’Agence d’aménagement et de développement durable, créée il y a quelques semaines, est « un genre de think tank » pour le renouvellement urbain. Il est également question d’un « opérateur aménageur » qui viabilise le foncier avant de vendre à l’OPH les lots destinés au logement social, « alors qu’à l’heure actuelle nous avons des terrains nus qu’il faut viabiliser sur notre propre trésorerie » dit Moana Blanchard. Au final, dit-il, l’objectif est que l’OPH se recentre sur sa mission première « d’augmenter l’offre de logements aux familles de condition modeste. On reste très impliqués sur la notion de production de logements. »

Toutefois l’OPH va également se porter acquéreur d’opérations immobilières en VEFA (vente en état futur d’achèvement), avec une dotation 2021 prévue à hauteur de 4 milliards de Fcfp. Des logements qui sont destinés aux revenus intermédiaires.

Les opérateurs privés : une collaboration au bilan décevant

Autre volet de la réorganisation du secteur, les organismes de logement social privés (OLSP) qui devaient permettre à des ménages aux revenus moyens de se loger décemment. En juillet dernier, le gouvernement convenait que le bilan était décevant : seulement 129 logements avaient été livrés. Les OLSP souhaitent une prise en charge du risque financier par l’OPH pour préserver leurs mécanismes de défiscalisation. « Pas à l’ordre du jour », dit Moana Blanchard.

Balayer devant sa porte, pour obtenir des financements à la mesure des ambitions

Pour les futurs financements de l’OPH, le Pays ne fait pas mystère de son désir de pouvoir bénéficier des avantageux taux d’intérêt à très long terme de la Banque des territoires, filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Mais il faut montrer patte blanche, c’est-à-dire un secteur globalement bien structuré dans lequel l’organisme de logement social vit de ses loyers et d’emprunts, mais pas de subventions du Pays.

Confiance, réactivité, rentabilité et innovation, les « valeurs stratégiques » de la feuille de route de l’OPH

« En 2023, l’OPH voudrait être, et on y travaille, un e-service. Demandes et paiements en ligne, installation de bornes » dans les communes où il n’existe pas ou plus de caisse font partie des innovations que Moana Blanchard a l’intention d’apporter. Et pourquoi pas, dit-il, des logements « qui seraient leurs propres producteurs d’énergie électrique ».

L’OPH est également engagé dans une démarche de préservation de son patrimoine, ce qui passe par une maintenance réactive : « Effectivement il nous manquait des ressources humaines qualifiées pour aborder ce sujet avec sérieux. On a trop de réclamations techniques, 2 780 ça fait beaucoup. Pour les réduire, il faut assurer une gestion patrimoniale plus réactive. »  La maintenance représente un budget annuel de plus d’un milliard de Fcfp. Un « plan stratégique du patrimoine » est en cours d’élaboration à l’OPH, pour noter les logements sociaux avant de décider de leur avenir.

Un an après ses 40 ans, l’Office polynésien de l’habitat aborde le virage de l’âge mûr, conscient de la nécessité de ne pas reproduire ses erreurs de jeunesse, de s’émanciper financièrement, et de préparer l’avenir. Il faut espérer que la politique publique de l’habitat, dont on nous parle en fait depuis 2015 (elle a remplacé l’idée de schéma directeur du logement, voir le rapport de la CTC, page 3) et dont la finalisation et la présentation sont prévues pour début 2021, permettra de gommer l’impression « d’usine à gaz » et de fournir aux Polynésiens dans des délais raisonnables le cadre de vie auquel ils aspirent.

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