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Transfert du RCS : « On a l’impression qu’on ne va jamais y arriver »

Tribunal du commerce Papeete

©LR

D’abord prévu en 2023, au 1er janvier 2024, puis au 1er octobre, le transfert du Registre du commerce et des sociétés de l’État au Pays, a été officiellement reporté au 1er janvier 2025. Déjà long pour les entreprises qui souffrent de délais importants dans leurs démarches. Mais selon Kelly Asin Moux, président de la CCISM, sans la réglementation de la tarification, toujours inexistante, le Pays ne sera jamais prêt à cette date.

Le transfert de la tenue du registre du commerce et des sociétés (RCS) de l’État au Pays a de nouveau été repoussé. Prévu pour octobre 2024, ce sera finalement pour le 1er janvier 2025, selon un arrêté pris en conseil des ministres le 28 mars dernier. Une date déjà lointaine pour les entreprises qui souffrent depuis des années d’importants délais dans leur démarches d’immatriculation, de radiation, de délivrance de Kbis, de nantissement ou de modifications de statuts. L’attente est d’autant plus longue que le calendrier, reste des plus incertains, comme le regrette Kelly Asin Moux, président de la CCISM.

La préparation de ce transfert, accepté dans son principe dès 2021 par Paris, semble pourtant s’accélérer depuis 2023. En mars de cette année, l’assemblée a adopté la loi du Pays créant la profession réglementée de « teneur des registres du commerce et des sociétés », condition préalable au transfert. Puis l’État, l’autorité judiciaire et le Pays ont envisagé un transfert de la compétence, par un décret du garde des Sceaux, au 1er janvier 2024. Mais avant de lancer un appel à candidature pour la délégation de service public, il faut déterminer la tarification des actes. C’est là que les choses se compliquent. Car le greffe du tribunal du commerce s’occupe de deux grandes activités : la tenue du RCS et l’activité juridictionnelle, comprenant la rédaction des décisions des procédures collectives ou de contentieux général. Le Pays a choisi de faire appel à une charge de greffiers privés pour la tenue du RCS ce qui l’oblige à discuter avec le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.  « Ils acceptent de prendre la tenue du RCS, qu’à condition qu’ils aient également la partie judiciaire », précise Kelly Asin Moux, président de la CCISM. Si c’était le cas, un certain nombre d’actes gratuits aujourd’hui pourraient devenir payants pour rentabiliser la charge de greffiers et la rendre attractive.

« Il manque tout le modèle économique »

Du côté de l’État, un décret indique que le statut métropolitain s’appliquait en Polynésie pour réglementer l’activité judiciaire. Un « décret très light, très élagué » s’inquiète Kelly Asin Moux de la sécurité juridique d’un tel texte, sur lequel le Conseil d’État doit se prononcer dans les mois à venir. Mais surtout, il n’y a toujours rien concernant la réglementation tarifaire. « Le Pays a sorti sa loi du Pays pour venir réglementer le statut du teneur de registre, l’État dit ok calmez-vous c’est bon on a sorti le décret sauf que, quand on va dans le détail et quand on discute avec le conseil des greffiers du tribunal de commerce de métropole, ils disent ‘je ne viens pas moi avec ça, il me manque toute la partie tarifaire, ça ne me va pas moi, il me manque toute la partie étude du modèle économique’. »

Le président de la CCISM s’inquiète car les entrepreneurs n’ont aucune idée de la base tarifaire qui va être choisie. « Il faut donc réussir à convaincre un greffier de venir en Polynésie et de prendre la charge de teneur du registre du commerce et la charge judiciaire : on a besoin de rendre notre activité greffe du tribunal du commerce privé rentable pour ces gens-là. C’est une charge privée donc le modèle économique doit être rentable. » Aujourd’hui, c’est une tarification à l’acte qui rapporte au registre du commerce environ 14 millions de chiffre d’affaires. La tarification des actes judiciaires était jusque-là gratuite mais devra peut-être devenir payante ou/et il faudra augmenter les prix des actes du RCS. « Il faut discuter avec le territoire, la DGAE et les acteurs économiques… ces derniers vont sûrement voir d’un mauvais œil l’augmentation des tarifs. »

« La croix et la bannière »

Autant d’interrogations qui font que Kelly Asin Moux ne croit pas du tout à la date du 1er janvier 2025, assurant que le Pays est loin d’être prêt au niveau opérationnel. « On a l’impression qu’on ne va jamais y arriver. Quand vous discutez avec la partie territoire et la partie État, chacun pense que le décret va tout régler et on dit ‘non, le décret ne règle pas tout’, car si vous lancez un appel à candidature pour trouver un greffier pour venir en Polynésie, nous on sait que personne ne va venir. »

L’enjeu de ce transfert, lui n’a pas changé : régler des problèmes de délais qui pèsent sur l’activité économique. « Aujourd’hui c’est la croix et la bannière, pour obtenir un numéro RC lors d’une création de société, les délais sont passés à dix mois. Et pendant dix mois on fait quoi ? Ce n’est pas possible. Tout le monde se plaint de cette insécurité juridique et il est proposé d’indiquer dans les actes que l’entreprise est « en cours d’immatriculation » mais les établissements bancaires refusent car sans numéro RCS, votre société n’existe pas en tant que telle. »

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