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Concurrence : les accords d’exclusivité toujours en question

Quatrième volet sur l’avis sur les mécanismes d’importation et de distribution de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) qui s’attaque longuement aux accords exclusifs d’importation. Source d’économie pour les uns ou de surcoûts et de prix abusifs pour les autres, ces accords d’exclusivité font surtout l’objet d’une « dispute » entre théoriciens et praticiens de la concurrence, une querelle tranchée l’année dernière par le législateur polynésien.

Dans son dernier avis, l’APC décortique les effets des accords exclusifs d’importation sur le consommateur. Ces accords correspondent à des contrats établis de façon confidentielle entre un fabricant ou grossiste en France ou à l’étranger et un importateur unique sur le fenua pour distribuer une marque spécifique de produits. Ce grossiste-importateur en Polynésie dispose donc d’une exclusivité qui n’est donc pas contrariée par un concurrent éventuel pour le commercialiser localement.

Une réduction de concurrence manifeste

Si ces exclusivités « ne constituent pas, en tant que telles, une pratique répréhensible », elles peuvent cependant fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence. Mais pour l’APC, les effets néfastes de ces exclusivités sont suffisamment clairs et la réduction de concurrence qu’elles génèrent est manifeste. Dans le pire des cas, ces exclusivités peuvent être détenues par un groupe intégré, c’est-à-dire qui est actif à la fois dans l’importation et la distribution et les effets nocifs sont alors renforcés. Une confusion des genres qui conduit l’APC à conclure que ces accords d’exclusivité sont ainsi source de « surcoûts[qui]sont ensuite directement répercutés sur les prix de vente et donc sur le consommateur ».

Retour vers le futur

Le débat sur les exclusivités d’importation et leurs effets n’est pas nouveau. Les dispositions interdisant ce type d’accords avaient été adoptées par l’assemblée de Polynésie française en février 2015, rendant ainsi les exclusivités illégales et donc susceptibles d’être sanctionnées par l’APC sauf s’il était démontré qu’elles sont justifiées par l’intérêt des consommateurs. Une rédaction qui reprenait alors la loi Lurel sur la régulation économique dans l’outre-mer votée en 2012 mais dont l’application fut de courte durée. Trois ans plus tard, l’APF, s’appuyant notamment sur les conclusions de travaux universitaires du professeur en économie Christian Montet préconisant la suppression de l’interdiction systématique des accords d’exclusivité d’importation dans le droit polynésien, faisait disparaître les dispositions concernées. Une suppression dont s’était plaint publiquement et avec virulence le président de l’autorité dans une note adressée aux membres de la commission, estimant alors qu’« aucun argument ne permet de mettre en exergue un seul avantage à cette suppression »

Dans le dernier avis sur les mécanismes d’importation et de distribution, l’APC, dont M. Montet fait désormais partie, revient donc à la charge et recommande d’ « évaluer les effets de la suppression de l’interdiction (…) des accords exclusifs d’importation et la rétablir si aucun intérêt pour l’économie polynésienne ou le consommateur n’est démontré ». Une façon polie de demander en 2019 à l’APF de revenir à la rédaction d’avant 2018 et d’opérer ainsi une troisième modification réglementaire en trois ans pour que l’APC puisse enfin étudier un cas concret sur le territoire.

Vers une nouvelle forme d’administration de l’économie ?

Cependant, les mesures proposées dans l’avis ne se résument pas à ce seul retour en arrière réglementaire et relèvent surtout d’une volonté de transparence sur ces contrats. Les recommandations de l’APC visent notamment à « contraindre les acteurs à rendre public, ou à tout le moins à communiquer à l’Autorité, l’ensemble de leurs exclusivités d’importation, de droit ou de fait ». Contrainte, interdiction, obligation… Un ensemble de mesures qui ne représenterait pas pour autant une rupture manifeste avec le système économique actuel. En avril 2018, le président de l’APC était alors formel et déclarait que, « concernant la lutte contre la vie chère, ce n’est pas en 18 mois que l’APC va défaire 50 ans d’économie administrée ». Dix-huit mois plus tard, les préconisations en la matière semblent s’attaquer à la liberté du commerce et ne pas rompre avec cette façon d’administrer l’économie.

 

 

 

 

 

 

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1 Commentaire

  1. COROSOL
    26 septembre 2019 à 12h37 — Répondre

    Petite entente entre amis. Et au final, les consommateurs sont les grands perdants.

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