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Trois ans avec sursis pour « un dinosaure de l’ère du CEP »

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Teari « Coco » Taputuarai comparaissait ce mardi pour faux et usage de faux. Ayant obtenu le marché de la phase 1 des travaux de la ferme aquacole de Hao, avec sa société Coco Group Engineering, il a soumis à TNAD, en vue de l’obtention des permis de construire, des plans apposés du cartouche d’un architecte qui ne travaillait plus pour lui. Des faux.

 Teari Taputuarai a 75 ans, dont 50 ans dans le bâtiment et des méthodes dignes « d’un dinosaure du CEP » selon le procureur Danielsson, pour gérer ses entreprises. Conseiller, technicien, gérant, difficile de lui donner un titre, d’ailleurs même lui à la barre ne sait pas trop comment se définir lorqu’on lui demande son métier.

Quoiqu’il en soit, Teari Taputuarai dit « Coco » avait réussi à décrocher le marché de la phase 1 du projet aquacole de Hao, marché qui consistait à faire les études de projet, jusqu’à la délivrance des permis de construire. Un marché de 100 millions de Fcfp, dont 50 versés immédiatement par Tahiti Nui Ocean Food (TNOF). Teari Taputuarai avait aussi réclamé des sommes supplémentaires au titre de frais pour un montant de 76 millions de Fcfp.

Les travaux de Hao retardés de trois ans

Pour cela il avait créé une société, la « Coco Group Engineering », et contre laquelle une action en justice est en cours, initiée par TNOF. Coco Group Engineering a depuis été placée en liquidation judiciaire, et a lancé de son côté une procédure contre TNOF qui a passé un nouveau contrat avec une société concurrente.

Ces faux et usages de faux commis par Coco Taputuarai selon l’avocat de TNOF Me Jourdainne, ont retardé de trois années les travaux de la ferme aquacole de Hao. Pour lui, TNOF « a été floué par Coco Group Engineering ».

La phase 1 consistait donc à faire des études de faisabilité, monter le projet et faire valider les plans par TNAD. Dans un premier temps, Coco Group Engineering a fait appel à un architecte pour superviser les plans et y apposer son cartouche, ce qui est obligatoire pour des travaux portant sur près de 101 000 m2.

Seize des 50 plans supervisés par l’architecte sont revenus sans le visa de TNAD car non conformes aux normes polynésiennes. Mais l’architecte, qui n’est plus payé, refuse de corriger les plans et quitte le navire. Qu’à cela ne tienne, Teari Taputuarai fait faire les modifications par deux de ses dessinateurs, et renvoie les plans avec, toujours apposé dessus, le cartouche de l’architecte qui ne travaillait plus pour lui. Des faux qui ont perduré entre avril et septembre 2016. C’est ce qui lui était reproché et ce pourquoi l’architecte a porté plainte.

 « Hao, c’était un dossier énorme. »

L’homme qui se vante des nombreuses réalisations auxquelles il a participé – Aorai Tini Hau, la CPS, l’immeuble de l’IEOM, le CHPF et de nombreux lotissements – avance pour sa défense que « Hao, c’était un dossier énorme, je ne pense avoir transmis frauduleusement les plans (…) » Quant à l’architecte, « il n’était interessé que par l’argent, il n’avait qu’à apposer sa signature sur les plans que mes dessinateurs faisaient. » Il assure que « cette plainte est une manœuvre pour me décrédibiliser et rafler les marchés. »

Interrogé sur son rôle exact au sein de ses diverses sociétés, il se définira comme quelqu’un « qui donne des conseils ». « Donc votre métier c’est de donner des conseils à des investisseurs et cela vous rapporte combien ? » « Des conseils, ça ne rapporte rien ». « Alors c’est quoi votre métier ? Ce n’est pas compliqué comme question ». « Je suis à la retraite et je gagne 130 000 Fcfp par mois. »

« Un dinosaure de l’ère du CEP »

Les débats ont aussi porté sur ses sociétés, des histoires de banqueroute, de malversations et de méthodes relativement opaques, pour cerner le personnage qu’est Teari Taputuarai et pour démontrer sa maîtrise de l’art de l’enfumage.

« Un dinosaure de l’ère du CEP » dira de lui le procureur Danielsson, allant jusqu’à le comparer à un puhi (anguille) « car il ne répond pas aux questions ». Pour lui, c’est un homme « venu du passé où l’on se permettait tout et n’importe quoi (…) Je suis sidéré de voir la survivance de cette époque, et l’incompétence et l’arrogance de ce monsieur. » Assénant « j’espère que le ministère public va s’intéresser à cette affaire de Coco Group Engineering. », il réclame trois mois de prison avec sursis, deux millions d’amende assortis d’une interdiction définitive d’exercer. « Le CEP, c’est terminé. »

« Mon client n’est qu’un bricoleur »

Pour la défense, Me Des Arcis a plaidé l’incompétence de son client. « Mon client n’est qu’un bricoleur, ce sont les fruits d’une époque, le CEP. Il n’a pas été malhonnête, mais incompétent. Il est poursuivi pour faux et usage de faux, il ne conteste pas les faits. Il est poursuivi pour cela uniquement. Il n’y a pas eu de préjudice et de véritables intentions frauduleuses. Je demande la relaxe. »

Après en avoir délibéré, le tribunal a été largement au-delà des réquisitions et l’a condamné à trois ans de prison avec sursis, 5 millions d’amende avec interdiction définitive d’exercer et de soumissionner à des marchés publics. En outre le tribunal reçoit la constitution des parties civiles et le condamne à rembourser les 50 millions Fcfp qu’il avait perçus de Tahiti Nui Ocean Food. Quant à la société Coco Group Engineering, elle a été condamnée à 5 millions d’amende et à sa dissolution.

Teari « Coco » Taputuarai a 10 jours pour faire appel.

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1 Commentaire

  1. Iritahua
    26 février 2020 à 5h49 — Répondre

    Cet entrepreneur avait travaillé longtemps pour la vache laitière le Territoire. A force d’y en faire et Vlam.

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