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Pourquoi les masques jetables sont si chers, et pourraient continuer d’augmenter


100 francs le masque, un prix « exorbitant » ? C’est en tout cas le sentiment de bon nombre d’internautes, qui notent, à raison, que les masques chinois mis sur le marché par le Pays se vendent bien plus cher que les masques réutilisables disponibles avant la crise du coronavirus. Pourtant, les marges des professionnels n’ont pas augmenté et le Pays dit vendre à « prix coûtant ». La tension toujours plus forte sur le marché international continue de faire grimper les prix.

Le gouvernement a annoncé la semaine dernière la mise sur le marché de masques à usage unique. En tout, 500 000 unités, parmi les quelques 2 000 000 achetés en Chine début avril, ont été proposées aux grossistes et commencé à être distribuées dans les pharmacies. Des masques qui ne peuvent être considérés comme « chirurgicaux » puisque ne répondant pas à la norme européenne CE leur permettant d’être utilisés en milieu hospitalier, mais qui présentent une efficacité de filtration comparable. Mais ces protections, destinées au grand public, ne sont pas gratuites. 100 francs l’unité : c’est le « prix plafond » annoncé par Teva Rohfritsch la semaine dernière, et pratiqué dans la plupart des pharmacies de Tahiti ce lundi.

Les prix multipliés par trois à quatre en quelques mois

Cher ? Oui. D’après un pharmacien de Papeete, on pouvait trouver des masques entre 25 et 35 francs l’unité avant la crise du coronavirus. Le prix a plus que triplé, donc, pour une raison simple : le masque, chirurgical ou non, est devenu un objet très prisé sur le marché international. « Les prix ont explosé au début de la crise, et continuent d’augmenter de jour en jour », confirme Jean-Michel Leguen, le directeur de Médipac Polynésie, un des principaux grossistes médicaux du pays.

Le gouvernement n’a pas précisé quel montant avait été déboursé pour la cargaison de 2 millions de masques, début avril. Mais on sait en revanche que la commande avait été difficile à sécuriser vu les surenchères de divers pays. L’affrètement d’un vol spécial pour la Chine, qui a dû rester plusieurs jours en attente à l’aéroport de Tokyo, a probablement fait gonfler l’addition. D’après la cellule de crise sanitaire Covid-19, les masques sont quoi qu’il en soit vendus « à prix coûtant » – donc sans aucun profit pour les autorités. Les grossistes, les plus à même de répartir et de distribuer ces équipements de protection aux pharmacies, les achètent à 3 850 francs la boite de 50, soit 77 francs l’unité.

Deux fois moins de marge avec la mise en PPN

Et la marge de ces professionnels n’a pas non plus augmenté. Pour éviter une inflation des prix de vente, le gouvernement avait placé les masques chirurgicaux sur la liste des produits de première nécessité fin mars. Et intégré les masques de normes chinoises à cette liste des PPN juste après la livraison de début avril. La marge globale de commercialisation ne doit donc pas dépasser 30% du prix de revient en entrepôt. Celle des grossistes avoisinerait les 10%, celle des pharmaciens tourne autour de 15%. « Il y a des charges d’entrepôt, de livraisons, de distribution… Ni l’un ni l’autre ne gagne de l’argent sur ces produits », assure Jean-Michel Leguen. « Les distribuer, c’est du service public », dit même un pharmacien, dont la marge commerciale sur ce genre de produits est, hors épidémie, et surtout hors PPN, environ deux fois plus élevée.

Près d’un Euro le masque chez les grossistes en France

D’autres livraisons de masques ont eu lieu via les vols de continuité territoriale – des masques FFP2 pour les soignants, notamment. Mais des privés – des groupes de pharmacies du fenua ou des grossistes comme Médipac – ont eux aussi réussi à faire des commandes de masques chirurgicaux en Chine ou en France. La marge sera aussi contrôlée sur ces produits en PPN, mais « ils ont été achetés plus tard et plus chers » que ceux mis sur le marché par le Pays, et « seront donc commercialisés à un prix plus élevé », note Jean-Michel Leguen. Là aussi, c’est l’évolution du marché qui tire les étiquettes : « le prix de départ d’une boîte de 50 masques en métropole, c’est aujourd’hui environ 45 euros, contre 4 à 6 avant l’épidémie ». Même flambée en Chine, où les usines, très sollicitées, ont décuplé leurs tarifs.

Priorité au tissu

Le prix est une des  raisons qui poussent les autorités du Pays à ne pas s’appesantir sur les masques chinois, pour encourager le port de masques locaux en tissu. Leur efficacité de filtrage est moindre, certes, mais la cellule de crise sanitaire a déjà estimé que le port généralisé permettait, en l’état actuel d’offrir « une protection suffisante ». Surtout, ils présentent un « intérêt évident du point de vue du développement durable », ainsi qu’en termes d’activité pour les couturières polynésiennes. Le plus important, dit-on du côté du Pays, est de réussir à véhiculer les bonnes pratiques, quel que soit le masque utilisé : « Le nez va dedans, on ne se gratte pas le visage sous le masque, on se lave les mains avant de le mettre et après l’avoir porté ».

Les masques mis sur le marché par le Pays, de marque chinoise Wecan, ne portent pas la norme CE, mais une norme chinoise. Le 27 mars dernier, les douanes françaises ont décidé d’ouvrir la porte aux masques de normes américaines, chinoises, australiennes, néo-zélandaises, coréennes et japonaises.

 

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