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Référendum sur l’indépendance : « si la Calédonie bascule, la Polynésie va suivre »

Roch Wamytan devant la tombe du martyr indépendantiste Éloi Machoro, à Canala. ©D.R.

Plus de 180 000 Calédoniens sont appelés aux urnes dimanche, pour une seconde consultation de sortie de l’accord de Nouméa. Roch Wamytan, un de ses signataires côté indépendantiste et actuel président du Congrès, compte sur une « majorité océanienne » pour l’emporter. Entretien à un peu plus de 48 heures du scrutin.

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« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». En novembre 2018, une majorité nette, mais bien moins massive que prévu (56,7% des voix), avait répondu « Non ». Cette fois les instituts de sondages ont choisi la discrétion, laissant libre cours aux pronostics. C’est, semble-t-il, la théorie d’un resserrement des écarts qui a la meilleure cote. Depuis Canala, sur la côte Est de la Grande Terre, où il mène un dernier meeting avant le scrutin, Roch Wamytan préfère ne pas se prêter au jeu des paris. Mais, comme tous les chefs de file politiques, il affirme sa « confiance » dans les résultats. Pour « preuve », les derniers rassemblements organisés par la FLNKS (Front de libération nationale Kanak et socialiste) ont « mobilisés la jeunesse comme jamais ». « Partout » où il est passé, l’élu s’est dit impressionné par « le calme et la détermination » des militants.

Les pro-Kanaky, qui avait, de l’avis général, réussi leur mobilisation il y a deux ans, n’ont pas changé de recette. La campagne s’est étirée de réunions de quartiers en « comités nationalistes » en tribus, d’abord à l’écart des objectifs, puis, depuis quelques semaines, devant les micros et caméras. « Se libérer du carcan de la France », « prendre en main son destin », « tisser des liens d’égal à égal » avec Paris et « pouvoir discuter avec tout le monde »… 167 ans – et quelques jours – après la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France – « c’est plus que la Polynésie ! » note Roch Wamytan – les messages sont bien rodés. « Il ne faut pas manquer cette occasion-là, insiste le signataire des accords de Nouméa. Par le passé nous avons raté des opportunités ».

Main tendue à « tous les Océaniens »

Un peu plus de 18 500 voix avaient séparé le oui et le non en 2018. Pour rattraper ce retard, les indépendantistes comptent sur les quelques 33 000 abstentionnistes du premier référendum, auquel s’ajoutent 2 200 votes blancs et nuls et quelques milliers de jeunes majeurs… Mais au FLNKS, on le sait, pour l’emporter, il faudra aussi faire basculer des votes. Roch Wamytan, dont les sorties clivantes, voire excluantes à l’égard d’autres communautés ont parfois fait débat par le passé, développe cette fois un message rassembleur : « Notre projet, ça n’est pas de rejeter l’autre », insiste-t-il. La figure de l’Union Calédonienne rappelle l’alliance formée récemment au Congrès avec le parti communautariste wallisien « L’Éveil Océanien », non aligné ce 4 octobre. « Nous nous sommes rapprochés de nos frères océaniens et nous leur avons offert de participer à ce grand projet », dit-il.

Les loyalistes le martèlent : le projet du FLNKS est « excluant » des autres communautés, « dangereux pour le vivre ensemble », par ses références constantes à l’identité Kanak et par la place donnée à la coutume dans son système institutionnel. « Les Kanak, ce sont tous les gens du pays », répond le grand-chef du district de Pont-des-Français, et donc d’une partie de Saint-Louis, la tribu la plus proche de Nouméa. Il parle de « Kanak d’origine mélanésienne, wallisienne, polynésienne… » et n’oublie pas d’inclure, dans la « majorité océanienne » qu’il voit se dessiner dans le pays, les « Caldoches », Calédoniens d’origine européenne présents depuis plusieurs générations sur le Caillou. Des catégorisations avant tout culturelles vu les métissages, nombreux depuis les temps du bagne, mais longtemps passés sous silence. « Ils ont mis du temps à le reconnaitre, mais 80% des Caldoches de Calédonie ont des origines Kanak, avance Roch Wamytan, sans plus de références. En tout cas, nous considérons que les Caldoches ce sont des Océaniens aussi ».

 

L’État « s’accroche comme une huître pour ne pas nous lâcher »

Contrairement au partisan du maintien dans la France, qui peut compter sur l’appui officiel des Républicains, du Rassemblement national ou de l’UDI, le camp du « Oui » est plutôt pauvre en soutiens nationaux. « La droite dure, radicale, soutient ses affiliés », explique le président du Congrès. Nous on est un peu orphelin depuis la victoire de Macron, parce que nos soutiens, la gauche, ne sont plus tellement visibles dans l’espace politique français ». Le FLNKS peut se consoler avec l’appui de différents mouvements indépendantistes dans le monde. Dont celui, indéfectible, du Tavini polynésien. « Avec Oscar Temaru, on a une longue histoire », acquiesce Roch Wamytan. À l’entendre, les deux combats « contre un système colonial français archaïque » sont « semblables », et, quoiqu’il arrive liés. « Pourquoi l’État français s’accroche comme une huître à son palétuvier pour ne pas nous lâcher ? interroge l’ancien président du FLNKS. Parce que si la Calédonie passe là, bascule le 4 octobre ou en 2022, je pense que pour les deux autres territoires (français du Pacifique, Ndlr), ça va suivre. Peut-être pas le lendemain ou dans un an, mais ça va suivre. »

 

L’ouverture de la citoyenneté et du corps électoral ? « Hors de question »

Et si le « non » l’emportait de nouveau, comme beaucoup s’y attendent ? Roch Wamytan évoque sans problème le troisième et ultime référendum prévu par les accords, normalement en 2022. Et évacue d’avance certaines revendications des non-indépendantistes, nombreux à vouloir négocier avec le FLNKS et l’Etat dès le lendemain du 4 octobre. « La droite veut absolument faire rentrer 45 000 personnes dans le corps électoral, c’est hors de question », tranche-t-il. La population qui doit s’exprimer sur l’autodetermination « ce sont les Calédoniens d’origine ». « On n’est pas raciste, mais on protège avant tout notre population ».

 

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2 Commentaires

  1. bla
    2 octobre 2020 à 8h01 — Répondre

    C’est sur que si on fait revoter a chaque fois que le non a l’independance l’emporte, on finira par dire oui… ne serait-ce que par lassitude… mais ca n’est plus de la democratie!

  2. lesagetahiti
    4 octobre 2020 à 13h50 — Répondre

    exact;
    je pense que le Conseil Constitutionnel devrait siffler la fin de la partie :
    la démocratie est bafouée, avec un corps électoral gelé en 1988, sans tenir compte des nationaux arrivés entre temps, où l’on procède à des inscriptions d’office des électeurs kanaks;
    on n’a rien trouvé de mieux que de prévoir 3 referendum sur 6 ans, jusqu’à ce que, de guerre lasse, on passe à autre chose !

    eh bien, il faut imaginer dès à présent autre chose, fichtre, ça sert à quoi d’avoir des constitutionalistes ?

    innover, imaginer une formule originale pour l’ensemble des COM, dépasser le statut d’autonomie, en responsabilisant l’exécutif, qui devra chercher dans ses propres ressources les moyens d’une gestion modeste, sans apparat, qui alors pourra légitimement recourir à la solidarité de la Nation.
    pourquoi pas une forme d’association dans une sorte de fédéralisme?

    la Constitution de 1958 a profondément évolué, d’unitaire, elle est maintenant décentralisée, la prochaine étape est le fédéralisme national, dont sont proches tant la N Calédonie, que la Polynésie, ou encore les collectivités des Antilles ( St Martin – St Barthelemy) …

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