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L’addiction à la barre

Les audiences en juge unique de ce vendredi ont fait la part belle aux addictions au volant. Sur 22 dossiers étudiés, 14 concernaient la conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants. Qu’ils soient consommateurs festifs ou addicts, tous ont fait part de leur désir de se débarrasser des démons qui leur pourrissent la vie, sans compter les possibles victimes collatérales que leur addiction peut causer.

Teva, 55 ans, a été contrôlé avec un taux d’alcool de 0,67 milligrammes par litre d’air expiré alors que le taux autorisé n’est que de 0,40. « C’est à cause du travail, je suis agent de sécurité à la présidence et on m’a appelé alors que je fêtais un anniversaire. Il fallait que j’aille vérifier dans mon casier si ma tenue d’apparat était complète puisque le lendemain il y avait un conseil des ministres extraordinaire. Je leur ai bien dit que j’étais saoul, mais ils n’ont rien voulu savoir. » « Personne ne pouvait t’y emmener ? » lui demande le juge, « ben non, tout le monde était bourré. Mais, se hâte de préciser Teva, je suis bien arrivé à la Présidence, c’est au retour que j’ai pas eu de chance. »

Le juge jette un coup d’œil sur son casier, « t’as déjà été condamné pour ça » « Oui, oui, j’étais en instance de divorce à l’époque et là pareil en ce moment. J’avais anniversaire et divorce. »

Et de raconter ses déboires sentimentaux à l’origine de son penchant pour l’alcool. Le juge l’écoute, puis lui explique, « bon là, c’est imparable, ton permis va être annulé. Pas suspendu mais annulé. Tu l’as passé à quelle époque ? » « En 88 » « C’était facile en ce temps-là ». Teva acquiesce et ajoute, « oui, c’était à l’armée. » « Encore plus facile » sourit le juge. « Bon je te condamne à deux mois de prison avec sursis avec obligation de soins, ton permis va être annulé, mais tu pourras le repasser. Mais je te préviens, c’est beaucoup plus dur que quand tu l’as passé à l’époque. Commence à réviser. »

« Dis donc, t’en as eu des mauvaises périodes »

Patrick, un popa’a de soixante ans, a été contrôlé en milieu de journée au guidon de son scooter avec un taux d’alcool de 1,01 milligrammes par litre d’air expiré. « Mais on est en pleine après-midi là ! » relève le juge, « Je revenais d’un anniversaire et j’avais bu six bières avant de prendre le scooter » « T’as un problème avec l’alcool ? » « Bah, je traverse une mauvaise période. » « Dis donc, t’en as eu des mauvaises périodes », relève le juge en énumérant les condamnations de Patrick pour alcoolémie. « 2004, 2007, 2009, 2013, 2014, 2018 et les deux dernières mai et juin 2019.»

Patrick baisse la tête et explique, « j’ai un problème récurrent, je suis un gros buveur, je bois pas tous les jours, mais quand je sors, je suis un gros buveur. Mais depuis ma sortie de prison, je ne bois plus. J’ai suivi des soins et là c’est terminé. »

Le juge hoche la tête, « ce qui m’inquiète, c’est que tu es patron de bar et que tu dois être soumis à la tentation. » « Non, j’arrive à gérer, je ne peux pas me permettre de boire, j’ai des clients à gérer et j’ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Laissez-moi une chance, mon permis a déjà été annulé. »

Il a été condamné à trois mois avec sursis.

« J’ai arrêté mais je préfère dire que je suis en train, car je suis toujours tenté »

Jean, 48 ans, à la barbe et aux cheveux blanchis prématurément, a un lourd passé de toxicomane. Un passé qui lui a fait perdre son emploi. Il fait partie de la trentaine de PNC d’ATN licenciés en 2009 pour avoir usé et abusé de substances telles que la cocaïne et l’ice. Et depuis il a du mal à recoller les morceaux.

Lors d’un contrôle routier, courant 2019, il est pris avec une pipette à la main qui contenait quelques cristaux d’ice. Jean à la barre tremble, il est mal à l’aise, angoissé. « Depuis mon licenciement, j’ai essayé de me sevrer, j’y suis arrivé, mais quelques années plus tard, l’ice a débarqué en masse sur le territoire et j’ai replongé. Mais je n’en consomme plus depuis le confinement et l’arrêt des vols internationaux. Par la force des choses, j’en consomme plus, je suis en train d’arrêter. » Le juge : « tu as arrêté ou t’es en train d’arrêter ? » « J’ai arrêté, mais je préfère dire en train car je suis toujours tenté…J’ai peur de replonger », confie-t-il dans un souffle.

Son attitude à la barre questionne le juge, il est fébrile, son regard va de gauche à droite, il ne semble vraiment pas bien. « Tu es agité, depuis quand tu as arrêté ? », « C’est pas l’ice, j’ai pratiqué un massage cardiaque à mon grand frère et il est décédé. On l’a enterré hier. C’est pour cela que je suis comme ça. »

 Le juge marque un temps puis, « tu veux que l’on arrête ? Que l’on reporte ton audience ? » « Non, non, je veux être débarrassé de cette affaire » Le magistrat compatissant, « t’es pas complètement sorti de l’histoire, hein ? » Jean, les larmes aux yeux, « il me faudrait quelque chose qui me stabilise. J’ai pas de travail, à mon âge, c’est difficile. » « Oui, oui je sais, c’est dur en ce moment. »

Il a été condamné à trois mois de prison avec sursis et obligation de soins « je ne te mets pas de TIG, car je préfère que tu passes ton temps à réfléchir sur toi et t’occuper de ta famille. Et essaie de te trouver un boulot. »

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