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Raromatai : la CTC pointe les errements de la Comcom Hava’i

Des compétences pas ou mal exercées, des initiatives « hasardeuses » et une situation financière critique… C’est le jugement, sévère, de la chambre territoriale des comptes dans son analyse de la gestion de la Communauté de communes Hava’i. Une « Comcom » présidée par Cyril Tetuanui, et qui couvre l’ensemble des îles Sous-le-vent à l’exception, problématique, de Bora Bora.

Créée en 2012, Hava’i a pour objectif d’accompagner le développement et l’aménagement des Raromatai et de mutualiser certaines compétences communales. À commencer, théoriquement, par  la valorisation du patrimoine historique, le tourisme nautique ou encore l’agriculture biologique. Trois compétences désignées comme « obligatoires » dans les statuts, mais qui ne sont, dans les faits, pas exercées. Des sites de patrimoines historiques ont été identifiés (le marae de Tainuu à Tevaitoa, le paepae de Turi à Faaroa…), des actions ont été listées, mais aucun moyen n’a été affecté à ces missions. Pas plus qu’ils n’ont été engagés pour le développement du bio. Quant au développement économique, la Comcom a donné beaucoup de coups d’épée… dans l’eau. Contrat flou et aujourd’hui sans effet avec une fondation californienne sur un projet « Green Island« , accord de coopération avec la Chine tombé sous le coup du contrôle de légalité, accord de jumelage avec une ville chinoise qui ne « comporte plus aucun objectif ou domaine concret de coopération tant la formulation reste évasive », mémorandum non finalisé avec un groupement hongkongais pour une ligne de transport ou du développement perlicole ou hôtelier… « La Chambre invite désormais la CCH à ne plus poursuivre d’engagements hasardeux en l’absence d’évolution juridique sur l’exercice des compétences obligatoires », écrit la CTC.

Déchets : des études, mais peu d’avancées

C’est finalement une compétence « optionnelle » qui est aujourd’hui la raison d’être de la Comcom : la collecte et le traitement des déchets. La mutualisation est concrète, a abouti, entre autres, au développement du tri, et à des campagnes de sensibilisation. Mais les résultats, là aussi, sont loin d’être à la hauteur des attentes. Manque d’harmonisation, « double insularité » problématique, organisation chancelante et manque d’encadrement… « Avec des dépenses plus élevées que lorsque le service était effectué par les communes et des recettes qui n’ont pas augmenté entre 2016 et 2020 faute de réévaluation des tarifs, le transfert de la compétence « ordures ménagères » se traduit plus par un transfert du déficit chronique des budgets annexes des communes à la CCH que la construction d’un service intercommunal pour les usagers », conclut la CTC. Sur ce sujet comme sur d’autres Hava’i a des plans ambitieux mais peine à avancer vers leur concrétisation : 19 millions de francs ont été dépensés en 5 ans pour des études sur des infrastructure de traitement des déchets, sans qu’aucun chantier n’ait été lancé. Les sites des CET n’ont jamais fait l’objet de consensus ou n’ont pas reçu d’autorisation administrative, et le projet d’usine de déchets, jugé « inadéquat » a même « fragilisé l’acceptabilité locale de ces infrastructures par la population ». Ce sont donc les dépotoirs qui restent la règle aux Raromatai, et ce statut quo « conduit progressivement à une situation écologique très dégradée ». Le bout du tunnel pourrait venir du Pays, vers qui Hava’i s’est finalement tournée en 2021 pour exercer la compétence « déchets », et de Raiatea, où une enquête publique pour un CET a été lancé.

Finances très tendues

Malgré des annonces en la matière, la gestion des animaux errants, la gestion du transport entre les îles ne sont, dix ans après le lancement de la communauté, qu’au stade d’étude. D’autres ont été abandonnés, comme les actions de soutien à la maitrise de l’énergie. La chambre n’oublie pas de pointer des errements de gouvernance, et de gestion des finances. Charges de personnel grandissante jusqu’en 2019, créances non recouvrées, recettes non revalorisées et fonds de roulement qui a fondu de 245 à 99 millions de francs en trois ans, alors qu’aucun projet d’investissement d’ampleur n’a abouti… Les magistrats préconisent des « actions fortes » pour revoir la gestion de la Comcom. Faute de quoi l’organisme, qui disposait, fin 2020, d’une trésorerie équivalente à 22 jours de charges de gestion, et qui a dû avoir recours à des emprunts relais et des « dons » des communes adhérentes, pourrait ne pas se relever.

À quand une intégration de Bora Bora ?

Six communes sur sept. Bora Bora est la seule collectivité des Raromatai à ne pas avoir rejoint la Comcom Hava’i. La première raison tenait à des intérêts financiers : en faisant dépasser le seuil des 35 000 habitants à la communauté, la commune de Gaston Tong Sang pouvait faire perdre à l’organisme plus de 50 millions de francs de dotation d’intercommunalité. Un problème corrigé lors de la dernière réforme du CGCT. Mais Bora met surtout en avant le fait qu’elle est bien plus avancée que ses voisines dans plusieurs thématiques que couvre la communauté, et notamment le traitement des déchets. La perle du Pacifique a son propre CET. Et pourtant l’idée d’une adhésion fait son chemin dans la municipalité : Gaston Tong Sang a expliqué à la CTC que son centre d’enfouissement « ne sera pas durable compte tenu du peu de foncier disponible sur l’île ». Et que Bora pourrait avoir besoin de ses voisins. « L’adhésion de la commune de Bora Bora à la CCH serait conditionnée par la mise en place d’une solution pérenne et durable de traitement des déchets et si possible une expérimentation par la commune », précise le rapport de la chambre territoriale. Pour les six autres communes, ce serait une bouffée d’air financière « considérable » grâce, notamment, à la part des redevances d’ordures ménagères des professionnels de l’hôtellerie. « Neuf ans après sa création, la Chambre invite la CCH et la commune de Bora Bora à réexaminer ensemble la cohérence territoriale de cette intercommunalité aujourd’hui partielle des îles Sous-le-Vent », insistent les magistrats.

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