ACTUS LOCALES

La justice pénale sort le papier des procédures

Pour la première fois en Polynésie, ce mercredi matin, une procédure pénale numérique a été enregistrée et signée au commissariat, avant d’être transmises et classée au Palais de justice, le tout sans jamais être imprimée sur papier. Cette dématérialisation, si elle ne concerne pour l’instant que certaines procédures, devrait être généralisée d’ici 2025. Et doit permettre d’importants gains de temps, d’efficacité. Et surtout une meilleure traçabilité. 

Bientôt une justice sans papier ? On n’y est pas encore, mais un grand pas été franchi ce matin à Papeete. En quelques clics, un des officiers de police judiciaire du commissariat central de la DTPN, entouré pour l’occasion d’une nuée de magistrats, de techniciens et de responsables, a validé et envoyé la première procédure pénale « nativement numérique » de Polynésie.

Certes les forces de l’ordre, comme les agents du Palais de justice, utilisent les outils numériques et informatiques depuis bien longtemps. Mais le papier restait jusqu’à présent la norme dans la transmission des documents. En clair : on imprime des procès-verbaux, des formulaires et autres actes officiels pour les signer à la main, puis pour les déplacer physiquement, notamment entre le commissariat ou les brigades de gendarmerie et le palais de justice. La procédure envoyée ce matin, elle, ne sera « jamais inscrite sur papier ».

Saisie, signature, envoi et classement numérique 

« Elle a été constituée par les policiers numériquement, signée électroniquement et elle a rejoint le tribunal sous ce même format », précise Anne-Laure Sandretto, directrice du programme procédure pénale numérique au ministère de la Justice, et qui fait partie d’une délégation de sept personnes venues accompagner cette transition au fenua. L’envoi prend quelques minutes, le temps de passer par les serveurs nationaux, mais la procédure est ensuite « automatiquement classée dans le bon dossier », accessible depuis le Palais de justice tout proche. Fini le travail de « manutention » de la documentation, donc, fini le fastidieux travail de recherche et d’envoi pour communiquer les pièces aux différents acteurs de la procédure, que ce soit les victimes, les juges ou les avocats. Une petite révolution, donc, qui suit un effort de dématérialisation en cours depuis un peu plus de deux ans en métropole et déjà bien abouti dans d’autres territoires d’outre-mer… Au fenua, la numérisation ne concerne pour l’instant que certaines procédures. « Pour le moment on est sur des classements sans suite 11, 21, et 71. Ça veut dire absence d’infraction, infraction insuffisamment caractérisée et auteurs inconnus, reprend la responsable qui précise que ces classements concernent plus de 60% des procédures ouvertes au niveau national. Ce sont les premières filières que l’on ouvre et dans quelques mois on ouvrira des procédures avec des orientations pénales qui peuvent atterrir devant le tribunal, notamment les convocations par procès-verbal. »

Suivront les comparutions en reconnaissance préalable de culpabilité, la justice des mineurs, les déferrements – un autre « gros morceau » -, les mesures alternatives aux poursuites, l’application des peines… Objectif : dématérialiser toutes les procédures pénales en Polynésie d’ici fin 2025. « Je pense qu’on aura fini avant », confie Anne-Laure Sandretto.

Pas de perte de dossier, et du temps « débloqué »

L’intérêt de cette « procédure pénale numérique », programme lancé dès 2018 place Vendôme et qui faisait suite à plusieurs autres plans de numérisation de la justice, c’est d’abord un « gain de qualité de service » pour les usagers. « Quand les avocats recherchent par exemple un dossier qui a été classé, il fallait avant rechercher ce dossier à la main, dans une armoire ou un site d’archivage. Pour sortir une copie ça pouvait être long, explique la procureure de la République Solène Belaouar. Pour l’avocat ça ne change rien, il demande au même agent, au même greffier, mais ce dossier on le trouve dans un outil informatique par mot-clé, par numéro de procédure, et on le trouve immédiatement. »

La matérialisation a un avantage particulier dans le contexte polynésien, avec ses îles et ses brigades éloignées, vers et depuis lesquels les documents sont jusqu’à présent transmis par avion « avec des frais de fret hallucinants ». « On a tous vu certains procès être renvoyés parce que la procédure, arrivant de très loin, est soumise à certaines contraintes, note la procureure. Là elle est envoyée en temps réel, elle est complète, et c’est un original numérique, on a pas besoin d’autres papiers pour juger. »

Et en cas de panne informatique ou d’électricité ? « On sait qu’il peut y avoir des problèmes de réseau. On sait que parfois il peut y avoir aussi des difficultés météorologiques sur certains territoires, reprend Anne-Laure Sandretto. Le texte de loi est très bien organisé. Il permet de manière extrêmement fluide de passer du numérique au papier, du papier au numérique. Ce qui veut dire que si à un moment ponctuel de la procédure, il y a une panne réseau qui fait qu’on ne peut plus continuer en numérique, on prend en papier on réintègre par la suite dans le numérique. C’est complètement sécurisé aussi et encadré par la loi. »

La dématérialisation devrait surtout, à terme, raccourcir les procédures pénales. « On gagne du temps de transmission des procédures, du temps d’agent de greffe chez nous, assure Solène Belaouar. Le temps gagné à ne pas entrer des données ou numériser à la main, c’est du temps gagné pour faire autre chose, débloquer d’autres services, donc l’ensemble de la chaîne pénale et du tribunal va y gagner. »

Seule différence notable pour les justiciables : il faudra signer les procès-verbaux et autres documents, dans les services de police, de gendarmerie et bientôt, au tribunal, sur un pad numérique plutôt qu’avec un stylo.

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