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Ahutoru : un Polynésien « injustement méconnu »

Veronique Dorbe-Larcade

Après les articles, livres et célébrations autour de Tupaia, la vente du portrait de Mai pour 6,7 milliards à la National Portrait Gallery de Londres, un troisième explorateur polynésien est mis sur le devant de la scène. Véronique Dorbe-Larcarde s’est intéressé à Ahutoru et retrace le parcours de ses deux années d’exil en France et à l’île Maurice.

Véronique Dorbe-Larcarde le reconnait volontiers : « Je suis arrivée de France, ignorante du monde tahitien. Une de mes premières lectures a été Le voyage autour du monde de Bougainville. » C’est dans ce livre qu’elle rencontre Ahutoru dont on parle encore très peu à Tahiti. Nous sommes en 2008 et l’enseignante, maitre de conférences à l’université de la Polynésie française, fait un premier séjour de quatre ans, avant de revenir en 2016. Aujourd’hui, elle travaille sur la période du contact et sur ses répercussions, et a déjà publié une édition critique du Journal de Joseph Banks à Tahiti et dans les îles (Haere Po, 2019), elle a contribué à l’ouvrage collectif Une histoire de Tahiti (Au Vent des îles, 2019) et vient donc de publier ce nouvel ouvrage : Ahutoru ou l’envers du voyage de Bougainville à Tahiti. « Si l’histoire des ‘découvreurs’ européens du Pacifique au XVIIIe siècle, en particulier celle de Bougainville, est bien connue, rien ou très peu a été dit au sujet du premier Polynésien qui effectua le voyage inverse », présentent les éditions Au Vent des îles. Effectivement, pour Véronique Dorbe-Larcarde, « Ahutoru est quelqu’un qui est très injustement méconnu, quelqu’un qui mérite l’attention à Tahiti. C’est le premier à être allé en Europe, c’est lui qui a, avant Tupaia, révélé l’art de la navigation aux étoiles aux Européens ».

Même en Europe, on ne prend pas la mesure de l’importance de sa visite sur le continent. Quand il débarque à Saint-Malo en 1769, « il est présenté au roi mais dans le cadre de cérémonie protocolaire assez anodine. Le protecteur de Bougainville, Choiseul, est écarté du pouvoir, ce qui empêche le retentissement du voyage et que l’arrivée de Ahutoru soit valorisée ». Bougainville n’a pas non plus bonne réputation dans les salons… C’est toute la tragédie de Ahutoru.

En France, il rencontre des intellectuels, se passionne pour les sorties culturelles mais après onze mois passés sur le continent il souhaite rentrer. En 1770, il embarque à La Rochelle et arrive sur l’île de France (l’ancien nom de l’île Maurice) où il attendra une année entière avant d’embarquer sur une nouvelle expédition commandée par Marion-Dufresne. Malheureusement il tombera malade et mourra à Madagascar. Malgré l’absence d’images de cet homme, mais en s’appuyant sur une vaste documentation et ses connaissances acquises dans le domaine des anciens systèmes de pensée polynésiens, Véronique Dorbe-Larcarde est parvenue à retracer son parcours pendant ces années d’exil. C’est une découverte de l’Europe et de la France des lumières par le premier explorateur polynésien. « L’histoire de Ahutoru n’est pas finie. J’ai eu la chance de rencontrer une collègue australienne qui est Mauricienne et nous sommes en train de monter un projet pour aller sur place, arpenter les lieux où il est allé. Nous avons l’espoir d’en savoir plus. »

Véronique Dorbe-Larcarde sera en dédicace ce samedi, de 9h à 12h, à la librairie Odyssey.

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