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Frédéric Dock : « le pire est à venir » en matière d’inflation

Invité de la rédaction de Radio1, le président du Medef est revenu sur les annonces d’Édouard Fritch en matière de lutte contre l’inflation. Certaines, comme la création d’un « panier bloqué » de produits de base, « inquiète fortement » les chefs d’entreprises. D’autres, comme la création de primes « pouvoir d’achat » exonérées de charges, répondent à leurs attentes. Car le patron du Medef préfère prévenir : aligner tous les salaires sur l’inflation aurait un effet néfaste pour l’économie du fenua.

Voilà deux mois, le Medef avait sondé ses adhérents sur leur perception de l’avenir. Résultat : plus de 92% des chefs d’entreprises ne voyaient pas beaucoup de matière à l’optimisme pour leur activité dans les prochains mois et prochaines années. Un sentiment que confirme Frédéric Dock sur le plateau de Radio1 ce midi. Principal motif d’inquiétude : l’inflation. « Le pire est à venir » appuie le président de l’organisation patronale, qui rappelle que l’augmentation des prix pèse sur les possibilités d’investissement des entreprises, et plus globalement sur l’activité elle-même, avec des risques de récession qui commencent à poindre un peu partout dans le monde. « On les a vus en 2008 : les impacts mondiaux arrivent avec un certain décalage mais arrivent bien en Polynésie ».

Des primes, mais pas « d’augmentation mécanique » de tous les salaires

Cette inflation, mesurée à 7,2% sur un an en août au fenua, était justement au centre du discours du président du Pays, jeudi devant l’assemblée. Mais Édouard Fritch a visiblement soufflé le chaud et le froid sur le patronat. Le président a par exemple accédé à la demande du Medef d’autoriser la négociation de « primes pouvoir d’achat » exonérées de charges sociales. Des primes dont les modalités « ne sont pas encore complètement calées », note Frédéric Dock et qu’il faudra négocier dans les branches ou dans les entreprises. Mais Frédéric Dock est déjà convaincu de l’intérêt d’une telle mesure : proposer aux salariés un complément de revenu pour s’adapter à la hausse des prix, sans augmenter massivement les salaires, ce qui créerait une « inflation sous-jacente ». Car si les prix des matières premières ou des matériaux pourront, à terme, reculer, celle des salaires « on n’en sort plus jamais ». Leur alignement sur l’inflation pèserait « longuement » sur « les charges et la compétitivité des entreprises » du fenua.

Le directeur de Cegelec Polynésie précise tout de même que le Medef est « favorable » aux revalorisations de salaires minimum, telles que celle effectuée en mai par l’exécutif (et qui a été contestée par les syndicats car jugée trop timide par rapport au niveau de l’inflation). « Il faut que ce soit sur le bon montant, de la manière la plus juste possible, mais il faut protéger les plus fragiles, il n’est pas question de le remettre en cause, reprend Frédéric Dock. Par contre sur tout le reste de l’ensemble des salaires – la masse salariale en Polynésie c’est 225 milliards de francs – on ne pourra pas se permettre de faire une augmentation mécanique ». Une position qui promet des négociations animées avec les syndicats d’ici la fin de l’année. Patrick Galenon, invité de la rédaction la semaine dernière, estimait au contraire que le rattrapage de l’inflation devait se faire, de manière durable, dans les salaires. Le syndicaliste assurait vouloir aller « titiller » les entreprises qui ne sont « pas prêtes à redistribuer aux salariés ».

Le « panier bloqué » inquiète le patronat

Autre annonce d’Édouard Fritch beaucoup moins bien accueillie, celle de la création d’un « panier bloqué » composé de produits de base dont les prix seront gelés réglementairement. Un texte en ce sens doit être présenté rapidement par le gouvernement pour aller un peu plus loin dans la politique de contrôle des prix récemment réaménagée par le Pays. Mais cette « remise en cause du principe de liberté des prix »  inquiète « fortement » les entrepreneurs. Elle risque d’être au mieux inefficace, au pire néfaste, martèle le président du Medef. « Si on contrôle trop fortement les prix, les entreprises qui ne peuvent plus couvrir leurs charges sur les prix contrôlés vont essayer de les récupérer sur d’autres produits, qui vont beaucoup plus augmenter. Au final, l’inflation on va la retrouver exactement au même niveau, détaille Frédéric Dock. Pire, si jamais les produits qui sont soumis au contrôle ne permettent plus du tout d’importer et de vendre dans des conditions normales, il se peut très bien qu’on se retrouve face à des entreprises qui décident de ne plus les commercialiser ». Bref, à moyen terme et long terme, ce contrôle des prix ne « peut pas être une solution ».

Le gouvernement avait déjà suggéré que ces encadrements, de même que le renforcement des contrôles de terrain par les services du Pays, étaient aussi là pour éviter que des commerçants ne jouent sur l’inflation pour gonfler leurs profits. « Des jeux, il n’y en a pas cinquante, il y en a un, c’est la libre économie, c’est le jeu de la concurrence, et on a une autorité de la concurrence qui est là pour veiller que ça se déroule comme il faut », répond Frédéric Dock.

Énergie : « l’urgence est terminée, il faut s’inscrire dans la durée »

Les prix de l’énergie sont eux aussi en hausse et là encore, le gouvernement a multiplié les mesures pour tenter d’en gommer une partie des conséquences. Ainsi le prix de l’électricité est toujours en attente de réévaluation, et celui des carburants est resté pendant de long mois bien plus bas que ce que le marché exigeait. De l’argent public – 9 milliards de francs sur l’année pour le seul amortissement des prix à la pompe – bien investi ? « C’était une idée d’urgence. C’est comme le contrôle des prix, ça peut être fait rapidement, répond sobrement Frédéric Dock. Mais aujourd’hui ce qu’on dit c’est que l’urgence est terminée, il faut s’inscrire dans la durée ». Sa proposition, mise sur la table d’Yvonnick Raffin et du ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco : « profiter » de cette période de cette hausse des prix pour accompagner les entreprises vers la transition énergétique. Machines plus performantes, production propre en renouvelable… Le Medef aurait identifié 10 à 15% d’économies de consommation d’énergie possible dans les entreprises, « mais qui relèvent d’efforts financiers au-delà de leur capacités ». Des dispositifs de financement existent en métropole et dans le reste de l’Outre-mer, reste à les créer localement :

Alors que le dernier plan climat de la Polynésie n’a pas atteint ses objectifs – l’empreinte carbone du pays s’est plutôt renforcée – et qu’un autre est en préparation, un tel accompagnement accorderait les objectifs climatiques et économiques du fenua, précise Frédéric Dock. À l’entendre, les autorités doivent plus globalement placer l’investissement au cœur de leur réflexion. « Le plan de relance de 2020 a avancé beaucoup sur la partie sociale, mais pas beaucoup sur l’investissement », note-t-il. Transition énergétique, accès au très haut débit, dématérialisation de l’administration… « Ce sont des secteurs de développement pour lesquels on a pris un retard considérable ».

 

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