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Procurations : Philip Schyle conteste la victoire de Teura Iriti à Arue

Le maire sortant, battu dimanche soir d’une courte tête, affirme qu’au moins une centaine de procurations utilisées lors du second tour des municipales dimanche ont été récoltées, remplies et validées de façon frauduleuse. Pour la liste Tapura Philip Schyle, aucun doute : sans cette « triche », Teura Iriti, qui menait une liste mêlant entre autres des militants Tahoera’a et Tavini, ne l’aurait pas emporté. Ce sera à la justice de trancher.

Des félicitations, des accolades, des discours sur le « jeu de la démocratie »… Au soir du second tour des municipales, dimanche à Arue, on aurait pu croire à un passage de témoin sans fausse note entre le maire sortant, le Tapura Philip Schyle et sa successeur Teura Iriti, élue Tahoera’a mais dont la liste accueillait aussi des représentant du Tavini et de la liste Porionuu de Jacky Bryant. Trois jours plus tard, pourtant, le perdant du scrutin – par 79 voix d’écart – a changé de ton. « Parce qu’on m’a montré des preuves », insiste-t-il, précisant que certains de ses soutiens avaient alors des « suspicions » depuis plusieurs jours. « Des défaites électorales, j’en ai connu, et je ne suis pas du genre à contester les résultats, assure l’élu, qui porte l’écharpe à Arue depuis plus de 17 ans. Mais quand on constate une injustice si grande et si flagrante, il faut faire quelque chose ».

La « triche » dénoncée par le camp des noir et blanc porte en fait sur les procurations. D’après Philip Schyle, la commune d’Arue en a connu plus qu’à l’accoutumée : 369 mandats, dont 270 auraient été utilisés, détaille-t-il. De façon surprenante, une quantité importante de ces procurations ont été enregistrées auprès de la Direction de la sécurité publique (DSP). « Nous sommes en zone gendarmerie, et c’est logiquement à la gendarmerie que sont faites, d’habitude, la vaste majorité des procurations », continue le maire sortant. Or, lors de ce second tour, 145 mandats ont été transmis par la DSP.

Des procurations « en blanc«  et des policiers peu regardants

Plus surprenant encore, et toujours d’après les responsables de la liste perdante, un même agent aurait tamponné 104 de ces procurations, dont 45 le 16 juin, « toutes à la même heure » et 53 autres le 24 juin, là aussi « toutes à 14 heures ». Un deuxième officier de police judiciaire (OPJ) se serait chargé des autres mandats. « Plus que troublant », commente le maire sortant. Le camp Schyle affirme aujourd’hui détenir des « preuves » que ces procurations étaient destinées à la liste Arue ia Papa’oa de Teura Iriti : ils citent des liens familiaux entre un des deux agents de la DSP et un colistier de la candidate victorieuse, une part non négligeable de ces procurations faites au bénéfice de ces mêmes colistiers et par des personnes issues de la famille de ces derniers.

Les noir et blanc affirment même avoir récolté des témoignages d’habitants de Arue ayant été démarchés « à leur domicile et dans certains cas à leur travail » par des « rabatteurs » qui leur auraient proposé de remplir des procuration « à blanc », c’est à dire sans indiquer le nom du bénéficiaire. Des procurations qui auraient donc été remplies « un peu à la chaîne »« on reconnait la même écriture sur toutes les feuilles » affirment des soutiens de Philip Schyl – et enregistrées à la DSP plutôt qu’à la gendarmerie « pour des raisons que l’on saura par la suite, mais que l’on devine », comme l’explique Me Dominique Bourion.

« Le code électoral est clair : c’est une pratique illégale », pointe l’avocat, consulté dès le début de semaine par Philip Schyle, et qui va désormais mener la charge devant les tribunaux. « Pour faire une procuration il faut se présenter physiquement devant l’OPJ, remplir son formulaire et choisir librement la personne qui va bénéficier de la procuration », détaille-t-il. Fort des « preuves » prétendument accumulées par ses clients, il va ainsi déposer un recours au tribunal administratif pour contester les résultats du deuxième tour à Arue, mais aussi une plainte au pénal visant les agents de la DSP ayant validé ces procurations, de même que leurs bénéficiaires.

Vers un « troisième tour » ? Pas sûr. D’abord le tribunal administratif reçoit après chaque élections plusieurs dizaines de recours et n’en fait aboutir que très peu. Au premier tour, plus d’une centaine de recours avaient été déposés, une vingtaine audiencés, et tous avait été rejetés. Mais il s’agirait là d’une fraude « d’une ampleur et d’une gravité inédite », assure l’avocat, qui dit n’avoir pas trouvé, dans la jurisprudence nationale, d’affaires comparables. S’ils partageaient le constat des requérants, les juges auraient quoiqu’il arrive plusieurs options.

Un recours administratif, une plainte au pénal et une « enquête interne à la DSP »

Considérant « la difficulté d’organisation » d’un scrutin en ces temps de précautions sanitaires, Me Bourion demande en premier lieu que le tribunal « défalque » les procurations litigieuses du résultat. En clair, qu’il soustraie au score de Arue ia Papa’oa le nombre de procurations frauduleuse. Vu l’écart de voix le 28 juin, Terua Iriti perdrait finalement l’élection, et Philip Schyle resterait maire. Les juges peuvent aussi invalider le scrutin et ordonner l’organisation d’un nouveau second tour. Le maire sortant demanderait alors que sa rivale en soit exclue : « Si elle était au courant de ce fonctionnement sur les procurations, et on voit mal comment elle ne le serait pas, le juge a le pouvoir de déclarer une inéligibilité de deux ans », précise Me Bourion.

Après les accusations, place à la justice, donc. Tepuanui Snow, autre candidat perdant (avec 7,4% des voix le 28 juin) serait lui-même sur le point de former un recours pour des motifs comparables. Et Philip Schyle affirme qu’une enquête interne aurait été lancée à la DSP avant même le vote de samedi, ce que lui aurait confirmé son directeur Mario Banner, pour l’instant resté silencieux.

Teura Iriti « extrêmement surprise » par ces accusations

Teura Iriti elle, dit avoir découvert « en même temps que les médias » ces accusations. « Laissez-moi juste le temps de vérifier ces affirmations et je répondrai, explique-t-elle. Ce qui est sûr c’est que les habitants de Arue ont choisi le changement dimanche. Soyons bons perdants. » La chef de file de la liste victorieuse n’est pas encore maire : le conseil municipal doit se réunir ce vendredi pour procéder à l’élection. Avec 25 élus, pas de suspense pour la présidente du groupe Tahoera’a à l’assemblée. Les 5 élus de la liste Tapura Philip Schyle ont choisi de ne pas participer à la séance, « pour ne pas cautionner une triche« .

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