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Le casse-tête de l’inéligibilité au fenua

Un ancien édile qui vote alors qu’il est privé de ses droits civiques, un maire dont la peine d’inéligibilité n’est pas appliquée… La spécificité du statut d’autonomie de la Polynésie française entraîne des situations administratives aussi complexes qu’inédites pour gérer la radiation des citoyens polynésiens privés du droit de vote. Explications.

La semaine dernière, Tahiti Infos révélait la situation truculente de l’ancien maire de Mahina, Emile Vernaudon, qui a pu voter au premier tour des élections territoriales malgré sa condamnation définitive à trois ans de privation des droits civiques en février dernier. C’est la mairie de Mahina qui s’est rendue compte que l’ancien élu n’avait pas été radié des listes électorales. Elle a donc notifié la décision à Emile Vernaudon entre les deux tours.

Une situation qui n’est pas sans rappeler celle du maire de Tumara’a, Cyril Tetuanui, condamné en 2012 à un an d’inéligibilité mais dont la peine avait été transmise trop tardivement pour être appliquée… Des situations qui s’expliquent principalement par la particularité et la complexité de la procédure de radiation des listes électorales en Polynésie à la suite d’une décision de justice.

Un circuit administratif spécifique à la Polynésie

En France métropolitaine, lorsqu’une juridiction prononce une peine qui entraîne une inéligibilité ou la radiation d’un citoyen des listes électorales, la décision est transmise au « casier judiciaire national » puis à l’Institut national de la statistique (Insee) qui procède à la radiation de l’intéressé sur les listes. En Polynésie, les articles 874 à 876 du code de procédure pénale prévoient une procédure spécifique. C’est le greffe du tribunal de première instance de Papeete qui gère le casier judiciaire. Le code prévoit ensuite « qu’il est adressé une copie de chaque fiche constatant une décision entraînant la privation des droits électoraux à l’autorité administrative compétente du territoire ».

L’ISPF et le haut-commissariat reçoivent les décisions

Les services du Pays, du haussariat et de la justice en Polynésie ont mis en place depuis quelques années une procédure spécifique au fenua. Lorsque la juridiction locale prononce une peine privative de droits civiques, ou qu’une telle décision est rendue définitive par la Cour de cassation, elle la transmet au casier judiciaire local qui adresse à la fois une fiche à l’Institut de la statistique (ISPF), gérée par le Pays, et une fiche à la direction de la réglementation, gérée par le haut-commissariat. D’un côté, l’ISPF transmet l’information aux communes pour procéder aux radiations et à la mise à jour des listes électorales. De l’autre, si la personne condamnée est un élu, le haussariat prend un arrêté prononçant sa démission d’office.

Les cas d’Emile Vernaudon et de Cyril Tetuanui

La procédure souffre néanmoins d’aléas liés à la durée de transmission des décisions entre les intermédiaires. Dans le cas d’Emile Vernaudon, la Cour de cassation a tardé à transmettre sa décision de février dernier, et le temps que la procédure complète arrive à son terme, l’ancien maire de Mahina a pu voter en avril au premier tour des territoriales.

Un cas de figure reste épineux -celui qu’a connu le maire de Tumara’a Cyril Tetuanui- lorsqu’un procès est « dépaysé » et que la décision d’inéligibilité est rendue par une autre juridiction que celle de la Polynésie française. En l’occurrence, c’est la cour d’appel de Paris qui avait condamné l’élu en 2012. Dans ce cas, la juridiction parisienne n’avait aucune connaissance de la procédure de transmission à la juridiction polynésienne. C’est donc à la juridiction polynésienne qu’il revient de suivre les procédures menées sous d’autres juridictions et d’obtenir d’éventuelles décisions d’inéligibilité concernant des électeurs polynésiens…

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