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L’obligation vaccinale reportée, mais le débat pas enterré

L’assemblée a acté ce matin le report à fin décembre de l’application des sanctions prévues par la loi sur la vaccination obligatoire de certains professionnels et certains malades. Pour la majorité, il s’agit de mieux « faire comprendre » et faire appliquer le texte. Dans l’opposition on demande son abrogation, ou au moins un geste envers les opposants à l’obligation.

44 voix pour, 3 contre et 10 abstentions. L’assemblée de la Polynésie a sans surprise adopté, ce matin, la modification de la loi du Pays sur la vaccination obligatoire, votée le 26 août dernier. Une modification annoncée par Édouard Fritch dès la mi-octobre, et qui tient en un article : les sanctions administratives, censées entrer en vigueur à partir du 23 octobre, ne seront finalement mises en application que deux mois plus tard, le 23 décembre. Le report est expliqué par « la grande incompréhension et la méconnaissance de la loi du Pays sur la vaccination obligatoire par le grand public », et par « la complexité de l’application de ce texte au sein des entreprises et des administrations ». « C’était indispensable, on n’était pas prêt au 23 octobre, il faut une période plus longue d’accompagnement des salariés des chefs d’entreprise, confirme, côté Tapura, Virginie Bruant. Il faut expliquer pourquoi on l’a mise en place : ce n’est pas un plaisir de voter ce genre de décision, mais c’est nécessaire ». Objectif affiché par l’élue, comme par Édouard Fritch : se préparer pour la prochaine vague épidémique, difficile à dater mais « qui va arriver ».

Le Tavini veut abroger, le Tahoera’a veut adoucir

D’ici le 23 décembre, le Pays dit vouloir engager des « simplifications » au dispositif  – dont le patronat a déjà pointé les difficultés d’application -, veut « multiplier les concertations », et « amplifier la campagne d’information auprès du grand public ». Pas de remise en cause, donc, du principe ou du périmètre de l’obligation, malgré les appels et manifestations des collectifs, et la menace de grève d’une partie des syndicats de salariés. Dans l’opposition, en revanche, ces mouvements ne sont pas passés inaperçus. Nicole Sanquer et les deux autres élus de l’ex-groupe et du futur parti A Here ia Porinetia ont ainsi voté contre ce report, regrettant que le gouvernement « n’entende pas » la minorité de non-vaccinés. La députée, qui demande au passage une commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire, s’étonne surtout que le Pays n’envisage pas, comme l’avaient laissé penser certaines déclarations d’Édouard Fritch, de modifications plus profonde du texte :

Le Tahoera’a, qui avait voté la loi fin août, se positionne lui pour un adoucissement des peines d’amende (175 000 francs) pour les travailleurs récalcitrants dans les secteurs concernés. En proposant une abrogation pure et simple du texte, le Tavini adopte une ligne plus incisive et a cherché à s’afficher en ordre moins dispersé qu’en août sur ce sujet très mobilisateur parmi ses militants. Le débat n’est pourtant pas clos chez les indépendantistes : Éliane Tevahitua, seule professionnelle de santé du groupe, a de nouveau suivi la majorité et voté pour le texte. Chantal Galenon, qui avait aussi voté « pour » en août, a en revanche dit regretter sa position au vu du manque d’exemplarité de « certains élus », revendiquant tout de même, à l’attention de son chef de groupe, sa liberté d’expression. Comme les autres élus bleu ciel, elle a donc choisi l’abstention, Richard Tuheiva appelant le gouvernement à profiter de ce report pour « revoir sa position ». « Il faudrait que le président du Pays revienne à la raison, appuie le chef de groupe, Anthony Géros. Par réflexe, on peut imposer aux gens certaines choses, mais il s’agit d’intégrité du corps humain, d’une liberté que ne peut détenir que le propriétaire de ce corps, et pas un homme politique ».

Fritch a la « rage »

Édouard Fritch, lui, reste droit dans ses bottes. Certes plus de deux tiers des Polynésiens de plus de 12 ans sont aujourd’hui pleinement vaccinés, mais « le virus ira chercher chaque faille ». « On espère tous que cette crise ne va pas reprendre chez nous, mais préparons-nous au pire », insiste-t-il, précisant que le fenua était déjà « essoufflé » et « affaibli » et n’avait plus les moyens d’une nouvelle catastrophe sanitaire. En fin de discussion, le président se montre agacé, agressif, voire « enragé », comme il l’avoue lui-même. « Si je retirais cette loi et qu’au mois de janvier on se retrouvait avec 200 morts, qu’est ce que vous allez dire ? Vous allez dire que je suis un irresponsable, martèle-t-il, reprochant à certains élus de jouer aux apprentis médecins ou de préparer les élections à venir. Non, je ne veux plus d’hécatombe dans mon pays ».

Tearii Alpha : l’opposition moque une décision « mi-figue mi-raisin »

Difficile de parler de l’obligation vaccinale sans parler du « cas » Tearii Alpha, qui perd son titre de vice-président pour avoir refusé de se plier à cette « obligation morale ». Le sort du maire de Teva i Uta n’a pourtant pas été réellement évoqué dans l’hémicycle ce jeudi matin. À l’extérieur, Tony Géros s’étonne d’une décision « kafkaïenne », « un peu mi-figue mi-raison » du président Fritch. « D’autant qu’en toile de fond, il y a toujours cette casserole qu’on entend tinter, c’est la situation du président de notre assemblée (Gaston Tong Sang, ndlr), qui fait partie du Tapura également, et qui ne semble pas avoir subit la sanction du président du Pays ».

Dans la même veine, Nuihau Laurey parle de « demi-décision », de « demi-sanction » pour un président qui, sur ce sujet comme sur d’autres, « n’arrive pas à trancher » et met en jeu sa « crédibilité ». Du côté de la majorité, on est forcément beaucoup plus discret. La décision d’Édouard Fritch, annoncée en conseil de majorité, n’a pas étonné, et la plupart des élus interrogés ne se disent ni choqués, ni ravis. Virginie Bruant comprend « qu’on puisse ne pas être d’accord sur certains sujets », mais parle de « responsabilité collective » à propos de la crise Covid et de la vaccination. « Quand on vit en société on doit se plier à certaines règles, que ça nous fasse plaisir ou non, pointe la représentante Tapura. Moi la première quand on m’a dit il faut se faire vacciner, je me suis dit j’ai 40 ans, je ne suis pas en surpoids, je ne fais pas partie des personnes à risque, mais je m’y suis pliée ».

Apostrophé à sa sortie de Tarahoi, Édouard Fritch a, lui, refusé de commenter cette décision. C’est Jean-Christophe Bouissou, en conférence de presse l’après-midi même, qui en fait donc le service après-vente au micro. Le ministre du Logement et de l’Aménagement, qui fait partie de ceux qui pourraient prétendre au poste de vice-président mais qui n’est « pas à la recherche d’un poste », botte en touche, assurant que ce « débat » au sein du gouvernement est sain et que la majorité reste « unie ».

 

 

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