ACTUS LOCALES

Raffarin sur la Chine : « La Polynésie ne doit pas chercher des querelles mais des coopérations »


L’ancien Premier ministre de Jacques Chirac a entamé une série de rencontres, ce matin, au port de Papeete. L’occasion de parler du développement du fenua, d’environnement, sujet sur lequel le Pays aurait, d’après lui, un intérêt stratégique à être « exemplaire ». L’occasion aussi de parler du rapport de la Polynésie à sa région et à la Chine, grande puissance avec qui l’ancien élu, pas complètement en phase avec Paris sur ce point, conseille d’échanger d’avantage. Non sans vigilance, mais avec pragmatisme.

Économie et éducation à Papeete, agriculture à Taravao, environnement et de tourisme à Bora… C’est une visite quasi-ministérielle qu’a débuté ce matin Jean-Pierre Raffarin, arrivé dimanche au fenua à l’invitation de la CCISM. Une visite « ancien-ministérielle, peut-être » s’amuse celui qui avait été à la tête du gouvernement français de 2002 à 2005, sous la présidence de Jacques Chirac. Aujourd’hui président de la fondation « Perspective et innovation » et de l’ONG « Leaders pour la Paix », fréquemment sollicité pour des conférences ou des débats sur le thème du développement ou de la géopolitique, ce « Monsieur d’expérience » qui « a roulé sa bosse dans l’action publique », comme il se qualifie lui-même, n’enchaîne pas les rencontres pour sa seule gouverne, il veut mettre les discussions qu’il tiendra cette semaine au profit de la Polynésie.

50 ans de vie publique

« Hélas, j’ai 50 ans de vie publique, 50 ans de développement, de président de région, de député européen, de ministre, de Premier ministre, je me suis battu pour des territoires, donc j’ai une bonne expérience de ce qu’est le développement, rappelle-t-il, et avec la chambre de commerce, je suis là un peu comme un catalyseur pour essayer de trouver un certain nombre de pistes et un certain nombre de perspectives qui peuvent soutenir la Polynésie française ». L’ancien élu, soutien d’Emmanuel Macron depuis 2019 insiste : son passage par les plus hautes fonctions du pays ne restreint pas sa liberté de parole et d’opinion, bien au contraire.

L’ancien sénateur observe, écoute questionne, mais au cours de ses échanges, il propose, aussi, rappelle, compare et, au final, conseille. Comme ce matin lors d’une visite du port autonome, d’abord par la mer, puis au travers d’une présentation du directeur de l’établissement, Jean-Paul Le Caill qui insiste sur les nombreux chantiers en cours et les importantes transformations que doit encore subir ce « cœur économique du pays ». « Je dois dire qu’à Paris, quand j’avais préparé le voyage, on ne m’avait pas parlé de ce pôle avec autant d’importance qu’il en a réellement », note Jean-Pierre Raffarin qui interroge, à chaque étape, ses interlocuteurs sur l’intégration de leurs projets dans des objectifs de développement durable.

Le fenua, « leader » sur l’environnement ?

Le développement de la Polynésie, et singulièrement de sa principale porte d’entrée, doivent coller à des objectifs ambitieux en matière de préservation de l’environnement, précise-t-il. Et pas seulement pour le bien de la planète : il s’agit là, à l’entendre, d’un intérêt stratégique du pays en matière de rayonnement international. « Moi, je crois qu’on est respecté quand on est exemplaire. Donc, il faut trouver les sujets sur lesquels la Polynésie est exemplaire. La nature vous a beaucoup gâté. La protection de la nature peut être peut- être un sujet aussi très important pour la Polynésie, développe-t-il. Au fond, il faut être leader dans quelque chose, pas forcément dans tous les domaines. Il ne faut pas chercher à être leader du PIB, à être leader de toutes les puissances, mais sur certains domaines, chercher à être leader, donner aux autres pour pouvoir recevoir ».

Le rayonnement, l’intégration régionale, la géopolitique du Pacifique… Autant de sujets sur lesquels Jean-Pierre Raffarin est très attendu, lors de ses rencontres, et lors de la conférence de la CCISM sur les enjeux économiques de l’IndoPacifique, dont il sera l’Invité d’honneur mardi. L’ancien premier ministre devrait aussi y parler de la place de la Polynésie dans sa région – « les Polynésiens doivent savoir que le monde les respecte » et ne doivent pas entretenir de « complexes d’infériorité » mais surtout des rapports à la Chine, un sujet qu’il connait pour être un des élus français ayant le plus fréquenté et échangé avec le géant de l’Est. Un temps très présent dans les médias chinois, médaillé par Xi Jinping lui-même, l’ancien sénateur a même régulièrement été critiqué pour son discours tendant à un rapprochement avec Pékin.

« Il va falloir traiter avec la Chine »

Ses vues, aujourd’hui, collent-elles avec celles de Gérald Darmanin, par exemple, qui mettait en garde les élus polynésiens, quelques jours avant l’arrivée de Jean-Pierre Raffarin, sur les intentions de certaines « grandes puissances asiatiques » ? « Je pense qu’il faut en effet être prudent sur le court terme, mais il faut construire à moyen et long terme. Et je pense que la force de la Polynésie dans son organisation politique, déjà depuis un certain temps, c’est que la Polynésie pense à moyen et long terme. Or, il faut penser avec tous les partenaires du territoire. C’est sûr qu’il y a l’Inde avec laquelle il faut penser, il y a l’Australie, évidemment, mais il y aura la Chine. Et au fond, la Polynésie n’est pas un pays qui doit chercher des querelles, elle doit chercher des coopérations. Vous savez, on ne réussit pas tout seul aujourd’hui dans ce monde ».

Vigilance mais ouverture vis-à-vis de Pékin. Le discours, bien que policé, s’écarte sensiblement de la ligne de l’État, dont les responsables parlent de la Chine, en tout cas au fenua, presque uniquement comme d’une menace ou d’un rival. Jean-Pierre Raffarin, lui, renvoie dos à dos les Américains et les Chinois, qui « défendent toujours leurs intérêts » et appelle à un regain de pragmatisme sur la question, et a exploré les relations avec Pékin quitte à établir un rapport de force. « Je crois que le vieil Occident a ses vieillissements, ses raideurs, ses rhumatismes, et on voit bien qu’ aujourd’hui, l’énergie est en Orient, précise-t-il. Il va falloir traiter avec la Chine. La Chine défend ses intérêts, elle peut être prédatrice, elle peut poser des problèmes, mais de toute façon, comme disait Jacques Chirac, ‘ils sont aussi intelligents que nous, ils travaillent deux fois plus, ils sont un milliard quatre, donc ils sont là pour un moment. Il faut essayer de comprendre ce qu’ils peuvent développer et comprendre comment on a des intérêts communs avec eux' ».

Jean-Pierre Raffarin, après un saut à la Presqu’île pour rencontrer notamment des agriculteurs, visitera la zone industrielle de Punaruu cet après-midi, puis l’aéroport de Tahiti-Faa’a. Ce mardi, il ira à la rencontre d’étudiants de la CCISM – la jeunesse étant une autre thématique importante de son voyage –  avant sa conférence à la CCISM, accessible uniquement sur invitation, et un départ mercredi vers Bora Bora.

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