ACTUS LOCALESÉCONOMIEEMPLOISOCIAL

Pas encore lancée, la réforme du Code du travail échauffe déjà les esprits


Édouard Fritch l’a annoncé, Nicole Bouteau doit la mener. Et les deux élus semblent avoir une approche légèrement différente de la réforme de la règlementation du travail. Un « grand chantier » et des négociations qui s’annoncent musclées vu les oppositions, déjà vives, entre le patronat, décidé à revoir un code « inadapté », et les syndicats, qui s’arment contre tout « assouplissement ». 

Un « vaste chantier ». C’est ainsi qu’Édouard Fritch avait défini, début décembre, le projet de son gouvernement de « moderniser » le Code du travail. Le but était alors clairement affiché : améliorer « l’attractivité ou la compétitivité de notre pays ». Cette semaine, le président a une nouvelle fois mis le projet au premier rang de la feuille de route 2021, devant le Cesec. Mais cette fois avec des termes plus policés : « J’émets le vœu que les partenaires sociaux puissent réformer les lois du travail afin d’intégrer ces nécessaires souplesses et agilités règlementaires et ainsi redonner de la dignité aux Polynésiens par le travail ». Le phrasé ne trompe pas : le sujet est délicat. Il faut dire que les « transformations » de la règlementation du travail évoquées par le passé ont pour la plupart abouti à un net réchauffement du climat social, et, au final à de modestes amendements.

Une règlementation qui « effraie »

Si le président semble décidé à réformer en profondeur, c’est bien Nicole Bouteau qui portera le dossier. Et la ministre du Travail, qui doit présenter les grands axes de son projet en séminaire gouvernemental début février, préfère prévenir d’entrée : cette volonté « vient des partenaires sociaux et particulièrement des entreprises ». « Pour notre part, la volonté c’est qu’il y ait une refonte de la politique de l’emploi au service de la relance économique », explique-t-elle. Le Code du travail, notamment les règles du CDD, ont « déjà été ajustées récemment » et sa réforme ne serait aujourd’hui qu’un outil parmi d’autres. La ministre s’attarde plutôt sur le remodelage des « mesures de soutien, de sauvegarde de l’emploi ».

Deux discours pour une réforme, donc. Celui d’Édouard Fritch semble davantage se rapprocher des demandes exprimées par le Medef, qui juge aujourd’hui que le Code du travail actuel a « montré ses limites ». Le constat date d’avant crise : « On avait autour de 65 000 salariés en 2019, et près de 70 000 dix ans auparavant, pointe son président Frédéric Dock. Malgré la croissance retrouvée, on n’a pas été capable de reconstruire d’emploi« . Cette déconnexion, que certains lient au développement à outrance de l’auto-entreprenariat, « est un véritable problème ». Pointée du doigt, la lourdeur et la « trop grande rigidité » de la règlementation, qui a de quoi « effrayer » les potentiels embaucheurs ou investisseurs.

Le plaidoyer n’est pas neuf du côté du patronat – la CPME demande elle aussi régulièrement des efforts « d’assouplissement » et de « simplification » – mais la crise Covid lui donnerait aujourd’hui du relief et caractère d’urgence. « Il ne s’agit pas seulement de simplifier, mais de clarifier, reprend Frédéric Dock. Pour qu’un chef d’entreprise embauche, il faut qu’il soit certain que les droits et les devoirs exercés dans sa relation avec les salariés soient clairs et ne fasse pas l’objet d’interprétation. Et le Code du travail mérite sur de nombreux points des éclaircissements ».

« En tripartite, ça va chauffer »

Les différences de vues avec la ministre du Travail sont actées (lire plus bas), mais la volonté de dialoguer est là des deux côtés. En revanche, l’opposition est frontale avec les syndicats, qui ont, depuis les premières déclarations d’Édouard Fritch sur la réforme, commencé à aiguiser leur discours. « On ne touche pas au Code du travail, puisqu’on touche pas aux salaires, lance Lucie Tiffenat, la chef de file de Otahi. Si ce sont des mesures qui vont tendre à créer de l’emploi, pourquoi pas, mais ce n’est pas le cas. C’est pour enrichir encore plus les entreprises, c’est tout ».

« La souplesse pour leur profit, c’est non, surenchérit Cyril Legayic. Ils ont déjà modifié plusieurs dispositions du Code du travail à leur profit, à un moment donné il faut dire stop ». La défiance est directement dirigée contre le président du Medef, Frédéric Dock : « chaque intervention, c’est pas pour apaiser la paix sociale, c’est pour provoquer, et on lui répondra en temps et en heure », reprend le secrétaire général de la CSIP. Une chose est sûre : « En réunion tripartite, ça va chauffer ».

Passe d’armes autour de la direction du Travail

Avant de parler du fond de la réforme, c’est peut-être sur la forme que porteront les discussions. Sur ce sujet délicat, certains préfèreraient ne pas lancer de tripartites (Pays – syndicats – patronat) trop tôt pour laisser le temps aux autorités de « formaliser les demandes et observations » de chacun avant de les confronter. Mais surtout, le Medef s’interroge sur le chef d’orchestre de ces discussions. Officiellement, c’est à la direction du Travail que revient la mission « d’élaborer les règles relatives au droit du travail ». La même direction qui travaille, au quotidien, à l’application de ce droit. « On considère que ça n’est pas au gendarme d’élaborer les lois, défend Frédéric Dock. C’est au politique de reprendre la main ». Problème de confiance ? C’est ce qu’on pourrait se dire après une première sortie du patron du Medef sur la direction du Travail fin décembre, à laquelle Nicole Bouteau n’avait pas tardé à réagir. La ministre maintient sa confiance dans « l’expertise » et la « neutralité » de la direction. Contre-communiqué des organisations du Medef quelques jours plus tard, qui jugeaient leur chef de file « parfaitement légitime à poser la question des moyens, des compétences et des missions de ce service indispensable à la régulation et au contrôle du monde du travail ». Malgré cette passe d’armes, les deux responsables s’accordent tout de même sur un point : la nécessaire réforme du « dialogue social », qui est très peu encadré en Polynésie. Le conflit Carrefour a laissé des traces : « on arrive dans des situations inextricables parce que le dialogue social n’a pas fonctionné », appuie Frédéric Dock. La règlementation pourrait prévoir « d’autres outils qui doivent permettre d’améliorer le climat social », explique pour sa part la ministre. Parmi les sources d’inspiration possibles : l’effort mené en Nouvelle-Calédonie, à partir de 2005, pour créer des structures de dialogues et de formation communes au patronat et aux syndicats, et qui a abouti, après quelques années, à une réelle baisse de la conflictualité en entreprise.

Article précedent

Cour d'appel : les quatre "ex-InterConti" de Moorea reviennent à la charge contre Irmine Tehei

Article suivant

La "sixième dose" de Pfizer, un défi de plus dans la campagne de vaccination

2 Commentaires

  1. Jean Louis André Daniel Caron
    22 janvier 2021 à 12h52 — Répondre

    ….., il faut commencer à définir, préparer et distribuer les diverses enveloppes aux syndicats et seulement après pourront commencer les séances de blablabla entre eux….., et de toute façon cela va durer une éternité et se terminera par des grèves….., seules solutions pour les syndicats car il n’y a que cela qu’ils sachent faire….., le mot ‘constructif’ ne fait apparemment partie de leur dictionnaire.

  2. Frank
    23 janvier 2021 à 10h25 — Répondre

    La réforme du code du travail est nécessaire et primordiale, les temps, les mentalités, les actions, et aussi pour certains la façon de travailler changent et il faut absolument se mettre à la page.

Laisser un commentaire

PARTAGER

Pas encore lancée, la réforme du Code du travail échauffe déjà les esprits