ACTUS LOCALES

Nucléaire : plus de demandes, pas plus d’indemnisations par le Civen

Avec 328 dossiers enregistrés en 2022, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) n’avait jamais reçu autant de demandes depuis 2010, année de sa création. Côté indemnisations, 1,8 milliard de francs ont été répartis entre les victimes ou ayants droit de victimes nouvellement reconnues, un chiffre cette fois en légère baisse.

328 dossiers déposés, dont 191 en tant que victime et 137 comme « ayants droit »… Le Civen, qui a publié en début de semaine son rapport d’activité annuel, a enregistré en 2022 près de 50% de dossiers de demande d’indemnisation supplémentaire par rapport à 2021. Comme le note son président Gilles Hermitte, seule l’année 2010, année de création du comité issu de la loi Morin, en a jusque là enregistré davantage. Parmi ces 328 nouvelles manifestations, dont près d’un quart proviennent de militaires, le Comité a dû se pencher sur un fort arrivage polynésien, avec 240 dossiers. Cela représente 73% de la pile reçue en 2022. Là encore, c’est un chiffre en hausse, puisqu’en 2021, « seulement » 53% des demandeurs étaient originaires du fenua. Les autres ont été envoyés de métropole (79 dossiers) et d’Algérie (9 demandes). Les pathologies présentées par les demandeurs sont diverses, avec une majorité de dossiers concernant des cancers du poumon, du sein ou du sang (leucémie).

1,8 milliard de francs répartis en 2022

Tous les demandes n’ont pas abouti : l’an passé 168 personnes ont obtenu la reconnaissance de leur qualité de victime des essais nucléaires, soit un taux d’acceptation de 53% parmi les dossiers étudiés. Gilles Hermitte pointe en introduction du rapport que 54 de ces dossiers sont en fait des réexamens par le comité après l’annulation, par le Conseil constitutionnel, de la rétroactivité de l’amendement Tetuanui : « si l’on ne prend en compte que les dossiers pour lesquels la présomption de causalité prévue par la loi est satisfaite, cette reconnaissance de la qualité de victime concerne 60 % des demandes et 50 % hors dossiers QPC ». Ce taux évoluait entre 47 et 49% les trois années précédentes.

Sur les seuls dossiers polynésiens, 46 nouveaux demandeurs ont obtenu une décision favorable l’an passé. Un chiffre auquel il faut ajouter les réexamens, demandés par la justice, ou faisant suit à la décision du Conseil constitutionnel : au total, 89 Polynésiens se sont vu proposés, après expertise, une indemnisation, de même que 83 métropolitains. « Pour la première fois, le nombre d’offres envoyées à des Polynésiens est supérieur à celles adressées à des métropolitains », note le rapport. Les indemnisations s’élèvent, au final, à plus de 14,8 millions d’euros sur l’année, soit 1,77 milliard de francs, répartis l’an passé entre les différentes victimes reconnues et leurs ayants droit. « Ces quelques éléments chiffrés, complétés par de nombreux autres contenus dans le rapport, illustrent parfaitement la volonté des membres du Comité de poursuivre le travail de juste réparation des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français » se félicite le président du Civen. Même si le total des indemnités versées est en légère baisse : elles cumulaient à 1,96 milliard de francs en 2021.

818 demandes en Polynésie depuis 2010

Depuis sa création en 2010, le Civen a reçu 2 282 demandes d’indemnisation, avec une large majorité d’hommes (79%), même si « la part des femmes augmente depuis 2017 », précise le Comité. La plupart des demandeurs sont d’anciens travailleurs au sein des centres d’expérimentations. En Polynésie, 818 personnes ont enregistré une demande sur les douze dernières années : 275 d’entre elles ont été acceptées directement, 32 autres l’ont été après décision de justice.

Le SDIRAF  demande à l’Etat « de réunir les partenaires autour d’une table »

Nul doute que ces nouveaux chiffres alimenteront le débat, toujours tendu sur l’indemnisation des victimes du nucléaire. Du côté, d’abord, des associations comme 193 et Moruroa e Tatou, très critiques à l’égard de l’action du Civen. Du côté, aussi, du gouvernement qui avait décrété, au lendemain de l’anniversaire du premier essai français en Polynésie, le 2 juillet, une minute de silence en commémoration des victimes du nucléaire. Dans la foulée, le Pays a décrété une autre commémoration, qui prendra une forme similaire le lundi 7 août, pour marquer l’anniversaire des deux bombardements atomiques ayant frappé le Japon, en août 1945. Mais à l’heure actuelle, seul le Sdiraf a commenté le rapport du Civen, et pour s’en féliciter. Le syndicat pour la défense des intérêts des retraités actuels et futurs, pas vraiment un acteur historique du dossier, mais qui a fait quelques incartades sur le sujet du nucléaire ces dernières années, a salué dans un communiqué des « bons résultats » du Civen. « En rappelant que tous les cancers en Polynésie ne sont pas des cancers dus à la bombe, le SDIRAF félicite le Civen pour le travail effectué, mais il convient aussi de féliciter la mission de suivi des essais nucléaires au haut-commissariat pour le travail fait, vite et bien. Mauruuru à tous ceux qui œuvrent pour l’intérêt de nos populations », écrit l’organisation toujours présidée par Émile Vernier qui invite l’État à « réunir les partenaires autour d’une table afin de faire le point, de comprendre, d’apaiser les tensions entre les uns et les autres ». Un rendez-vous qui rassemblerait le Pays, l’État, les communes et les associations, et qui, en le répétant annuellement permettrait « d’avoir les mêmes chiffres et la même interprétation de la situation des victimes ».

 

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