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Budget 2025 : la dette et la masse salariale réduisent les marges de manœuvre

Dans son projet de budget 2025, fraichement transmis à l’assemblée, le gouvernement interpelle sur le poids des « charges structurelles et obligatoires », qui « obèrent la capacité du Pays à financer correctement ses politiques sectorielles ». Première responsable : la dette, qui a atteint des sommets après le Covid, et qui obligera le Pays à rembourser une somme record de 17,5 milliards de francs à ses créanciers en 2025. Quant aux charges de personnel, malgré un tour de vis qui n’a visiblement pas concerné tous les cabinets ministériels, ni même la présidence, elles sont en augmentation de 750 millions.

Le projet de budget primitif 2025 a été déposé sur la table des élus de Tarahoi ce vendredi 15 novembre, à quelques heures de la date limite règlementaire. Un document de quelque 800 pages – annexes et budgets des comptes d’affectation speciale compris – qui va animer les débats de fin d’année, en même temps, si tout va bien, que plusieurs projets de lois fiscales, qui restent encore à être transmis à l’assemblée. 170 milliards de francs de budget total, soit 5,7 milliards de plus que l’an passé, 3,6 milliards de recettes supplémentaires, une hausse de 3% par rapport à 2024… Dans le déluge de chiffres, les représentants pourraient s’attarder sur celui-ci : 78,353. C’est, en milliards de francs, le total des « charges structurelles et obligatoires » que le Pays doit intégrer dans ses dépenses de fonctionnement. Un terme qui regroupe les charges de personnel, le remboursement la dette, ou les contributions au budget des autres institutions et collectivités (voir encadré), et qui prend en 2025 un poids record. Ces charges difficilement compressibles et que le Pays est tenu de payer représentent 62,11% des dépenses de fonctionnement, évaluées pour l’année prochaine à 126 milliards de francs. En clair : le gouvernement n’est libre d’orienter qu’un gros tiers des dépenses de la collectivité.

Certes, le budget primitif ne fait pas tout, et les bonnes recettes fiscales constatées ces dernières années ont eu tendance à donner de la souplesse au Pays au travers des collectifs budgétaires. Mais l’exécutif s’attend désormais à une « stabilisation » des recettes et donc une « rigidification croissante » de ses dépenses. Le fait est que les marges de manœuvre se réduisent à chaque préparation du budget primitif : en 2020, les charges structurelles et obligatoires ne représentaient que 46,9% des dépenses de fonctionnement. En atteignant aujourd’hui « presque les deux tiers » du total, elles « obèrent la capacité du gouvernement à financer correctement ses politiques sectorielles », comme le souligne l’exécutif à l’attention des élus.

La présidence pas exemplaire sur la maitrise de la masse salariale

Le gouvernement le sait : le seul poste de charges structurelles sur lequel il « peut vraiment intervenir », c’est celui des charges de personnel. Et elles pèsent lourd : 34,86 milliards inscrits au BP 2025, soit 757 millions de francs de plus que l’année passée. L’exécutif assure pourtant avoir pris des mesures pour contenir sa masse salariale, avec le « non-remplacement systématique des personnes mises à la retraite » et la « nouvelle règlementation sur les personnels détachés ». Mais la dynamique est tout de même au gonflement des effectifs : 91 postes permanents et 39 postes non-permanents créés en 2025, et 92 autres supprimés.

Même si ces mouvements sont limités comparés aux 4 500 agents titulaires et stagiaires du Pays, ils démontrent à quel point la maitrise de la masse salariale, « objectif phare » plusieurs fois affirmé du gouvernement Brotherson, n’est pas aisée. « Il convient de permettre à l’administration de pouvoir renforcer la qualité de son action, justifie le projet de budget, et d’impulser une dynamique forte pour la mise en œuvre des ambitions de notre gouvernance ». On est jamais mieux servi que par soit même : à l’intérieur de ces charges de personnels, l’enveloppe destinée aux cabinets ministériels a augmenté de 86 millions de francs dans le budget 2025. Tout le monde n’y a pas gagné. Mais la présidence, qui a certes absorbé de nouvelles compétences, du côté du foncier ou du logement, a largement étoffé son équipe. De 7 postes en fin d’année dernière, le cabinet de Moetai Brotherson est passé à 18, avec 6 conseillers techniques et 5 chargés de mission supplémentaires. Pas franchement exemplaire, quelques mois après avoir signé la fameuse circulaire sur la « Maîtrise de la masse salariale et de la nécessité d’une gestion rigoureuse des recrutements ».

Dette : +50% d’annuité en 5 ans

Mais ce qui fait grimper le poids de ces charges de budget en budget, c’est surtout la dette et son annuité. Le Pays devrait rembourser sur l’année 2025 pas moins de 17,5 milliards de francs, un record ces 20 dernières années. C’est 1,5 milliard de plus qu’en 2024 (+9,5%), 2,5 milliards d’augmentation par rapport l’année précédente, et même 5,6 milliards de plus qu’en 2020. +49% en 5 ans, expliqués par le ministère des Finances par « l’évolution de l’endettement global du Pays couplée à une hausse des taux d’intérêts sur les trois dernières années ».

Après avoir été largement limité jusqu’à 2019, l’endettement du Pays avait bondi entre 2021 et 2022, avec la signature, par le gouvernement d’Édouard Fritch, des deux « Prêts fiscale  garanti par l’État » qui ont financé les « amortisseurs » de la crise Covid. Fin 2022, l’encours atteignait les 156 milliards de francs, soit plus de 550 000 francs par Polynésien. Un chiffre qui est, en cette fin d’année 2024, en retrait à 147 milliards. Et qui devrait atterrir à 144,8 milliards fin 2025. Le gouvernement l’assure aux élus : la dette de la Polynésie française, qui représente moins de 20% du PIB, là où l’État a passé la barre des 110%, « ne présente pas de risque immédiat pour la collectivité ».

Reste que Moetai Brotherson et son équipe sont soucieux d’avancer au plus vite dans le désendettement. L’ex-ministre des Finances Tevaiti Pomare avait d’ailleurs décidé il y a quelques mois d’annuler – et donc de rembourser en avance – une partie du deuxième PGE, à hauteur de 6 milliards de francs sur les 35,8 contractés en 2022 avec l’AFD. Un choix toujours jugé « payant » par le Pays, même si d’autres prêts, « classiques », ont dû être signés : « tous les emprunts contractés depuis lors, l’ont été à des taux inférieurs de 1% en moyenne à ceux applicables au PGE », précise le ministère.

Garder de la marge pour d’éventuels « grands projets »

Mais alors pourquoi l’annuité de la dette augmente ? Parce que ce deuxième PGE, comme le premier, prévoyait deux ans de répit du Pays avant qu’il ne commence à rembourser le capital. Les premières échéances, qui se cumulent à celles du PGE de 2020 à 28,6 milliards de francs (hors intérêts), tombent en 2025, et elles ne s’éteindront pas avant 2046. Le gouvernement a bon espoir d’ici là de contenir l’annuité à moins de 18 milliards de francs et s’attend même à une « baisse sensible » à partir de 2030. Tout dépendra bien sûr de l’évolution des taux d’intérêt. L’équipe de Warren Dexter affiche sa confiance : après une forte augmentation, ils se sont « tassés » en 2024 et devraient continuer de baisser.

L’objectif de maitriser le poids de la dette dans les prochains budgets est répété à plusieurs reprises dans le document distribué vendredi aux élus. L’objectif est bien sûr de se laisser des marges de manœuvre en matière de dépenses. Et comme le gouvernement veut continuer à emprunter – 10 à 12 milliards de francs par an d’ici 2028 – pour assurer une stabilité de ses investissements, il prévient qu’il pourrait allonger la durée d’amortissement de ses emprunts. Il s’agit aussi, toujours d’après ce BP, de « ne pas obérer les capacités » d’endettement pour financer les grands projets d’investissement de la mandature. Des grands projets qui se font toujours attendre.

Coup de  pouce à l’assemblée, pas au Cesec

Les autres charges obligatoires et structurelles ne font l’objet que de peu d’explications, tout simplement parce qu’elle ne font pas débat. Les communes devraient se partager en 2025 20,59 milliards de francs au titre du Fip – 23,6 en comptant le rattrapage de l’année précédente – un chiffre en augmentation mécanique de 743 millions en application du ratio de 17% des recettes fiscales redistribuées. L’Assemblée aura le droit à un coup de pouce de 42 millions de francs, par rapport à 2024, soit 1,7% de plus sur son budget qui atteint les 2,45 milliards. Un chiffre qui reste en dessous des 2,85% d’augmentation générale des dépenses. Quant au Cesec, il devra faire lui avec un budget constant : 98 millions de francs pour l’année.

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