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Le musée national de Beyrouth exhume les trésors de son sous-sol

Beyrouth (AFP) – La plus grande collection de sarcophages anthropoïdes au monde, des stèles phéniciennes, des momies de chrétiens du Liban médiéval… Le musée national de Beyrouth dévoile d’exceptionnels vestiges jamais ou rarement exposés.

La collection de 520 pièces, toutes représentant l’art funéraire et datant du paléolithique jusqu’à l’époque ottomane, a été ouverte au public dans le sous-sol du musée.

Fermé durant la guerre civile du Liban (1975-1990), le musée, situé au cœur de Beyrouth sur l’ancienne ligne de démarcation, renoue avec son passé en présentant des vestiges que les Libanais n’ont plus revus depuis les années 70. 

« C’est une leçon de courage et d’espoir puisque 41 ans après la fermeture du musée en 1975, nous sommes aujourd’hui dans la possibilité de recevoir des visiteurs aux trois étages », explique à l’AFP la directrice du musée, Anne-Marie Maïla Afeiche. Seuls le rez-de-chaussée et le premier étage avaient été rouverts dans les années 90. 

Parmi ces vestiges d’une beauté saisissante, un fragment d’un sarcophage romain retrouvé à Beyrouth dépeint un épisode du mythe d’Icare. Le jeune homme y est représenté aux côtés de son père Dédale en train de lui fabriquer les funestes ailes.  

– ‘Patrimoine de l’Humanité’ –

Autre joyau, l’extraordinaire hypogée –tombe creusée dans le sol– découvert par hasard en 1937 par un paysan dans la région de Tyr (sud) et dont les fresques restaurées sont inspirées de la mythologie grecque — supplice de Tantale ou Priam implorant à genoux Achille de lui rendre le corps d’Hector. 

Pour Mme Afeiche, « il fallait absolument montrer au public ce patrimoine libanais et de l’Humanité qui reposait dans nos dépôts ».

Comme pour l’ensemble des vestiges exposés du musée, toute la collection du sous-sol est issue de fouilles menées au Liban. 

On débute avec une prémolaire de 70.000 ans avant l’ère chrétienne, appartenant à un premier exemple d’Homo sapiens qui a vécu sur le sol libanais, pour finir avec une stèle ottomane de 1830 ornée d’un turban. 

Parmi les objets phares, une série de sarcophages phéniciens (VIe-IVe siècles av. J.-C.) découverts dans la région méridionale de Saida, l’antique Sidon.

« On expose actuellement 31 de ces sarcophages », mélange de style égyptien et grec, affirme la directrice du musée.

C’est « la plus grande collection au monde de sarcophages anthropoïdes (à visage humain) », explique Mme Afeiche, précisant que d’autres, découverts également à Saïda, se trouvent au Louvre et au musée archéologique d’Istanbul.

– Momies de Qadicha –

Mais la véritable nouveauté, c’est l’exposition inédite de trois momies. 

Elles ont été trouvées en 1989 par des spéléologues dans la vallée sainte de Qadicha, classée au patrimoine mondial de l’Unesco et connue pour avoir été un refuge pour les maronites — principale communauté chrétienne au Liban– persécutés par les Mamelouks et les Byzantins. 

« Ils ont découvert une grotte dans laquelle se trouvaient huit corps naturellement momifiés » avec leurs vêtements de femmes et d’enfants, certains brodés en fil de soie du XIIIe siècle, restés intacts.

Ont été retrouvés à leurs côtés des restes de noisettes, des pelures d’oignons, de la céramique, des outils en bronze, mais surtout des manuscrits en arabe et syriaque.

« Ce sont des psaumes et des chants liturgiques, qui indiquent qu’il s’agissait de chrétiens réfugiés dans cette grotte », explique Mme Afeiche.

Le Liban n’ayant pas de tradition de momification, Marco Samadelli, directeur du centre EURAC à Bolzano en Italie, a offert son expertise pour la conservation de ces momies uniques.

C’est d’ailleurs grâce à une enveloppe de 1,02 million d’euros de l’Italie, et l’aide précieuse de ses experts, notamment l’archéologue Antonio Giannarusti, que le musée national a pu restaurer cette collection du sous-sol.

Les dépôts du musée regorgent d’objets encore non exposés, si bien que le ministère de la Culture entend créer un Musée sur l’histoire de Beyrouth, tandis que deux autres musées sont en cours de construction: l’un à Saïda pour exposer des fouilles du British Museum et un autre à Tyr.

– ‘Tombe en berceau’ –

Au sous-sol du musée, on découvre la progression des techniques d’inhumation comme la tombe « en berceau » au néolithique (VIe millénaire av.J.-C.) ou une jarre en guise de sépulture au chalcolithique (IVe millénaire av.J.-C.) retrouvée à Byblos.  

A l’époque phénicienne, l’incinération était également d’usage. Des urnes funéraires en témoignent.

De l’ère byzantine est exposée la façade d’une tombe ornée du visage de la Vierge Marie et datée de 440. « Nous pensons que c’est la plus ancienne représentation de la Vierge à ce jour découverte au Liban », indique Mme Afeiche.

L’hypogée de Tyr reste le plus imposant, avec ses fresques rappelant celles de Pompéi. Sur l’un de ses quatres murs est gravée cette inscription: « Sois courageux, nul n’est immortel ».

La tombe de Tyr et ses fresques restaurées exposées au sous-sol du musée national de Beyrouth, le 13 octobre 2016. © AFP

© AFP JOSEPH EID
La tombe de Tyr et ses fresques restaurées exposées au sous-sol du musée national de Beyrouth, le 13 octobre 2016

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