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Aires marines protégées : la Polynésie appelle à ne « pas se tromper de combat »

Un séminaire international sur l’économie bleue, organisé par le Conseil de coopération économique du Pacifique, s’est ouvert ce matin à l’UPF. L’occasion de « faire le point sur les mesures qui marchent et ne marchent pas » en matière de gestion des ressources de la mer. L’occasion aussi pour le Pays, « fiu » d’être pris à partie sur la création de grandes aires marines, de promouvoir le « modèle polynésien ».

Après le Blue Climate Summit sur le Paul Gauguin, c’est l’UPF qui prend le relais de la réflexion sur l’avenir des océans, depuis ce lundi matin. Deux jours de séminaire sur l’économie bleue et la gestion des ressources naturelles organisés par le Conseil de coopération économique du Pacifique (PECC), et notamment son comité France – Pacifique*. « Nous ne sommes pas un organe décisionnaire, mais plus un think tank qui prodigue des conseils et des analyses aux décideurs », explique le professeur de l’UPF Vincent Dropsy, en charge de l’organisation. Autour de la table et en visioconférence, des représentants du monde des affaires, et notamment du cluster maritime polynésien, des universitaires, français ou étrangers, et surtout des décideurs locaux, nationaux ou régionaux.

La gestion des ressources pour traverser les « orages »

Pour présider les débats, Pascal Lamy, qui a voulu dès l’introduction inscrire ce séminaire dans un contexte international tendu. Après la crise sanitaire, les crises diplomatiques et économiques, c’est « une crise alimentaire mondiale » qui guette avec « malheureusement des risques de famines importantes », explique l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du Commerce. Pour l’ex-commissaire européen la question « transverse » de tous ces « orages », c’est celle « du climat, de l’environnement, et plus généralement de l’équilibre entre développement économique et la protection de la nature ». L’idée du séminaire est donc « de faire un tour d’horizon global des politiques » mises en œuvre en matière de gestion des ressources et d’analyser « ce qui marche et ce qui échoue » en la matière. Que l’on parle de tourisme océanique, de gestion des ressources halieutiques, de transition énergétique ou de protection des espaces maritimes, explique-t-il.

Édouard Fritch était lui aussi présent ce matin pour ouvrir les débats au fare pote’e de la présidence de l’université. Dans son discours introductif, le président a retracé, de l’arrêt de la vente de licences de pêche aux armements étrangers, en 1996, à la certification MSC de 2018, les grands moments de la politique de gestion de la ressource halieutique au fenua. Et interpelle sur une « contradiction » : « on nous demande régulièrement de transformer notre aire marine gérée en aire marine protégée, de classer notre ZEE en zone dite « no take » afin de contribuer plus efficacement à la protection de l’environnement, explique le président. Or, et dans le contexte actuel de crises mondialisées, mettre sous cloche la ZEE polynésienne, interdire l’utilisation de ses ressources, restreindre les activités et bannir les usages, reviendrait à exclure les Polynésiens de leur univers ».

« C’est facile d’interdire la pêche là où il n’y a que des pingouins »

Le séminaire, comme les autres rendez-vous internationaux sur la mer ou l’environnement, a donc un double objectif, complète Heremoana Maamaatuaiahutapu : « On souhaite entendre ce que peuvent nous dire les universitaires, les usagers de l’océan, mais on veut aussi faire entendre la voix de la Polynésie », insiste le ministre. Et promouvoir son « modèle » : la régulation des techniques de pêche – interdiction des filets partout depuis plusieurs années, et bientôt interdiction de la pêche industrielle mais pas des bonitiers dans les zones en « Rahui nui » – plutôt que la création de réserves intégrales, mise en avant par de nombreuses ONG au niveau international. « Comme l’a dit Édouard Fritch à Brest, c’est facile d’interdire la pêche là où il n’y a que des pingouins. Nous sur nos îles, il y a des gens qui vivent », reprend le ministre de l’Environnement, « un peu fiu » que le fenua soit « considéré par certain comme un mauvais élève et par d’autres comme un très bon ». D’où cet appel à ne pas « se tromper de combat » et à plutôt lutter contre la pêche à la senne dans les eaux internationales, la multiplication des DCP dérivants, et contre la pêche illégale, qui représenterait 300 000 tonnes de poissons par an dans le Pacifique… Contre 6 000 tonnes de prises légales pour les navires polynésiens. 

À noter aussi que ce séminaire de deux jours sera l’occasion de parler de la mission Starfish : 120 milliards de francs vont être investis d’ici 2030 pour mieux gérer et protéger les eaux européennes. Et d’après Pascal lamy, qui préside aussi cette mission, l’outre-mer français pourrait en bénéficier.

* Le Comité France-Territoires du Pacifique pour la coopération économique en Asie-Pacifique (FPTPEC), présidé par Pascal Lamy, est la division française du PECC, organisation non gouvernementale fondée en 1980 pour faire dialoguer le monde des affaires, de la société civile, des institutions académiques et des gouvernements sur le développement de la région.

Pascal Lamy, est un ancien commissaire européen au commerce (1999-2004), ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC, 2005-2013), et actuel président du Forum de Paris sur la paix (FPP), de la branche Europe du Groupe Brunswick et coordonnateur des Instituts Jacques Delors, et plus récemment président de la mission européenne Starfish.

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