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Quand des primodélinquants se lancent dans le trafic d’ice

Sept prévenus comparaissaient ce jeudi pour transport, offre, cession de stupéfiants et associations de malfaiteurs. Parmi ceux-ci, aucun délinquant chevronné. Certains ayant même un casier vierge. La justice a encore démontré qu’elle serait intransigeante en matière de trafic d’ice en condamnant lourdement les prévenus à des peines allant de un à 7 ans ferme.

Le 4 octobre dernier sur la base de renseignements, les forces de l’ordre mettaient fin à un trafic d’ice dont la justice estime à 400 grammes la quantité écoulée sur le marché entre janvier et octobre 2021. Près de 150 grammes d’ice ont été saisis, de même que 15 millions de francs en liquide et près de 5 millions de francs sur des comptes bancaires. Mais les autorités ont aussi saisi des armes. Un 38 spécial et un pistolet 22 LR ont été retrouvés au domicile de deux des trafiquants.

Si l’on pensait qu’après les affaires emblématiques Kikilove, Dubaquier et Sarah nui, les trafiquants seraient un peu plus prudents et renonceraient à se lancer dans ce business vu les peines encourues, on s’est fourvoyé.  Ils n’ont rien appris ou du moins s’estiment plus intelligents que les autres. Il faut dire que le prix du gramme a connu une flambée se négociant entre 300 et 600 000 fcfp ces derniers mois. De quoi faire naître des vocations chez certains qui n’affichent pas un CV de délinquants chevronnés.

Car de bande organisée, il n’en est rien. Juste une source d’approvisionnement, qui nie tout, et un acheteur principal qui redistribue la drogue à ses revendeurs pour la plupart consommateurs. Leur profil : un panel de la société polynésienne consommatrice d’ice. Des gars et des couples sans emploi ou alors au noir, un fils de, un auto-entrepreneur et une femme d’affaires. Tranche d’âge entre 33 et 55 ans.

« On prend l’argent des enfants et de l’aide sociale pour acheter la drogue »

Le premier à se présenter à la barre c’est Olivier T., 50 ans. À son casier, deux condamnations pour recel et stupéfiants. Il reconnaît les faits. En même temps, difficile de les nier vu que la perquisition à son domicile a mis à jour des sachets d’ice, 400 000 fcfp en liquide et une balance électronique. « Pourquoi avez-vous des stupéfiants chez vous ? », demande le juge. « C’est pour moi et ma compagne (elle aussi au nombre des prévenus) j’en achète deux fois par mois pour notre consommation. » « Avec quel argent ? Ni vous ni votre compagne ne travaillent », s’étonne le juge. « On prend l’argent des enfants et de l’aide sociale pour acheter la drogue ». Le couple a trois enfants.

Plutôt souriant et détendu, on dirait qu’il est là pour un défaut de permis de conduire, il explique qu’il revend de temps à autres, mais « en coupant l’ice avec du sel ». « Mais vos clients ils ne sont pas mécontents ? », « si, mais quand ils nous cherchent on se planque » explique-t-il, tout sourire. Sur sa relation avec Fabrice D., soupçonné d’être le n°2 du réseau, il avoue lui avoir vendu de l’ice pour le dépanner avant de travailler pour lui. Quant à sa compagne, Moeava T., elle reconnaît son implication, expliquant acheter et revendre et parfois livrer pour sa consommation personnelle. Des sept prévenus elle dit n’en connaître que deux. Fabrice D. et James F., le fils de.

 « Ce n’est pas bien, mais ce n’est pas moi qui force les gens à consommer cette drogue. »

Celui-ci âgé de 42 ans est loin de fanfaronner à la barre. Son dernier emploi remonte à 2018. Un emploi perdu à cause de son implication dans l’affaire Sarah Nui, dans laquelle il tenait un rôle secondaire. Il fournissait des cartes Sim aux trafiquants. C’est l’air ennuyé qu’il avoue consommer et vendre de l’ice pour le compte de Fabrice D. depuis janvier 2021. « Ce n’est pas bien, mais ce n’est pas moi qui force les gens à consommer cette drogue… on est tous plus ou moins victime » tente-t-il de se justifier maladroitement. Son casier ne compte qu’une condamnation pour stupéfiant.

« J’ai cru que j’allais surmonter mes problèmes »

Teiri M., 33 ans, lui, a un emploi. Il est artisan et fait des bijoux et sculptures qui lui rapportent entre 30 et 60 000 fcfp par mois. C’est le seul des prévenus que l’on sent dépassé par la tournure des événements. Croulant sous les dettes, il a mis le doigt dans un engrenage qui l’a happé totalement. S’il fumait quotidiennement du paka, c’est par hasard qu’il a goûté à l’ice pour la première fois, et « j’ai cru que j’allais surmonter mes problèmes ». Si au début il minimise les quantités d’ice passées entre ses mains, au fur et a mesure que le juge lit les écoutes des conversations téléphoniques entre lui et Fabrice D., il se liquéfie et avoue avoir vendu un peu plus qu’il ne l’a laissé entendre. Pour autant il estime « n’être qu’un consommateur » qui « a pris conscience des choses et qui compte bien éliminer tout ce qui est mauvaise influence ». À son casier aucune condamnation.

150 grammes d’ice, 12 millions en liquide, 30 000 dollars et un pistolet 38 spécial

On laisse les seconds couteaux pour s’intéresser à ceux considérés comme les boss. Parmi ceux-ci, Fabrice D., 44 ans. Chez lui ont été saisi 150 grammes d’ice, 12 millions en liquide, 30000 dollars et un pistolet 38 spécial. « Vous faites quoi avec tout cela ? » s’intéresse le juge, « je vends des stups » . Ce sera la seule réponse claire du prévenu qui se montrera évasif dans ses courtes déclarations qui semblent lui être soufflées par le plafond tant il y lèvera les yeux au cours de l’audition. « Pourquoi une arme ? », « pour me protéger. » Pas plus de mots que nécessaire. Il reconnaît du bout des lèvres avoir vendu à Teiri M., « qui a fini par vendre pour moi ». De son fournisseur que la justice soupçonne être Dorence M., Fabrice D. ne dira mot. Seul James F. fera une allusion à Dorence M. déclarant avoir accompagné Fabrice D. alors qu’il allait rencontrer Dorence dans le parking d’une grande surface.

Sa compagne, Poerava T., tranche avec le reste des prévenus. D’un milieu relativement aisé, c’est une ancienne cheffe d’entreprise, on sent par la façon qu’elle a de s’exprimer que c’est une femme de tête.  C’est suite a une séparation qu’elle s’est adonnée à l’ice et par ce biais qu’elle a rencontré Fabrice D. Si au début c’est du bout des lèvres qu’elle reconnaît avoir mis un peu la main à la pâte, au fil de l’audition on se rend compte qu’elle prenait une part active dans le business de son compagnon, du moins au niveau des encaissements et des relances pour les mauvais payeurs. Les affaires sont les affaires qu’elles soient légales ou pas. « La garde à vue m’a fait comprendre beaucoup de choses », assure-t-elle.

« J’ai rien à voir dans cette affaire. Je n’ai jamais vendu de stups à qui que ce soit »

Enfin c’est à Dorence M. de s’exprimer. Chez lui les forces de l’ordre mettront la main sur 2 400 000 francs. Ce n’est pas compliqué, il nie tout. Son numéro de téléphone trouvé dans les contacts de Fabrice D., où 75 coups de fils ont été échangés entre les deux, il ne se les explique pas. « Je ne le connais pas », « lui vous connait » rétorque le juge , « j’ai rien a voir dans cette affaire. Je n’ai jamais vendu de stups à qui que ce soit ». Pour son avocat, il ni y a aucune preuve probante contre son client. « il ne consomme pas de drogue il n’a aucune condamnation à son casier. » Quant aux voitures trouvées à son domicile, « c’est pour son commerce de véhicules d’occasion et il a tous les justificatifs. » il plaide la relaxe.

Après en avoir délibéré, la justice a condamné Fabrice D. à 6 ans de prison ferme avec maintien en détention, sa compagne Poerava T. à 3 ans dont 2 de sursis, Olivier T. à 5 ans avec maintien en détention, sa compagne Moeava T. à 5 ans dont 4 de sursis, James F. à 4 ans de prison ferme avec maintien en détention, Teiri M. à 4 ans de prison ferme avec maintien en détention et Dorence M. à 7 ans de prison ferme avec maintien en détention. À noter que tous ont été relaxés du chef d’accusation d’association de malfaiteurs.

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