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L’Ifrecor et le Criobe cherchent à évaluer le blanchissement des coraux… et leur mortalité

Depuis plusieurs mois, les récifs du monde entier sont touchés par un quatrième épisode de blanchissement massif, qui n’épargne pas la Polynésie. Pour aider à orienter les actions de conservation ou de restauration, le Criobe de Moorea a lancé le projet « Bleaching 2024 » qui vise à caractériser et cartographier ce blanchissement ainsi que la mortalité corallienne qui y est liée. L’Ifrecor, Initiative française pour les récifs coralliens dotée d’un comité local polynésien, a annoncé soutenir financièrement cette étude, déjà lancée dans les îles de La Société et les Tuamotu.

L’épisode « massif » et mondial de blanchissement des coraux est toujours en cours. Le phénomène avait commencé à être observé dès le début de l’année 2023, et il avait fini par être officiellement confirmé par plusieurs instances scientifiques en avril dernier. Ces grandes périodes de blanchissement, qui peuvent durer plusieurs mois ou quelques années, il y en avait eu d’autres par le passé : en 1997, en 2010 ou entre 2014 et 2016, souvent en pleine phase climatique El Nino. Mais la NOAA américaine ou l’Initiative internationale pour les récifs coralliens (Icri) avait prévenu : non seulement les phases de blanchissement sont de plus en plus régulières, dans un contexte de changement climatique, mais ce quatrième épisode s’annonce comme le plus important que les récifs aient jamais connu.

Observé dans une soixantaine de territoires, des Caraïbes à la Mer Rouge en passant par le Pacifique, il n’épargne bien sûr pas la Polynésie. Les plongeurs et habitués du lagon du fenua ont déjà repéré sur de nombreux sites, ces derniers mois, des coraux entièrement ou en partie décolorés. Et les scientifiques, eux, cherchent à aller plus loin, notamment le Criobe qui a lancé le projet « Bleaching 2024 ».

Microalgue éjectée, récif en danger

Les chercheurs connaissent déjà bien les mécanismes qui mènent au blanchissement : quand elles sont soumises à un stress trop important, comme une augmentation de la température de l’eau, les microalgues qui vivent en symbiose avec les polypes, ces petits animaux au corps mou qui construisent peu à peu le « squelette » calcaire du récif, sont expulsées. Un phénomène réversible, mais qui affaiblit les coraux, les rendent plus vulnérables à d’autres pressions – pollution, sédimentation, aménagements côtiers, développements d’algues parasites, prédateurs, comme le taramea, ou maladies – et peut entrainer leur mort. Le Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement (Criobe) installé à Moorea cherche donc, avec ce projet, à évaluer l’ampleur du phénomène en Polynésie et ses conséquences au long terme.

Bleaching 2024, étude déjà lancée dans les îles de La Société et les Tuamotu, propose donc de mettre en place, dans plusieurs îles, un protocole de surveillance standardisé, qui doit permettre de recenser les zones touchées, les espèces concernées et l’intensité du phénomène, mais aussi d’évaluer le niveau de mortalité qu’il entraine pour chaque espèce. Une cartographie de cette mortalité doit ainsi être proposée en fin d’année. De quoi « apporter un éclairage sur la déstructuration du peuplement et sa capacité ou non de résilience ». De quoi, surtout, mieux orienter les actions de conservation, de sensibilisation et de restauration à mettre en place dans les mois et années suivantes.

Au cœur du plan d’action pour l’Ifrecor Polynésie

Ce projet vient d’obtenir un soutien financier de 15 000 euros (environ 1,8 million de francs) de la part de l’Ifrecor. Cette Initiative française pour les récifs coralliens, déclinaison nationale de l’Icri, agit depuis 25 ans pour la préservation et la gestion des récifs ultramarins. Si ces fonds ont été débloqués par le comité national pour réagir en urgence au quatrième épisode de blanchissement, il s’inscrit « pleinement » dans le « plan d’action 2024 – 2028 » du comité local, qui doit être dévoilé dans les semaines à venir. L’Ifrecor Polynésie doit d’ailleurs réunir ses instances, présidées conjointement par le Haut-commissaire et le président du Pays, et qui rassemblent des acteurs institutionnels, des établissements d’enseignement ou de recherche, des associations environnementales et ONG, ainsi que des acteurs du privé.

Nul doute que cet épisode du blanchissement y sera discuté. Et pas seulement dans l’optique de la protection de l’environnement. « Ces écosystèmes coralliens sont une source de nourriture et de ressources vitales pour les communautés locales, ils sont au cœur du développement socio-économique, ils protègent les côtes des événements climatiques extrêmes, absorbent près de 90% de l’énergie des vagues, et sont intimement liés à la culture et l’identité des Polynésiens, liste Muriel Pontarollo, la coordinatrice et représentante du Comité local Ifrecor Polynésie au comité national. Sans cet écosystème corallien et la diversité de ses ressources associées, il n’y aurait plus de vie possible dans nos îles ».

©Adrien Poquet

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