ACTUS LOCALESJUSTICE

Assises : la thèse du bébé secoué confirmée

La deuxième journée du procès d’assises des parents accusés de maltraitances ayant entraîné la mort de leur enfant a permis d’apporter des réponses sur la cause directe de son décès. En revanche,  concernant l’auteur des gestes fatidiques, on reste dans le flou le plus total. Et pour cause, les accusés, entre leur garde à vue et leur audition de ce jour, ont changé plusieurs fois de version.

Cette deuxième journée a débuté par l’audition en visioconférence d’une anatomopathologiste, une spécialiste de l’étude des tissus et des cellules. La justice fait appel à cette spécialiste pour confirmer ou rectifier un diagnostic et comprendre les raisons d’un décès suspect. Grâce à l’anatomopathologie, on peut retrouver des traces antérieures de lésions, pas forcément détectables par le légiste.

La spécialiste indique avoir relevé de nombreuses traces de foyers hémorragiques datant de moins de 48 heures avant le décès du nourrisson. D’autres traces plus anciennes ont été aussi découvertes. Au niveau de la boite crânienne, si aucun traumatisme n’a été relevé, des traces d’hématomes – saignements intracrâniens – ont été observés. L’un remontant à une semaine avant le décès, et l’autre à moins de 12 heures.

« Il a été secoué violemment par deux fois »

Pour l’anatomopathologiste, « l’hématome récent est à l’origine de la mort. » Rentrant dans le détail, elle explique que « celui-ci est dû à une rupture des veines ponts – veines qui relient les deux hémisphères du cerveau – et pour provoquer cette rupture, seules des accélérations et décélérations de la boite crânienne sont capables de rompre ces veines. » Pour la spécialiste, pas de doute, « il a été secoué violemment par deux fois. » Elle précise, « quelques secondes suffisent. Quand un adulte prend un bébé par le thorax et le secoue d’avant en arrière cela crée une rupture des veines ponts à la surface du cerveau qui entraîne un saignement qui provoque un hématome. » Elle relèvera aussi que cet hématome a provoqué un œdème pulmonaire « massif », dans les 12 heures qui ont suivi. Pour elle, pas de doute, la mort du nourrisson est consécutive à ces deux facteurs.

Les deux accusés avaient prétendu, dans leurs dépositions, avoir « tiraillé le bébé»; la juge les fait lever et mimer le mouvement. Ils s’exécutent et la spécialiste les contredit. « Les mouvements ne sont pas assez brusques pour provoquer l’arrachement des veines ponts. Ils doivent être beaucoup plus violents. » L’avocate générale intervient. « Si l’on se réfère aux deux hématomes relevés dans la boite crânienne, le plus ancien et le plus récent, on a donc au moins deux moments très violents ? » « Oui. »

L’avocate de la mère de famille s’adresse à la spécialiste. « J’ai lu que dans certaines chutes de faible hauteur, on peut avoir le même type de lésions. » Là aussi, l’anatomopathologiste est catégorique, « une chute de faible hauteur ne peut pas entraîner la formation de deux hématomes sous-duraux et arraché les veines ponts. »

Hématomes + fractures + retard de croissance = maltraitance

C’est au tour du médecin légiste d’être auditionné. Celui-ci confirme bien les dires de sa consœur quant à la cause de la mort du nourrisson, « elle est due aux secouements du bébé », mais apportera des précisions concernant les autres blessures du nourrisson, notamment ses fractures à l’humérus et au fémur. « Des fractures suspectes évocatrices de maltraitances », et de préciser, « le fémur et l’humérus sont les os les plus longs et les plus épais du corps humain, et il faut vraiment un gros choc pour les briser. En aucun cas ils ne sont compatibles avec une chute d’une poussette. Pour le fémur, il faut un coup direct et violent avec une cinétique importante pour le briser. D’autant que c’était une grosse fracture qui a nécessité une opération chirurgicale. » Quant à l’humérus, « cela peut être du à une torsion du bras ou à un coup porté directement. »  Quant à l’hypothèse selon laquelle c’est en tirant violemment le nourrisson par le bras que son père aurait occasionné la fracture de l’humérus, là aussi le légiste est catégorique, « s’il avait tiré sur le bras, la fracture se serait faite au niveau du coude. Là, c’est consécutif à un fort coup porté ou à une torsion du bras. »

Notant aussi que le bébé n’avait pas été vraiment suivi, son dossier médical en atteste, et qu’il montrait du retard au niveau de sa croissance et des acquisitions, pour le légiste, le calcul est vite fait : hématome + fracture + retard de croissance = maltraitance.

Des versions divergentes et changeantes

L’après-midi a débuté avec l’audition des accusés sur les faits. Le premier à être entendu, c’est Laurent. Devant les gendarmes, il accusait sa femme d’avoir frappé l’enfant en son absence. À la barre, il l’exonère. Il change aussi de version sur la veille du décès : après avoir déclaré qu’il ne s’était rien passé ce jour-là, il avouait avoir bu et fumé du paka puis frappé sa compagne alors qu’elle avait le bébé dans ses bras, prétendant s’être énervé en voyant les bleus de l’enfant. Mais à la barre, il déclare que les bleus, résultent de cette même dispute. La présidente de la cour lui fait remarquer, « ce n’est plus la même version alors ? » Visiblement ennuyé, se balançant d’un pied sur l’autre et les yeux rivés au sol, il marmonne, « ça doit être moi avec les coups. »

Son avocat l’interroge, « vous vous êtes disputés à cause des bleus, c’est cela ? » « Oui.» « Alors ce soir-là, la veille de la mort de Valentin, qu’est ce qui s’est passé ? » « Y’a pas eu de violences. » Encore un changement de version…

L’avocate générale relève alors que le bébé était mort non pas à la suite de coups, ni de maladie, mais d’avoir été violemment secoué. Laurent l’assure, « on ne l’a jamais secoué volontairement, peut-être dans nos disputes… »

« Je voulais porter le chapeau »

Au tour de Patricia de répondre aux questions, et là, comme son tane, elle va changer de version. Alors qu’aux gendarmes elle avait déclaré que la veille du décès, ils s’étaient disputés et que de rage elle avait violemment secoué le bébé deux fois, à la barre elle nie.

« Pourquoi avoir déclaré cela en garde à vue alors ? » « Je voulais porter le chapeau », puis en pleurs, « on est tous les deux coupables d’avoir porté les coups qui ont mené à la mort de notre enfant. » Elle insiste, « c’est nous deux qui avons commis les violences sur le bébé. »

L’avocate générale s’exaspère et lui fait remarquer qu’elle a donné neuf versions différentes des faits, et que sa famille l’a affublée d’une réputation de menteuse. « C’est laquelle, la vraie version ? » « Celle-là. » « Vous ne voulez plus porter le chapeau alors ? » « Non. »

La cour entend ensuite le psychologue qui a dressé le portrait des deux accusés. Concernant Laurent : « intelligence faible, niveau scolaire de base, très immature sur le plan psycho-affectif, pas d’anomalie mentale ni troubles psychologiques et il envisage d’avoir un autre enfant avec sa compagne.  Il y a un risque de récidive réel. » Sur Patricia : « intelligence faible, très immature sur le plan psycho-affectif, pas d’anomalie mentale ni troubles psychologiques, une récidive n’est pas à écarter. »

La dernière journée se déroulera demain, avec la plaidoirie des parties civiles, les réquisitions de l’avocate générale et les plaidoiries des avocats de la défense.

Article précedent

Nuihau Laurey : "On ne va pas 'chercher de l'argent à Paris', ce n'est pas L'Île au trésor !"

Article suivant

À Teahupo'o, "la population n'a pas toutes les informations" sur les JO

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

Assises : la thèse du bébé secoué confirmée