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La politique publique de l’habitat se construit, livraison prévue début 2021

Le ministère du Logement et la Délégation à l’habitat et à la ville (DHV) organisaient vendredi un séminaire prospectif dans le cadre de l’élaboration de la politique publique de l’habitat qui doit être lancée au début de l’année prochaine. Le diagnostic réalisé depuis près d’un an a été présenté aux représentants des communes et des différents services du Pays et de l’État, et les différents archipels ont fait part de leurs problématiques spécifiques.

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Lancée en octobre 2019, la réflexion sur la politique publique de l’habitat 2020-2030 en Polynésie française doit accoucher d’un plan en janvier 2021. « Là on en est à la phase transitoire entre le diagnostic et la construction d’une stratégie, explique Emmanuelle Thenot, à la tête de la DHV. Le diagnostic se fonde notamment sur toute la connaissance des tavana de leurs territoires communaux et de leur fonctionnement. »

À présent que le cadre réglementaire du Sage a force de loi, que les Projets d’aménagement et de développement durable (Padd) de chaque archipel sont définis et que sont déjà lancés les PRU (projets de rénovation urbaine) à Tahiti, « on est sur des politiques territoriales qui doivent continuellement dialoguer, à différentes échelles, selon différentes thématiques et différentes temporalités, donc c’est un peu complexe et c’est pour ça que ça prend du temps », dit Emmanuelle Thenot.

Penser « habitat » plutôt que « logement »

L’objectif est de penser « habitat » plutôt que simplement « logement », c’est-à-dire prendre en compte non seulement les maisons ou appartements dont les Polynésiens ont grand besoin, mais aussi les lieux de vie, de consommation, de loisirs à proximité, et la capacité des habitants à se déplacer, notamment pour rejoindre leur lieu de travail. « Ramasser l’habitat pour qu’il soit plus proche des services, des équipements nécessaires à la vie quotidienne, et que ça préserve également les grands espaces verts, » résume Emmanuelle Thenot.

Des représentants de l’ensemble des communes – dont plusieurs maires et conseillers municipaux, à Tahiti pour voter dimanche aux sénatoriales, des directeurs généraux des services, des représentants des services et des établissements du Pays et de l’État, ainsi que des promoteurs privés, étaient donc rassemblés ce vendredi pour des ateliers qui devaient répondre à deux questions : comment améliorer les conditions d’habitat dans les prochaines années, et quels besoins spécifiques à chaque archipel faut-il prendre en compte pour la création de nouveaux logements ?

Tous les ateliers citent des problématiques communes : la lenteur du traitement des dossiers (« Parfois 10 ans d’attente ! Il y a des personnes qui avaient tout payé, et qui sont mortes avant d’avoir eu leur maison »), qui obligent les demandeurs à se déplacer tous les deux ou trois ans pour renouveler leur dossier ; et les problèmes d’indivision qui limitent l’accès au foncier.

Les Tuamotu-Gambier veulent des matériaux de meilleure qualité

Dans l’atelier des Tuamotu-Gambier, on n’est pas convaincu par la qualité des matériaux des fare MTR, inadaptés à la chaleur et à l’air marin. Les îliens citent des problèmes de pourriture qui apparaissent en moins de deux ans dans les pièces humides ou dans les planchers : « on aimerait bien avoir des maisons qui durent plus longtemps, » et ils évoquent des maisons OPH en dur, comme celles des îles hautes. Ils souhaitent aussi des citernes aux contenances adaptées. Enfin, ils rappellent que la population des archipels est vieillissante, et que les maisons doivent pouvoir être adaptées aux handicaps des matahiapo – habitations de plain-pied, ouvertures plus larges pour les fauteuils roulants, etc).

Les Marquises et les Australes veulent plus de souplesse dans les règles de construction

L’atelier qui regroupait les Marquises et les Australes évoque des difficultés de viabilisation, le besoin d’avoir une activité économique sur place, « la nécessité d’avoir un minimum de services, notamment de santé » à proximité des logements. Les participants ne veulent pas de constructions selon « des standards urbains européens » : « Il faut être plus souple sur les règles de construction, pour prendre en compte par exemple des pièces ouvertes ». Ils proposent que les kits OPH soient composés de l’ossature et de la toiture des maisons, mais que l’habillage soit confié à des locaux, que ce soit pour favoriser l’emploi local ou pour faire participer les attributaires.

Aux Îles-du-Vent, les effets pervers des aides en matériaux

Dans l’atelier des Îles-du-Vent, les problèmes générés par l’indivision sont à nouveaux évoqués, parce que « plusieurs générations s’entassent sur le même terrain ». Un problème encore renforcé par les aides en matériaux de l’OPH, constatent-ils. Ces matériaux sont souvent utilisés pour « bricoler » des maisons à la structure déficiente, ou des maisons qui ne peuvent avoir l’autorisation légale d’extension : un système qui fait perdurer l’habitat précaire.

Rendez-vous est donc pris pour le début de l’année prochaine pour connaître les orientations de la politique publique de l’habitat 2020-2030, et leur traduction dans les faits, car elle doit elle aussi contribuer au plan de relance du Pays.

Les grandes lignes du diagnostic

Une répartition de la population déséquilibrée

Les Îles-du-Vent rassemblent 75% de la population, les Îles Sous-le-Vent 13%, les Tuamotu-Gambier 6%, les Australes 3% et les Marquises 3% également.

30 % de la population polynésienne est concentrée dans 3 communes de Tahiti (Papeete, Faa’a, Punaauia)

Peu de gens travaillent dans leur commune de résidence

À l’exception de Papeete et Moorea, les actifs travaillent dans une commune où ils n’habitent pas : c’est ainsi que le transport est le 2e poste de dépenses et compte pour 16% dans le budget des ménages.

Les structures familiales évoluent

27% des ménages sont des couples avec 1 ou 2 enfants, 26% sont des familles élargies (plusieurs noyaux familiaux), 8% sont des familles nombreuses (3 enfants et plus), 8% sont des familles monoparentales.

Les seniors, des besoins spécifiques à prendre en compte

De 22 657 en 2012, les personnes de plus de 60 ans sont passées à 34 125 en 2017. Une large part vit avec d’autres membres de leur famille, mais le manque de structures d’hébergement et d’accueil de jour est flagrant, autant que le manque de professionnels formés à la prise en charge gériatrique. Celles qui existent n’ont pas un cadre réglementaire adapté.

Des inégalités de revenus très marquées

Le niveau de vie médian était de 255 000 Fcfp en 2015, mais ce chiffre masque de grandes inégalités de revenus entre individus – l’écart de niveau de vie entre les plus pauvres et les plus riches en Polynésie est de 9, contre 3,5 en métropole –  et de grands écarts de revenus entre les archipels.

Le logement, un secteur en tension

  • La grande majorité (88%) des logements sont des résidences principales en habitat individuel (maisons)
  • 32% des résidences principales ont moins de 15 ans
  • 36% des logements sont des T4 ou+, 34% sont des T3, 30% sont des T1/T2
  • Les logements vacants représentent 10% du parc immobilier, les résidences secondaires 9%
  • La majorité des ménages sont propriétaires, mais ce constat recouvre des réalités très différentes
  • On recense 1 700 habitations de fortune (2% des résidences principales)
  • Le parc immobilier social locatif est composé de 3 090 logements. Et en avril 2020, l’OPH comptabilisait 3 895 demandes. Avec une « quasi-absence de mobilité dans le parc », la réponse à la mobilité ne se fait que dans le parc neuf.
  • Le marché immobilier privé est sous tension, accessible uniquement aux ménages les plus aisés. Seuls 30% d’entre eux peuvent envisager l’achat d’une maison en lotissement sur la presqu’île pour 28 millions de Francs. Et seuls 20% des ménages peuvent louer un T3 pour 150 000 Fcfp par mois.
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