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Au CHPF, pas d’euthanasie et « aucun patient resté sur le parvis »

Si les ressources humaines et les places de réanimation ont manqué au pic de la crise, les soignants ont « toujours tout fait » pour soigner. C’est ce que réaffirme le président de la commission médicale du CHPF, en réponse aux critiques ou incompréhensions dont l’établissement a fait l’objet. Surtout, le Dr Philippe Dupire insiste sur la nécessité, malgré des peurs compréhensibles, d’amener les malades les plus graves au Taaone, où ils ont le plus de chance d’être sauvés.

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158 patients Covid ce mardi au Taaone. Les chiffres ont largement baissé, certains services ont pu rouvrir, mais la tension hospitalière est toujours là, comme en témoigne le service de réanimation du centre hospitalier. Quarante lits occupés par les seules victimes du virus, pour la grande majorité non-vaccinés, contre un maximum habituel de 18 lits, jamais atteint hors crise. La « réa » continue d’être le thermomètre de l’épidémie, et a aussi été au centre des débats ces dernières semaines. Car au travers de cette vague meurtrière beaucoup de questions, de remarques, voire d’accusations sont nées sur la manière dont ont été pris en charge certains malades, en fin de vie notamment. Sur les réseaux sociaux ou dans certains discours politiques, on a notamment reproché au Taaone la « priorisation des malades » à l’entrée de ce service réanimation, « le tri » ou la « sélection » comme certains l’ont appelé.

Pas de tri aujourd’hui

Pas question pour le CHPF de rentrer dans une quelconque polémique. Mais l’établissement ne l’a jamais caché : au plus fort de la crise, la place et les moyens humains ont manqué, tout particulièrement en réanimation. Raison pour laquelle l’établissement, et certains de ses soignants, toujours très mobilisés sur le front du Covid, ont lancé des cris d’alarme à plusieurs reprises au mois d’août pour obtenir des renforts spécialisés. « Mais nous avons toujours pris en charge tous les patients qui le nécessitaient, pointe le Dr Philippe Dupire, président de la commission médicale d’établissement. Personne n’est resté sur le parvis des urgences ». Face à l’afflux historique de malades et les moyens forcément limités, « On prenait les patients les plus graves en réanimation et on laissait les patients les moins graves en situation d’attente, dans un service conventionnel mais avec des soins adaptés, explique-t-il. Et bien sûr dès qu’on avait des places en réanimation, on reprenait ces patients et on avançait ».

Des choix souvent très difficiles, que la situation épidémique n’impose plus aux soignants aujourd’hui, et qui ont été « fait de façon collégiale et avec les familles », assure le responsable. Surtout, et contrairement à ce que certains ont pu affirmer, ces choix n’ont jamais eu comme implication de laisser mourir un malade. « On les a pris en charge du mieux que l’on pouvait, explique le chef du service de pharmacie du Taaone qui reconnait qu’au plus fort de la crise, le manque de personnel et la fatigue des équipes a « bien sûr » dégradé les conditions d’hospitalisation. Et il faut se rappeler que cette maladie est extrêmement grave, et nous ne sommes que médecins ». Beaucoup de patients arrivés tard dans le développement de la maladie, avec des comorbidités importantes, n’ont pas pu être sauvés à l’hôpital malgré les moyens et traitements mis en place.

« On doit accompagner un patient qui souffre, y compris au moment de sa mort »

Le rôle des soignants, pourtant, ne s’arrête pas au constat d’une mort certaine. Car sans accompagnement, « la mort fait mal », rappelle le docteur. L’accompagnement se doit alors d’être « à la fois thérapeutique et psychologique ». Les médecins interviennent notamment pour éviter que le rythme de respiration s’accélère en fin de vie – une source importante de souffrance – ou pour « essayer de garder un peu de temps au patient pour que les familles puissent venir ». Il s’agit alors de « gagner un peu de temps« , assez pour qu’il y ait une communication avec des proches. Mais les moyens qui sont mis en place – des masques à oxygène notamment – ont leurs limites et ne permettent pas à un malade une fin de vie la plus paisible possible. Arrive le moment où il faut les retirer, et ce moment « peut créer l’incompréhension », note le Dr Dupire. Dans le même temps des médicaments anti-douleur peuvent être donnés au patient pour ne pas qu’il souffre : « c’est normal, on doit accompagner un patient qui souffre, y compris au moment de sa mort ».

Ni cette piqûre ni les actes qui l’entourent, en revanche n’ont pour but « d’abréger » la vie d’un patient ou de pratiquer « l’euthanasie », puisque le terme a été prononcé, lundi par le maire de Paea Tony Géros. « La loi l’interdit, et notre code de déontologie aussi », clarifie le docteur en pharmacie.

Les initiatives des communes « légitimes »

Des décès qui sont bien sûr une souffrance pour les familles, et qui sont aussi difficiles pour les soignants. Au Taaone, comme dans beaucoup d’hôpitaux mondiaux depuis le début de la crise, personne n’avait connu pareille situation dans sa carrière. « Les infirmiers et les médecins sont là pour soigner, pas pour déplorer autant de décès dans une journée », rappelle le Dr Dupire. Mais ce sont bien ces décès, particulièrement concentrés au CHPF, qui ont engendré la « crise de confiance » justement pointée du doigt par Tony Géros. « Je peux comprendre que l’hôpital peut faire peur parce qu’on a l’impression qu’on vient y mourir, mais il faut rappeler que c’est ici qu’on prend en charge les cas les plus graves du pays », reprend le Dr Dupire, qui parle de « rapprochements qui ne sont pas les bons ».

Les initiatives de certaines communes, dont Paea, pour faire face aux réticences d’aller au Taaone, et pour prendre en charge des patients dont l’hospitalisation à domicile ou le transport loin de chez eux est difficile, « elles sont légitimes », continue le président de la commission médicale d’établissement. « Mais il faut savoir s’arrêter : ces zones ne sont pas des hôpitaux et à partir du moment où le patient s’aggrave, il est clair qu’il faut appeler le Samu et le faire venir à l’hôpital » pointe-t-il. Car plus que l’oxygène et la dexaméthasone – un corticoïde utilisé pour lutter contre l’inflammation des poumons – « il y a tout un environnement technique, une prise en charge, qui fait que peut-être on va réussi à faire survivre le patient, même si la maladie a été très grave ».

À noter que le le CHPF, conscient que sa prise en charge de l’épidémie est perfectible, compte mener un important travail de « retour d’expérience ». Un travail qui avait déjà été entamé après la première vague et interrompu par la seconde. Il pourrait aboutir à un redimensionnement de l’établissement, de son service de réanimation et de son organisation en période d’épidémie.

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