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Deux siècles de bac, deux siècles de triche

© MAXPPP

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INTERVIEW E1 – Marie-Odile Mergnac, historienne et auteure d’une Histoire du baccalauréat, revient sur deux siècles de bac. Et autant de fraudes.

Créé en 1808, le baccalauréat est un monument culturel français. Au cours de ses deux siècles d’existence, ce diplôme a connu de nombreuses évolutions. Mais les dernières éditions de l’examen prouvent bien que malgré les efforts de l’administration, la fraude existe encore. De la substitution de candidat à la triche sur smartphone, retour sur plus de 200 ans de triche avec Marie-Odile Mergnac.

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A la création du bac, quelles étaient les fraudes les plus courantes ?

Au XIXème siècle, il n’existait pas de date unique d’examen pour toute la France. Chaque académie avait des sujets différents pour éviter les fuites, mais ce système laissait quand même l’occasion aux aspirants bacheliers de tenter plusieurs fois leur chance. Le seul contrôle exercé à ce niveau était très faible : les examinateurs demandaient simplement au candidat de déclarer sur l’honneur qu’il ne s’était pas présenté dans une autre académie. Donc c’était déjà un premier biais par lequel les jeunes gens augmentaient leurs chances de réussite.

Une autre forme de triche assez courante était le remplacement du candidat. En effet, le livret scolaire n’existait pas avant 1890 et il a fallu attendre 1926 avant qu’on y ajoute une photo. Avant cela, on se présentait simplement en déclarant : « je suis bien untel ». La seule preuve à donner était un double de la signature de l’élève validé par le maire de sa commune. Quelques jeunes gens cultivés s’étaient donc faits une profession de remplacer les plus fortunés qui pouvaient s’offrir leurs services.

Aujourd'hui, la triche est entrée dans l'ère numérique. © Maxppp

Aujourd’hui, la triche est entrée dans l’ère numérique. © Maxppp

Peut-on parler de fraude de masse à l’époque ?

Pas du tout ! On ne peut même pas parler d’enseignement secondaire de masse, puisque par exemple, en 1854, 107.000 personnes étaient inscrites au collège et au lycée. Sur ce public, seuls 4.600 candidats ont passé le bac. Le bac était très peu considéré au XIXème, bien qu’il soit déjà indispensable pour entrer à l’université. En effet, il n’était pas nécessaire pour accéder à de nombreuses filières hors faculté, du type Polytechnique, qui développaient leurs propres concours de recrutement. Donc il y avait très peu de prétendants au bac, et encore moins de fraudeurs. En général, ceux qui passaient le baccalauréat étaient les plus motivés à aller à l’université, et souvent les plus aptes. Mais attention, la triche existait bel et bien, une petite frange avait recours à la fraude de substitution aux personnes.

Un marché de la triche s’est-il formé grâce à l’absence de contrôle ?

C’est vrai qu’elle s’est structurée à partir de 1840. En effet, à cette époque, le bac acquiert sa forme moderne. Les candidats sont alors interrogés à l’oral sur une question tirée au sort parmi 500 autres, et des officines de révision se mettent en place pour aider les aspirants bacheliers à apprendre par cœur les réponses. C’est d’ailleurs là que le terme « bachotage » trouve son origine. Mais quand les enseignants de ces officines réalisaient que les réponses ne rentraient pas dans les têtes de leurs élèves, ils proposaient une solution alternative… Moyennant finances, ils envoyaient des candidats surentraînés décrocher le diplôme à leur place.

Comment l’administration a-t-elle lutté contre la fraude ?

Hormis la création du livret scolaire et l’apposition de la photo, l’administration a tout mis en œuvre pour distendre le lien qui pouvait unir correcteurs et candidats. Sous le Second Empire, les membres des jurys de bac se sont vus retirer le droit de donner des leçons particulières pendant l’année scolaire. L’anonymat des copies, instauré début XXème, a contribué encore à éviter le favoritisme. Auparavant, il n’était pas rare pour les correcteurs de recevoir des courriers de parents demandant la clémence pour leur progéniture. Mais malgré toutes ces mesures, la fraude demeure et demeurera pour des cas très particuliers. Une anecdote illustre bien cette vérité générale, c’est celle d’un jeune homme de l’académie de Poitiers dont le nom et le prénom sont très usuels. Alors qu’il a échoué au bac dans les années 30, il a réussi à s’inscrire en faculté de médecine. Et pour cause, il a utilisé la liste des bacheliers de l’année, liste sur laquelle figurait un homonyme. Ce jeune homme est finalement devenu médecin sans problème !

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Source : Europe1

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