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Fritch et Flosse contre le « péril et le chaos » indépendantiste


Quatre élus du Amuitahira’a sur la liste du Tapura et un retrait de la « TVA sociale » d’ici quelques mois. C’est l’accord scellé pour le second tour par les leaders rouge et orange, « émus » par leur « nouvelle rencontre », et convaincus qu’une victoire du Tavini « séparatiste » représenterait un « grave danger » pour la Polynésie. Car malgré « l’écran de fumée » du discours « apaisé » de Moetai Brotherson, les bleu ciel n’auraient qu’un seul objectif : « rompre avec le République ».

Scène de retrouvailles ce matin à Tarahoi. Derrière deux pupitres dans le hall de l’assemblée, entouré d’une foule de chemises orange et rouge, Édouard Fritch et Gaston Flosse ont célébré ensemble, l’alliance Tapura – Amuitahiraa, formée hier au travers d’une liste commune déposée pour le second tour. Ni fusion de partis, ni accord de gouvernement, du moins officiellement… Il s’agit pour l’instant de créer une « plateforme autonomiste », ouverte à tous, mais boudée par A Here ia Porinetia et Ia Ora te Nunaa, dans l’unique but de « faire obstacle au retour au pouvoir du Tavini ». L’actuel président et son prédécesseur, dont il a longtemps été le dauphin, gendre et vice-président, ont chacun parlé de l’émotion suscitée en eux par cette alliance, au milieu d’un parterre « d’anciens élèves » de l’école Flosse, dont Édouard Fritch n’a jamais réellement cessé de se revendiquer. Presque 10 ans après son départ du Tahoera’a, qui avait entamé la chute du parti aujourd’hui confirmée dans les urnes, il s’agit donc d’une « nouvelle rencontre ». « Je peux vous dire que j’aurais eu du mal à partir avec cette déchirure au coeur, assure même Gaston Flosse. Là, aujourd’hui, le Vieux, il pourra partir tranquille et en paix ».

« Nous pensons à l’avenir de nos enfants »

Des paroles qui n’empêchent pas le président du Amuitahira’a, inéligible car condamné pour détournement de fonds publics et abus de confiance, d’ironiser sur les violentes charges politiques qu’il n’a cessé d’orienter vers son ancien bras droit, qui l’a, lui, plutôt épargné ces dernières années. Mais il s’agit bien d’une réunion « de raison » plus que de cœur pour les deux leaders qui n’y vont pas par quatre chemins à propos de leur objectif commun. Il s’agit d’éviter « un danger pour le Pays » : le retour au pouvoir du Tavini. « Le péril indépendantiste » est toujours là, Édouard Fritch parle même de « chaos » qu’amènerait un gouvernement « séparatiste ». Et le programme économique et social du Tavini, qui a convaincu 43 300 votants dimanche dernier, n’est selon lui pas plus rassurant : « Il y a peut être de bonnes idées qu’ils ont prises en partie d’ailleurs au Tapura Huiraatira. Mais ce qu’il manque à ces idées, ce sont les moyens de les mettre en action ». Le président sortant dit penser « à l’avenir de nos enfants », « à la confiance dont les acteurs de la vie économique de ce pays ont besoin », à « la place de la Polynésie dans la République », aussi, toujours pourvoyeuse de « protection » et « d’investissement »… Une bonne raison pour « mettre de côté les différences » du Tapura et du Amuitahiraa. Les 14 700 voix obtenues au premier tour par les orange, même si elles représentent moins de la moitié de celle du Tapura (37 800 voix dimanche), en sont une autre.

Des électeurs qui « se laissent berner »

Gaston Flosse, lui, s’attaque aux variations de discours des bleu ciel sur la question même de l’indépendance. Indépendance immédiate, souveraineté associée, « puis de nouveau indépendance », « mais pas dans l’immédiat, ne nous pressons pas, il faut nous former, nous ne sommes pas prêts, et pas question de couper les liens avec la France »…  Dans ce discours « apaisé » et plus consensuel, dont Moetai Brotherson s’est fait le nouveau porte-parole, l’ancien président ne voit qu’une stratégie politique. Plutôt fine, dit-il en connaisseur : en feignant des « mésententes » au sein du Tavini, le parti veut attirer les électeurs « qui ont peur » et ainsi « prendre le pouvoir ». Une stratégie qui a fonctionné aux législatives, note le chef de file du Amuitahira’a, certains ayant « voté sans réfléchir », ou du moins « en se laissant berner ». Mais si l’actuel député – qui n’aurait, ces cinq dernières années, rien fait pour la Polynésie à Paris – prend la tête du Pays, c’est bien son vieux rival, Oscar Temaru, qui avancera ses pions.

Moetai Brotherson et son « écran de fumée »

Édouard Fritch est comme jamais au diapason du Vieux Lion. Insistant sur « l’acte de responsabilité » que représente cette union, dont il convient qu’elle peut être « difficile à comprendre », il vilipende à son tour le discours de Moetai Brotherson. Un « écran de fumée pour faire croire aux électeurs que la question institutionnelle n’est pas un sujet d’actualité, et qu’en fin de compte il ne faut même pas en parler ». La marche vers l’indépendance resterait au contraire l’objectif premier du Tavini « et si nous ne réagissons pas, ils sont en phase de l’atteindre ».

Édouard Fritch l’avait précisé sur Radio1. Si cette alliance a pu être acceptée au  Tapura – au moins dans ses hautes sphères – c’est que la question des « oppositions de personne » pouvait être écartée. Et pour une raison simple : Gaston Flosse, inéligible car condamné pour détournement de fonds publics et abus de confiance, ne peut pas se présenter ou intégrer la liste. C’est quatre de ses lieutenants qui font donc leur entrée chez les rouge pour le second tour, à des positions éligibles. Bruno Sandras, ex-tête de liste du Amuitahiraa n’en fait pas partie. On y trouve en revanche Pascale Haiti dans la 1ère section, Katty Taurua dans la deuxième, Paul Haiti sur la 3e, Martial Teroroiria aux Îles Sous-le-Vent. Des orange qui poussent, forcément, vers la sortie des candidats rouge : Romilda Tahiata, Patricia Lenoir, Teva Bernardino, et Moehau Colombani, salués pour le meneur rouge pour leur « esprit d’abnégation » même si le dernier a exprimé un vif désaccord avec cette décision dès hier soir sur les réseaux sociaux.

La CPS réduite puis retirée

Des deux côtés, on assure qu’il n’y a pas d’accord à ce stade sur la formation d’un gouvernement, il n’y aura pas non plus de fusion des partis qui resteront bien distincts, même si il s’agit de constituer une « plateforme autonomiste qui à terme sera la plus large possible ». Côté programme, Édouard Fritch l’affirme, les deux partis étaient d’accord sur tout ou presque. « Une des leçons que je tire de ces élections, c’est l’opposition de la population à cette taxe que nous avons mis en place, cette contribution pour la solidarité. La population estime que nous pouvons faire autrement. » Son engagement : réduire cette « TVA sociale » à 0,5% dès le lendemain de l’élection, et de trouver les financements qui viendraient s’y substituer pour le financement de la PSG avant début 2024, date de retrait complet de la contribution.

Quant à la question institutionnelle, pourtant centrale pour cette plateforme, elle n’est même pas évoquée, même si Gaston Flosse s’est fait le chantre ces dernières années de la fin de l’autonomie pour la création d’un état souverain associé à la France. Mais ce serait un statut « plus proche de l’autonomie que de la rupture avec la France », insiste-t-il.

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