ACTUS LOCALESJUSTICE

« Tous les prévenus sont (…) à l’origine du plongeon de cet avion dans l’océan » Me Rosenthal

© Grégory Boissy

Vendredi la plaidoirie de la partie civile a suivi les derniers témoignages. Pour Mes Jacquet et Rosenthal il n’y a pas de doute, le crash du 9 aout 2007 est de la responsabilité d’Air Moorea  qui a manqué à ses devoirs de sécurité. « Vous n’avez que des théories, des extrapolations à opposer à la vérité ». « Tous les prévenus sont (…) à l’origine du plongeon de cet avion dans l’océan », et la partie civile d’ajouter « La démarche de la défense est toujours celle du refus de la responsabilité, on n’assume pas ».

Après les témoignages des familles des victimes du crash d’Air Moorea, les parties civiles ont ensuite plaidé. Et c’est Me Jacquet qui a débuté, il a tenu tout d’abord à rendre hommage à ces dernières : « Que peuvent valoir mes paroles, au regard de ce que nous avons entendu de la part des familles des victimes, puisque moi je suis dans mon rôle et eux sont dans leur vie  ?»

« Vous êtes condamnés à vivre avec vos cauchemars, avec vos vies brisées » – Me Jacquet

Ces familles lui ont donné une leçon de dignité, d’humanité, de courage, a déclaré l’avocat.  « Dignité car je n’ai jamais entendu dans vos propos ni haine, ni volonté de vengeance, vous êtes animés par un seul but, la reconnaissance de la vérité. Du courage, oui il en a fallu du courage, et vous en avez fait preuve pour surmonter l’incompréhension de l’annonce du crash, l’attente interminable de savoir ce qui s’est passé, s’il y a des survivants, supporter des recherches pour retrouver des corps déchiquetés, brisés de vos proches, et pour certains rien. La reconnaissance de ces corps s’est effectuée quelquefois par une simple alliance (…). Ensuite il a fallu contacter vos familles pour leur annoncer cette terrible perte. (…). Supporter l’enterrement avec pour certains d’entre vous des cercueils vides, personne à qui on peut donner un dernier baiser, une dernière bénédiction. Vous êtes pour certains restés sans corps, que des souvenirs. Je salue votre courage pour supporter chaque jours l’absence d’un père, d’une mère, d’une fille. Il n’y a pas un instant que vous ne penserez pas à ceux qui ne sont plus là, pas un seul jour sans ce vide, vous êtes condamnés à vivre avec vos cauchemars, avec vos vies brisées. (…). Des vies brisées comme celle de Manoa Fourreau et de sa petite sœur (…). C’est un témoignage qui m’a particulièrement marqué et qui a marqué tout le monde. Je le connais, il a 18 ans et il a l’âge de ma fille et je n’ai pu m’empêcher de transposer la situation (…). Je l’ai vu chez moi s’installer au piano et j’ai vu glisser sous ses doigts une mélodie mélancolique, triste. On voit qu’il y a quelque chose qui s’est éteint (…). Je salue votre courage à tous, il n’y a rien ne plus terrible que de perdre un enfant et je salue le courage de ceux qui sont restés et qui essaient de combler l’absence de leur partenaire auprès de leurs enfants. J’ai de l’admiration, vous faites preuve d’une force dont je ne serais pas capable (…). Vous avez faire preuve d’humanité, j’ai rencontré des personnes aimantes, soudées, solidaires. Des personnes qui ont tiré de leur peine commune un lien d’amitié bien plus résistant que n’importe quel câble, que rien n’a pu rompre pas même les tentatives pitoyables d’implication du pilote. Du côté de la défense vous faites bloc derrière votre armée d’avocats. Sachez que les victimes font elles aussi bloc. Malgré les débats pseudo techniques, les autosatisfactions passagères, vos échanges de sms (…). Il y a un drame qui a coûté la vie à 20 personnes. Vraiment quel contraste entre votre attitude et la leur (…).

 « Freddy Chanseau a dit ‘on a amélioré la maintenance’, c’est un demi aveu » – Me Jacquet 

 «Certes vous avez exprimé de la compassion et c’est le minimum et c’est parce que la présidente vous y a invités (…). Mais que vaut cette compassion exprimée au regard de votre préoccupation pudique de sauver votre peau (…) ? Et vous osez prétendre que vous êtes venus pour la recherche de la vérité alors oui,  je comprends la colère des familles (…). Je suis ulcéré par les manœuvres, déjà par la longueur de l’instruction, 12 longues années, par le défilé de vos témoins qui n’en sont pas (…). Nous avons eu des tentatives de contre expertises à l’audience et un pseudo contradictoire (…). Et ces témoins que vous avez fait défiler, où étaient-ils lors de l’instruction, cela aurait nécessité une contre-expertise peut-être, qui a d’ailleurs été annulée. Vous êtes là pour travestir une vérité qui vous dérange. (…). Vos témoins voudraient se faire passer pour des experts, ils ont travaillé sur des rapports qu’ils ont triés, pour insuffler le doute, pour convaincre la cour que finalement on ne sait pas ce qui s’est passé et donc vous ne pouvez pas nous condamner. Soyez cohérents, lorsque vous décidez de faire voler vos avions vous avez la certitude qu’ils volent et aujourd’hui vous osez nous dire que ce n’est pas le câble, et ne savez toujours pas pourquoi vos avions tombent. Chanseau a dit ‘on a amélioré la maintenance’ c’est un demi aveu.  

« Vous n’avez que des théories, des extrapolations à opposer à la vérité » – Me Jacquet

Soyez cohérents, vous n’avez que des théories, des extrapolations à opposer à la vérité, vous n’avez que des stratégies de défense et je mesure mes mots, j’ai entendu lors des débats un florilège d’inepties ». Me Jacquet a ensuite rappelé les éléments objectifs au niveau de la maintenance qui font état des manques. « Le câble n’est pas dans la bonne section, il n’a fait aucune adaptation, donc on constate qu’il y a une lacune, des négligences et c’est de la responsabilité de tous les prévenus, les responsable d’Air Moorea jusqu’au directeur général qui est en haut de la hiérarchie, le GSAC, il lui appartient de vérifier la concordance entre le manuel d’exploitation et le manuel constructeur et enfin de l’Aviation civile avec la délégation de signature (…). Comment vous pouvez constater des aberrations si vous ne regardez pas le manuel d’exploitation et le manuel constructeur (…) ? Si cela n’est pas une aberration qu’est-ce que c’est ? (…). Ces aberrations nous ont sauté aux yeux, aux yeux de la cour et du tribunal, oui il y en avait des négligences ». Concernant le câble, Me Jacquet affirme qu’il y a eu un « excès de confiance et une certaine inconscience ». Il rappelle que l’avion n’était pas en état de navigabilité, « personne ne devait monter dedans en aucun cas cet avion n’aurait dû décoller et vous en avez décidé autrement, vous en êtes responsable ».

« Nous pouvons éliminer l’erreur de pilotage et le malaise du pilote »

« Tous s’accordent à dire que le crash a bien eu lieu à cause du la rupture du câble en vol (…). Pour le pilote, la défense a envisagé une cause médicale ou une erreur de pilotage. Pour ce qui est de la cause médicale elle ne vaut pas grand-chose. Elle s’appuie sur des probabilités probabilistiques, donc a écarter car toute probabilité quelle qu’elle soit n’est qu’une probabilité car en face on a des professionnels. Pour l’erreur de pilotage je cherche dans les éléments du dossier qu’est-ce qui pourrait être utilisé comme fondement d’une telle hypothèse. Il n’y en a aucune. Le pilote a réagi avec un temps normal de quelqu’un de surpris et a eu des actions adaptées. Il a actionné la pompe hydraulique pour l’ouverture volets dans le temps imparti et a remis les gaz, on entend l’augmentation du régime des moteurs. Et en définitive tout cela est parfaitement cohérent, nous pouvons éliminer l’erreur de pilotage et le malaise du pilote. Nous avons un problème qui survient en vol, nous avons un pilote toujours présent en vol, nous avons un câble usé, un avion qui n’aurait pas dû voler, nous avons tous les éléments du puzzle et on les prend tous ensemble, pas isolement. En fait il n’y a aucune proposition cohérente à nous proposer à part des extrapolations, ou des pseudo analyses (…). Messieurs les prévenus je vais vous demander de penser à l’être qui vous est le plus cher, à tout ce qu’il représente pour vous et maintenant vous prenez son visage et vous le collez sur le tableau des visages des victimes, réfléchissez et dites-moi si j’ai tort ».

« La démarche de la défense est toujours celle du refus de la responsabilité, on n’assume pas »  – Me Rosenthal

Me Rosenthal assure que c’est un « honneur » de plaider pour plusieurs familles. Il a rendu hommage aux parties civiles car dans ces dossiers « nous avons toujours cette incompréhension de la part des familles qui pleurent leurs morts et se posent la question du pourquoi (…). La démarche de la défense est toujours celle du refus de la responsabilité, on n’assume pas, on essaie toujours de créer un doute. Il y a ceux qui le font bien et ceux dont la stratégie est différente et qui le font mal ». Il rappelle que le crash d’Air Moorea est le « premier gros accident collectif en Polynésie et cette procédure est aussi suivie en France (…). Tous ces avis de pseudo professionnels à la Mary Poppins, c est inacceptable ».

Il rappelle aussi qu’en matière de transport aérien « une exigence de sécurité absolue est requise, c’est le principe et la norme qui ont été délibérément ignorés par les prévenus ». Me Rosenthal affirme qu’Air Moorea a fait preuve « d’une hostilité à toutes les règles de sécurité et d’une indifférence totale a sa sécurité (…)  susceptible de mettre en péril la vie humaine ».

« Tous les prévenus sont (…) a l’origine du plongeon de cet avion dans l’océan » Me Rosenthal

L’avocat de la partie civile Me Rosenthal a assuré que « L’avion n’était pas navigable et que les prévenus ont donc condamnés leurs passagers et clients à périr (…) Le raisonnement de rigueur et la réactivité de tous les prévenus, par leur bloc d’inertie de leur exercice sont à l’origine du plongeon de cet avion dans l’océan ». Il rappelle qu’aux trois niveaux de sécurité « il y a eu des carences totales et c’est ce qui a provoqué le crash et le résultat d’un processus mortel (…). Ces carences sont établies factuellement ». Le câble est au centre de ce débat : « il aurait dû être changé dès son arrivée à Tahiti. Il aurait dû être changé le 26 juin 2007 soit cinq semaines avant le crash ». Il a ensuite affirmé que le rapport du BEA et les rapports d’expertise concluent que le câble a rompu en vol, et ce à l’inverse des rapports de la défense « au service de la thèse des prévenus qui n’avaient pas l’envie de la recherche de la vérité mais seulement de défendre l’image de la société (…). Cette mission est d’emblée critiquable car elle instille le doute. Leur mission était encadrée pour plaider le lien de rupture de ce lien de causalité. Sauf que cette rupture on pourrait l’envisager sur le câble neuf et un atelier propre (…). Ces experts ne savent pas qu’un pilote a la priorité de régler un problème technique et pas de commenter, ils ne savent pas distinguer entre juron de surprise et de lâcher prise (…). La défense ne propose rien de sérieux (…). La rupture du câble n’aurait pas eu lieu si le programme d’entretien avait été effectué et tout cela aurait dû sauter aux yeux de Loisel, du Groupement pour la sécurité de l’Aviation civile (GSAC) et  du Service d État de l’Aviation civile (SEAC) (…). On a privilégié l’aspect financier à la sécurité « .

L’audience reprendra lundi avec les réquisitions de l’avocate générale, puis des plaidoiries des avocats de la défense.

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